Article

Maurice Duplessis

Maurice Le Noblet Duplessis, premier ministre et procureur général du Québec de 1936 à 1939, puis de 1944 à 1959 (né le 20 avril 1890 à Trois-Rivières, au Québec; décédé le 7 septembre 1959 à Schefferville, au Québec).

Maurice Duplessis, vers 1936

Origines et ascension au pouvoir

Le père de Maurice Duplessis, Nérée Le Noblet Duplessis, un fervent catholique, avait été député provincial conservateur de la circonscription de Trois-Rivières de 1886 à 1900. Candidat du Parti conservateur défait aux élections fédérales, il avait été nommé juge à la Cour supérieure par Sir Robert L. Borden en 1915. La mère de Duplessis, elle, était d’origine irlandaise et écossaise.

Il étudie au Collège Notre-Dame à Montréal (où il devient en quelque sorte le protégé du frère André) et au Séminaire de Trois-Rivières. Il obtient son diplôme en droit à la faculté de droit de l’Université Laval à Montréal, en 1913, et passe la Première Guerre mondiale au service de la milice locale. Il pratique le droit avec succès à Trois-Rivières, où il perd de justesse l’élection provinciale de 1923. Cependant, il s’y fait élire pour la première fois en 1927 et sera réélu aux neuf prochaines élections.

Il aide le maire de Montréal, Camillien Houde, à écarter Arthur Sauvé de la direction du Parti conservateur provincial en 1929. Par la suite, il se débarrasse de Houde après la débâcle électorale de 1931 qui voit la déroute des conservateurs sous sa direction. Confirmé chef du Parti conservateur du Québec en 1933, Duplessis fait la cour aux libéraux et aux nationalistes réformistes, mécontents et déçus du gouvernement libéral à l’esprit ultraconservateur de Louis-Alexandre Taschereau. Il forme alors un mouvement nommé Action libérale nationale. Deux semaines avant l’élection de 1935, Duplessis conclut une alliance avec les tenants de l’Action libérale nationale et fonde l’Union nationale, en faisant de Paul Gouin, un homme plutôt naïf, son prétendu bras droit.

Taschereau revient au pouvoir en 1935, mais Duplessis l’oblige à démissionner en juin 1936, en livrant une prestation exceptionnelle devant le comité des Comptes publics où il expose la corruption et le gaspillage du régime, et en ayant recours à l’obstruction systématique à l’Assemblée législative. Duplessis se débarrasse de Gouin, neutralise ses alliés de l’Action libérale nationale, défait l’infortuné Joseph-Adélard Godbout et remporte une victoire écrasante aux élections d’août 1936, mettant ainsi fin à 39 ans de règne libéral.

Premier mandat comme premier ministre

Le premier mandat de Maurice Duplessis déçoit. Hormis pour la mise sur pied du populaire crédit agricole, la commission des salaires raisonnables et des mesures pour l’assistance aux mères nécessiteuses et aux aveugles, le gouvernement fait peu. L’administration est prodigue, et Duplessis lui-même mène une vie déréglée. Il est à cette époque un célibataire robuste et quelque peu alcoolique et il ne se mariera jamais. Il commet une bourde monumentale en annonçant une élection surprise en septembre 1939 axée sur la participation du Québec à l’effort de guerre.

Les ministres fédéraux du Québec, dont Ernest Lapointe , Arthur Cardin et C.G. Power , menacent de démissionner si Duplessis est réélu, ce qui laisserait le Québec impuissant devant un Canada anglais en faveur de la conscription. Ils promettent que la conscription ne sera pas imposée s’il est défait.

Duplessis est réélu comme député, mais c’est l’équipe de Godbout qui remporte la victoire. Pendant son passage dans l’opposition, la santé de Duplessis se détériore. Il passera de nombreux mois à l’hôpital, en 1941 et 1942, à cause d’une pneumonie et du diabète. Il ne boira plus jamais.

Deuxième mandat comme premier ministre

Maurice Duplessis fait campagne sans relâche pendant deux ans et l’emporte de justesse en 1944 contre Godbout et le Bloc populaire canadien , un parti nationaliste. Ce dernier, dirigé par André Laurendeau et Jean Drapeau , est appuyé de surcroît par Henri Bourassa . L’Union nationale est réélue en 1948, en 1952 et en 1956. Le parti intervient avec succès dans d’autres élections et contribue notamment à la défaite du maire de Montréal, Jean Drapeau, en 1957, et à l’élection de 50 députés conservateurs au Québec pour le gouvernement de John Diefenbaker en 1958. Pendant les 15 années de son deuxième mandat, Duplessis affirme l’autorité du gouvernement du Québec sur l’Église. Il se bat contre le gouvernement fédéral et réussit à récupérer, du moins partiellement, la compétence concurrentielle de taxation directe après la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement qu’il dirige fait aussi adopter des mesures sociales, dont des lois sur le salaire minimum et sur l’aide à l’accession à la propriété, les plus généreuses au Canada. Son administration se lance dans de grands projets de construction : travaux publics, autoroutes, hôpitaux, écoles et universités. D’imposants projets de centrales hydroélectriques sont mis en place pour apporter de l’électricité au Québec rural.

Maurice Duplessis, politician

Maurice Duplessis est également connu pour son attitude dure envers les syndicats en grève, en particulier à Noranda, Asbestos , Louiseville et Murdochville. (Voir aussi Grève de l’amiante de 1949; Grève de Murdochville.) Son mépris des concepts contemporains des libertés civiles est manifeste. Il se voit particulièrement à l’occasion du litige concernant la fameuse Loi du cadenas , mesure anticommuniste qui est invalidée par la Cour suprême du Canada en 1957, et aussi lors de l’affaire Roncarelli, qui se termine en 1959 par une ordonnance obligeant Duplessis à verser personnellement 46 132 $ en dommages et intérêts. (Voir aussi Grande noirceur.)

Outre les gains obtenus en matière de compétences provinciales, Duplessis applique un certain nombre de mesures nationalistes symboliques, dont l’adoption du drapeau du Québec. Il met en place une organisation politique très puissante. Le favoritisme et la corruption atteignent des proportions mythiques, mais Duplessis gouverne pendant une période de prospérité, de croissance économique et d’investissements inégalés, où pour la première fois, le Québec fait du progrès par rapport à l’Ontario, quel que soit le critère social ou économique utilisé dans l’évaluation.

Un modernisateur, sauf en méthodologie politique, Duplessis élève l’État du Québec à une position de force encore jamais vue face à l’Église, au gouvernement fédéral et à la communauté d’affaires anglo-saxonne de Montréal. Il s’appuie sur le clergé qu’il engage à de bas salaires pour effectuer des tâches essentiellement laïques dans les écoles et les hôpitaux, tout en réduisant ainsi l’épiscopat à une dépendance financière. Il réduit les impôts, présente des budgets équilibrés et réussit à convaincre les conservateurs et les nationalistes de voter dans le même sens pour ce qu’il appelle « l’autonomie ».

Son système de gouvernement s’écroule après sa mort en 1959, avec la disparition subite de ses successeurs, Paul Sauvé et Daniel Johnson , et le triomphe de la Révolution tranquille . Maurice Duplessis avait une personnalité énigmatique et colorée : démagogue en public, il était un homme sophistiqué, élégant et vif d’esprit en privé. Pendant la majeure partie de sa carrière, on l’a surnommé presque partout « le Chef » en raison de ses qualités de leader fort, quoique controversé, du Québec.