Blackburn, Maurice
(Joseph Albert) Maurice Blackburn. Compositeur, chef d'orchestre, monteur, artisan-luthier, conseiller musical (Québec, 22 mai 1914 - Montréal, 29 mars 1988). Lauréat piano (Laval) 1939. Il fit ses études sous la direction de Jean-Marie Beaudet (piano, composition), Henri Gagnon (orgue, improvisation), Robert Talbot (matières théoriques) et J.-Arthur Bernier (orgue, piano) à lUniversité Laval (1937-39), et de Claude Champagne (composition) et Georges-Émile Tanguay (harmonie, contrepoint) en cours privés à Montréal. En 1938, avec Les Petites rues du vieux Québec, il remporta le deuxième prix au Concours de composition Jean-Lallemand. Boursier du gouvernement du Québec, il étudia au New England Cons. de Boston (1939-41) avec Quincy Porter (composition, contrepoint) et Francis Findlay (orchestration, direction). Sa Sonatine pour piano lui mérita le prix George Allan (1940) et, la même année, il dirigea l'Orchestre symphonique de Québec dans sa Fantaisie en mocassins. Toujours en 1940, il assista aux conférences de Stravinsky à l'Université Harvard, Cambridge, Mass.
En 1941, à la demande de l'ONF, il composa sa première musique de film, Maple Sugar Time. Une longue carrière de compositeur à l'ONF s'ouvrit ensuite à lui (1942-46, 1948-53, 1955-78), d'abord à Ottawa puis à Montréal. La période de 1942 à 1948 en fut une de découverte du nouveau médium. Blackburn composa ou harmonisa la musique d'une trentaine de documentaires, dont Habitant (1943) et Science Goes Fishing (1946). À la suite du compositeur belge Arthur Hoérée (1932), il perfectionna la technique du dessin du son et de l'image à même la pellicule avec Norman McLaren dont les premières expériences dataient de 1933. De 1949 à 1964, ce fut l'époque de l'affirmation de son écriture pour le film documentaire. Il composa la musique pour plus de 40 documentaires sur des sujets aussi variés que l'urbanisme (Planning Canada's National Capital), le syndicalisme agricole (Montée), la pêche (Les Goélettes), la musique (Jeunesses musicales du Canada), etc. Son oeuvre la plus remarquable de cette période est la musique d'un film de McLaren, Blinkity Blank (1955), qui obtint 12 prix dont la Palme d'or au Festival international de Cannes. Blackburn, dans Le Compositeur canadien (mars 1969), a décrit la nature de cette musique qu'il qualifiait de « mi-improvisée » : « ... McLaren et moi avions discuté une façon d'enregistrer de la musique sans l'aide d'une partition, à partir d'une esquisse bien rudimentaire de partition, où les musiciens pouvaient choisir les notes qu'ils voulaient, - soit les hautes, soit les moyennes, soit les basses, - mais sur un rythme fixe. Nous avons enregistré bien des petits bouts, - un choral, des pièces rapides, - et de tout cela, ... McLaren choisit ce qui l'intéressait le plus et fit un film... »
En 1956, Blackburn quitta Ottawa pour se fixer à Montréal quand l'ONF y transféra son dépt de technologie. C'est au cours des années 1950 qu'il exerça surtout son métier d'artisan-luthier. Il fabriqua une série d'instruments de type artisanal pour mettre en musique les sons qu'il entendait reproduire. En 1965, il composa la musique du premier film de fiction produit par l'ONF, Astataion ou Le Festin des morts. En même temps, il signait la musique du film À tout prendre du réalisateur Claude Jutra. Lors de l'Expo 67 à Montréal, il écrivit la musique pour des films présentés notamment aux pavillons du Québec et de l'Homme et la musique. Il fut ensuite boursier du CAC (travail libre, 1967-68). Dans les années 1960, il s'imposa aussi comme monteur, organisant la trame sonore à la manière de la musique concrète, notamment pour Je (1960), Jour après jour (1962) et Percé on the Rocks (1964). En 1971, il procéda à la création d'un atelier de conception et de réalisation sonore au studio d'animation française de l'ONF. Jusqu'à sa retraite de l'ONF en 1979, il composa la trame sonore de plus de 20 films d'animation, 11 films documentaires et 4 films de fiction. Comme chef d'orchestre, il dirigea ses propres oeuvres et celles d'autres compositeurs de l'ONF.
En même temps qu'il poursuivait sa carrière à l'ONF, ses oeuvres symphoniques étaient jouées en concert. Son poème symphonique Charpente fut créé à la SRC par Jean-Marie Beaudet dans la série « Musique canadienne en temps de guerre » (1944) puis fut repris par lui au Festival de Prague (1946). La même année, l'oeuvre fut jouée par l'Orchestre philharmonique de Londres puis par l'OS des jeunes de Montréal en 1948. Grâce à une bourse du gouvernement du Québec, il avait poursuivi ses études de composition à Paris avec Nadia Boulanger (1946-48). En 1951, son Ouverture pour un spectacle de marionnettes remporta le premier prix de composition à l'émission « Opportunity Knocks » à la SRC. En 1954-55, une bourse de la Société royale du Canada lui permit de faire un second stage à Paris, où il fréquenta notamment le Groupe de recherches de musique concrète dirigé par Pierre Schaeffer à la Radiodiffusion-Télévision française, en plus de poursuivre ses travaux de composition. Il fut invité par l'Unesco à participer à un congrès des compositeurs de musique de film à Cannes (1954). Ses deux opéras, Pirouette et Une mesure de silence, furent présentés plus de 100 fois par les JMC (1960-61).
« Les oeuvres de Blackburn, comme le Concertino en do majeur pour piano et instruments à vent (1948), possèdent quelques-unes des caractéristiques - notamment le rythme énergique - de la musique française du début du siècle (particulièrement celle d'Honegger et de Poulenc). » (Compositeurs canadiens contemporains.) Léo-Pol Morin le décrivait comme « un imaginatif, un impulsif, un poète vibrant et caustique et qui a avant tout le souci d'exprimer les réactions de son esprit par le truchement de la musique. Imagier, il a le don de la couleur et de la mise en page, et les histoires qu'il raconte sont originales, vives et primesautières. » (Musique, Montréal 1945.) La dernière oeuvre de Blackburn fut la musique pour Narcisse présenté en 1983 au Festival des films du monde de Montréal.
En 1983, le gouvernement du Québec lui décerna le Prix Albert-Tessier pour l'ensemble de son oeuvre. En 1989, lors du 50e anniversaire de fondation de l'ONF, un hommage posthume lui fut rendu à titre de compositeur. Blackburn était membre de la LCComp. Il conserve son statut de compositeur agréé du Centre de musique canadienne. Voir aussi Film - Musique de.
COMPOSITIONS (Sélection)
Théâtre
Rose Latulippe, ballet : 1953; ms.
La Chasse au corbeau (E. Labiche), musique de scène : 1962; ms.
Hyménée (Gogol), télévision : 1965; vx, balalaïka, acc, p; ms.
Plusieurs autres musiques de scène.
Voir aussi Pirouette et Une mesure de silence.
Film
En 1985, la CAPAC avait répertorié 414 titres de films, longs et courts métrages, documentaires ou films d'animation, dont la musique originale était signée Maurice Blackburn, seul (environ 200) ou avec d'autres. Mentionnons La Poulette grise (arr 1947), Le Gros Bill (1949), Ti-Coq (1953), Blinkity Blank (1955, enregistré sur CD 4-ACM 37), J.A. Martin, photographe (1976), Mourir à tue-tête (1979), Cordélia (1979) et Narcisse (1983).
Orchestre
Les Petites rues du vieux Québec : 1938; ms.
Fantaisie en mocassins : 1940; ms.
Symphonie en un mouvement : 1942; ms.
Charpente« La Forêt canadienne » : 1944; ms.
Mazurka : 1949; ms.
Suite from Le Gros Bill : 1949; ms.
Bal à l'huile : v. 1950; orch cdes; ms.
Pantomime : v. 1950; orch cdes; ms.
Petite suite: v. 1950; ms.
Ouverture pour un spectacle de marionnettes : 1951; ms.
Promenade : 1951; ms.
Suite : 1960; orch cdes; ms; CBC Expo-15 (O Hart House).
Soliste et orchestre
Concertino en do : 1948; p, instr à vent; éd. Centre MC; RCI 2 (Barette).
Rigaudon : 1949; vn, orch chamb; ms; RCI 1 (J.-M. Beaudet).
Nocturne : v. 1950; fl, orch cdes; ms.
Musique de chambre
Marine : v. 1950; cdes, hp; ms.
Six formes musicales« Six dessins de Norman McLaren mis en musique » (M. Maurisset Blackburn) : 1967; narr, quat vent, trio cdes, p, org; éd. JMC 1967 (avant-propos d'Andrée Desautels), avec disque CD-JMC-7 (J.-P. Major fl, Berman ht, Rafael Masella cl, Rodolfo Masella bn, Sieb vn, Malowany al, André Mignault vc, Stevens p, Gilbert org, J. Faubert, Y. Roy et J. Houde narr, Blackburn dir).
Piano
Cinq digitales : 1940; FH 1955 (nos 2 et 5); RCI 397 (Holtzman).
Sonatine : 1940; ms.
Trois danses : 1949; ms.
Étude : v. 1950; ms.
Marionnettes : v. 1950; ms.
Polka : v. 1950; ms.
Valse ivre : v. 1950; ms.
Choeur ou voix
Messe : 1949; vx d'enfants; ms.
Trois poèmes d'Émile Nelligan : 1949; v, p; ms.
« Notre Père » (traditionnel), arr : v. 1950; SATB; ms.
« L'Âne de p'tit Jean » (Blackburn) : v. 1951; SATB; Alliance des chorales du Québec 1977.
« Chanson du gars perdu » (É. de Grandmont) : 1953; v, p; Plaisirs (poèmes d'É. de Grandmont), Montréal 1953.
« Mon oncle a bien mal à sa tête » (traditionnel), arr : 1954; SATB; ms.
« La Rose blanche » (traditionnel), arr : 1954; SATB; ms.
« Garde notre amour » (É. de Grandmont) : 1957; v, p; Jacques Labrecque 1957.
« Ramenez-moi chez moi » (É. de Grandmont) : 1957; v, p; Arch 1958.
Plusieurs autres mélodies pour v et p sur des poèmes d'Aimé Plamondon, Éloi de Grandmont et autres, incluant « Soir d'hiver » enregistrée par D. Mills (Master MA-377), et « Winter Serenade », « The Parrott » et « The Idiot in the Belfry » enregistrées par Charles Jordan (RCI 36).