Messes
Messes. En musique, une « messe » signifie habituellement une mise en musique, monodique ou polyphonique, de portions de la partie de la messe dévolue à l'assemblée : l'ordinaire, qui est fixe par rapport au second élément, le propre, qui est variable selon le jour. Les parties chantées de la messe sont le Kyrie eleison, le Gloria in excelsis Deo, le Credo, le Sanctus avec le Benedictus, et l'Agnus Dei. La messe monodique grégorienne fut largement utilisée jusqu'au XIIe siècle, alors que les messes polyphoniques firent leur apparition, habituellement à trois voix, et par des compositeurs dont les noms ne sont pas passés à la postérité. La Messe de Nostre Dame, une mise en musique à quatre voix composée entre 1349 et 1363 par Guillaume de Machault, marque l'apogée de cette première floraison de la messe polyphonique.
En 1549, la publication du Book of Common Prayer autorisa la mise en musique de textes en anglais, bien que les titres grec (Kyrie) et latins aient été maintenus (à l'exception des Répons aux Commandements, introduits dans la liturgie anglaise en 1552). Les compositeurs anglicans ont continué de mettre en musique à la fois des textes latins et des textes anglais. Publié en 1985 et largement répandu, le Book of Alternative Services of the Anglican Church of Canada proposait des liturgies nouvelles qui nécessitèrent de nouveaux supports musicaux. Les messes vernaculaires étaient considérées inconvenantes par l'Église romaine de l'époque, comme le révèle le Missale romanum de Pie V (1570) qui prescrivait la succession fixe du propre et de l'ordinaire, et décrétait l'emploi exclusif du latin. Ces décrets demeurèrent en vigueur jusqu'aux années 1960, ce qui explique que les messes composées par les musiciens de religion catholique romaine avant cette date étaient toutes en latin.
Même si la messe basse constitue la coutume dans de nombreuses églises canadiennes, la messe chantée s'est perpétuée au sein de certaines assemblées catholiques romaines et anglicanes « hautes ». Chez ces dernières cependant, elle est ordinairement réservée aux dimanches, jours de fête, jours saints et aux occasions spéciales. Les mises en musique utilisées varient considérablement en qualité et en difficulté selon les préférences et les ambitions des différents maîtres de chapelle et des possibilités de leurs choeurs.
Les premières mises en musique de la messe par des compositeurs canadiens-anglais furent probablement réalisées dans un style proche de l'hymne ou du plain-chant, en vue d'une utilisation par les assemblées locales. The Book of Common Praise (1908, rév. 1938) en offre des exemples. Plus tard, alors que s'accroissait la sophistication des assemblées, des choeurs et, surtout, des maîtres de chapelle, des mises en musique plus élaborées furent destinées à des choeurs spécifiques. Charles A.E. Harriss signa deux mises en musique ambitieuses avec accompagnement d'orchestre : une Festival Mass en 1901 (créée la même année à Buffalo et chantée l'année suivante à la basilique d'Ottawa) et une Coronation Mass Edward VII en 1902 (écrite pour le Cycle des festivals de musique). Clarence Lucas termina une Messe de Requiem en 1937, quelque 46 ans après avoir quitté le Canada. Les 14 Missae breves composées entre 1928 et 1963 par Healey Willan donnèrent un nouvel élan aux mises en musique, en anglais, de la messe sans Gloria ou sans Credo. Pas moins de quatre messes titrées Mass of Saint Thomas (de Hugh Bancroft, Lorne Betts, Robert Fleming et Derek Holman) surgirent en 1974, pour le 700e anniversaire de la mort de saint Thomas d'Aquin. Toutes, sauf celle de Betts, furent publiées la même année par le même éditeur, Waterloo. D'autres Missae breves ont été composées par Keith Bissell (trois mises en musique), Charles Camilleri, F.R.C. Clarke, Graham Coles, Margaret Drynan, Fleming, Graham George, Walter MacNutt (quatre furent publiées), Galt MacDermot (dans le style rock), Ruth Watson Henderson (Thompson 1966), Imant Raminsh, Judy Specht, Nancy Telfer (Lenel 1985), Charles Wilson et Leonard Wilson. Parmi les mises en musique canadiennes pour choeur propres aux nouvelles liturgies anglicanes, on touve la Priory Mass de Richard Dacey, la Madawaska Mass (1985) de Frances Macdonnell, ainsi que la Mass of the Crown of Life (1987) et la Mass of the Gates of Praise (1985) de Patrick Wedd, sans oublier une mise en musique de Jacobus Kloppers d'Edmonton.
Quentin MacLean écrivit plusieurs messes en latin; Keith Bissell, Clifford Ford (utilisant le texte complet, dont le Credo) et Bernard Naylor mirent également en musique les textes latins. Il n'est pas étonnant cependant - ceci plus particulièrement avant le concile Vatican II de 1963-66 qui autorisa et encouragea l'usage de la langue vernaculaire afin de faciliter la participation de la communauté - que la messe en latin ait été cultivée plus régulièrement au Canada français qu'au Canada anglais. Les quatre Messes d'Antoine Dessane (datant probablement des années 1850 et 1860), les Messe des morts et Messe de Noël « Deo Infanti » (la seconde publiée en 1870) de J.-J. Perrault et, en particulier, les trois Messes d'Alexis Contant, la plus ancienne datant de 1884 et la dernière exécutée en 1903, témoignent de l'évolution d'une longue tradition au Québec, à la fois française et irlandaise, de la messe en latin. Mass of the Blessed Virgin (Suckling 1893) et Mass of the Sacred Heart (Whaley Royce 1898) de J.A. Fowler sont des mises en musique de messes en latin destinées à son choeur de l'église Saint Patrick's, à Montréal. La Messe de Requiem de Guillaume Couture, écrite vers 1900 et exécutée à Montréal en 1906 et 1915, représente cette tradition au plus fort de sa maturité, tout comme la Messe de 1902 d'Achille Fortier, la Messe funèbre de Charles Labelle, et la Messe de Jules Hone, d'origine belge, qui fut chantée à l'église Notre-Dame de Montréal.
Plus tard, d'autres messes du même genre s'ajoutèrent à la Messe des morts de Perrault et à la Messe de Requiem de Couture. Appelées tantôt Messe pour défunts, Messe funèbre ou Missa pro defunctis, elles eurent pour auteurs Alexandre d'Aragon, Auguste Descarries, Roméo Larivière, Alphonse Lavallée-Smith, Joseph-Léopold Lemieux, Oscar O'Brien, Frédéric Pelletier, J.-Antonio Thompson, Amédée Tremblay et Benoît Verdickt. Trois Messes de Noël suivirent celle de Perrault, signées Édouard Desjardins, Alexandre d'Aragon et Thompson qui écrivit également une Messe de Pâques. Parmi d'autres messes écrites au Canada français pour des occasions spéciales ou des commémorations figurent celles d'Édouard Biron (Messe de Notre-Dame-de-la-Paix, Messe au Christ Roi), Maurice Blackburn (Messe, 1949, pour voix d'enfants), Charlotte Cadoret (Messe à Notre-Dame, en plus d'une autre sans désignation particulière), Claude Champagne (Missa brevis), Donald Heins (Messe de sainte Ursule), Alfred Lamoureux (Messe du saint Nom de Marie) et O'Brien (Messe de saint Joachim). Les trois messes de Paul-Émile McCaughan (1938, 1943 et 1944) sont destinées à des occasions solennelles. La messe en latin, à trois voix et d'une durée de huit minutes, de Gabriel Charpentier (1952) pourrait être utilisée à l'église à condition d'avoir des chanteurs de bonne formation. Parmi les messes « post-Vatican II », la Messe québécoise de Pierick Houdy, sur des textes en français, est digne de mention.
La Missa de profundis d'André Prévost, comme la Messe de Clifford Ford, sont, à toutes fins pratiques, des oeuvres pour le concert, même si théoriquement elles peuvent être utilisées à l'église. Elles utilisent des textes grecs et latins traditionnels mais le texte du De profundis est récité et non chanté. La Messe sur le monde : symphonie no 4 de Clermont Pépin utilise des textes de Teilhard de Chardin tout à fait étrangers à la messe, et constitue essentiellement une oeuvre de concert. Comme celle de Prévost, la mise en musique du texte latin de Walter Buczynski inclut le De profundis à la suite de l'Agnus Dei et incorpore également un Asperges me (avant le Kyrie). Parmi les messes de concert, citons aussi Childermas : Mass for Holy Innocents (1979) de Clifford Crawley, pour cinq solistes, choeur, deux piano et cordes, et la Missa pro trecentesimo anno op. 38 (1985) de Jacques Hétu pour choeur mixe et orchestre, écrite à l'Occasion du tricentenaire de la naissance de Bach. Dans sa Celtic Mass (1991), Scott MacMillan mêle prières celtes anciennes, chansons de marins, airs pour pipeau et violon, choeurs et orchestre à cordes pour exprimer la gratitude de l'Homme devant les dons que Dieu lui prodigue au sein des océans. L'oeuvre véhicule un puissant message écologique.
Les traductions anglaises des textes liturgiques par l'International Consultation on English Texts en 1970-71 ont été mises en musique par Godfrey Ridout (The Hymn Book, 1971) et Barrie Cabena (Catholic Book of Worship, 1972). Victor Togni et le père Stephen Somerville ont signé des messes pour le rite catholique romain, et Cabena a publié une Mass in the Dorian Mode avec plusieurs textes. Les nombreuses mises en musique par des compositeurs canadiens de parties de la messe n'ont pas été étudiées ici, mais il faut néanmoins mentionner le Kyrie pour quatre voix solos, choeur et instruments de Harry Somers, d'une durée de 23 minutes.
Parmi les messes composées après 1979, on trouve la Civic Mass (1980) de Dennis Farrell, la Messe de la Saint-Jean-Baptiste (1985) de Jacques Faubert, la Mass of Reconciliation (1981) et la Mass of the Sacred Heart (1982) de Frank Haworth (toutes deux pour choeur accompagné à l'unisson; Haworth a écrit en 1986 une Messa di Sant' Antonio pour choeur a cappella), la Mass in Honor of Saint Thomas Aquinas (1983) de Walter Kemp, la Missa brevis pour orgue solo (1984) de Richard Johnston, la Missa silvatica (1981) de Michael Parker, la Chorale Mass (1983) de Paul Pedersen et la Bloor Street Mass (1987) de Ruth Watson Henderson - une commande de l'église unie de la rue Bloor (Toronto).