Minimalisme
Minimalisme. Terme appliqué aux oeuvres de certains artistes visuels, compositeurs, écrivains, dramaturges, cinéastes et chorégraphes vers le début des années 1960, illustrant presque autant d'attitudes que les artistes et les musiciens qui y sont associés. L'unique caractéristique commune à tous est leur but d'en faire, selon les mots de Buckminster Fuller, « plus avec moins ». Les artistes minimalistes utilisent une petite quantité de matériaux et des structures concentrées pour bâtir des oeuvres au moyen de répétitions, d'extensions ou de transformations graduelles qui ont souvent un effet hypnotique sur le spectateur ou l'auditeur.
Enfant de l'époque suivant la Deuxième Guerre mondiale, le minimalisme pourrait remonter à certaines oeuvres d'Erik Satie (Vexations, 1892-93) et de Marcel Duchamp (Readimades, Erratum musical) et de Schoenberg (« Farben » op. 16 no 3). Plus importantes cependant que n'importe quel modèle historique ont été les cultures de continents autres que l'Europe et l'Amérique du Nord. Les pionniers et les praticiens les plus significatifs du minimalisme aux États-Unis ont été LaMonte Young, Terry Riley, Steve Reich et Philip Glass. Dans 4'33" de John Cage (1952), une composition qui ne dure que le temps indiqué par son titre, nous n'entendons que les sons ambiants, l'oeuvre n'étant elle-même qu'une césure prolongée, l'exécutant ne produisant aucun son; cette oeuvre peut être considérée comme le précurseur de certains des traits les plus saillants du minimalisme. L'intérêt de Cage pour le zen est bien connu; la musique de Young découle de son étude des théories indiennes classiques; la musique indienne fut également l'inspiration de Riley pour In C (1964) et de Glass pour ses opéras. Dans les années 1970, Reich se rendit en Afrique pour étudier le jeu des tambours ghanéens et en inclut des éléments dans sa musique à patterns. (Russell Hartenberger et Robert Becker de Nexus ont étudié les tambours africains et ont aussi été membres réguliers de l'ensemble instrumental de Reich.)
Le mouvement s'installa principalement dans les deux régions des États-Unis les plus ouvertes aux innovations artistiques et aux influences des cultures non européennes : New York et la Côte ouest. Le minimalisme a des adeptes en Grande-Bretagne et en Europe continentale, mais il demeure avant tout un phénomène new-yorkais et californien. Certains théoriciens font une différence entre le « minimalisme statique » (Ligeti, Feldman) et le « minimalisme à pulsion » (Glass, John Adams). Comme on pourrait s'y attendre, sa répercussion est grande dans les musiques populaire et commerciale (la formation de Riley vient du jazz et Glass a emprunté quelques techniques au rock).
Bien que la création musicale canadienne de l'époque ait été assez peu influencée par les avant-garde de New York et de Californie, le minimalisme a été adopté par plusieurs Canadiens. Le compositeur David Rosenboom fut parmi un groupe d'artistes innovateurs associés aux programmes de musique et d'arts à l'Université York à partir du début des années 1970. Même si ses travaux allaient au-delà du minimalisme de la musique à patterns (sa recherche portait sur la musique et la rétroaction biologique), il encouragea néanmoins chez ses étudiants une perception des patterns, de leurs répétitions et de leurs traitements prolongés. La création à York d'un programme de musique indienne classique a intensifié chez les étudiants la compréhension des éléments minimalistes de base. Plusieurs décidèrent de mettre ces idées en pratique. Jon Siddall et Andrew Timar, deux diplômés en musique de York, fondèrent l'Evergreen Club Gamelan Ensemble, un groupe voué à la création-exécution dont les membres, dans certaines de leurs compositions interactives, traduisent les concepts javanais orientés vers les patterns en des motifs musicaux nouveaux. On trouve également de la musique à patterns sans influences européennes dans les oeuvres de Miguel Frasconi, Christopher Crawford et Gayle Young, tous des diplômés de York, et John Celona. L'un des adeptes les plus personnels du minimalisme est Lubomyr Melnyk, qui appelle son style individuel de composition-exécution « musique continue ». Il a développé une technique selon laquelle il exécute avec une grande rapidité des patterns (jusqu'à 19 notes à la seconde) utilisant les deux mains de façon indépendante, créant ainsi au piano des résonances qui accumulent des sonorités jamais entendues auparavant.
Le compositeur qui se rapproche le plus de l'esthétique du minimalisme artistique au Canada est James Tenney. Non seulement confirme-t-il sa place dans les rangs minimalistes par sa production d'une série de pièces d'une page, chacune imprimée sur une carte postale, mais toute sa philosophie créatrice est basée sur la conviction que la musique se doit de présenter des sons dans leur forme la plus pure afin d'avoir un impact direct sur les facultés perceptives de l'auditeur. Par son rejet des effets dramatiques et de toute projection personnelle, la musique de Tenney s'approche de près de l'attitude considérée par plusieurs comme la source spirituelle du minimalisme nord-amér. - celle des Shakers. De simples glissandos ascendants sont le seul matériau de For Ann (rising), une oeuvre pour bande de 1969 (il en existe aussi une version pour 12 cordes) dans laquelle le traitement des glissandos en plusieurs couches crée l'illusion d'un son en continuelle ascension. Les divers canons qu'il a dédiés à ses idoles et collègues les plus influents - Ives, Varèse, Henry Cowell et Conlon Nancarrow, trois d'entre eux pour quatuors de percussion, celui de Nancarrow pour « piano pneumatique harmonique » - ont tous comme base un simple motif, lequel se développe par un traitement logique en une structure dont le matériau et la forme deviennent un.
R. Murray Schafer considère le minimalisme comme une réponse musicale moderne aux machines. Son Quatuor à cordes no 2 (« Waves »), basé sur la répétition de motifs de vagues, en est un exemple approprié. D'autres Canadiens dont les oeuvres accordent une certaine importance au minimalisme incluent Michael J. Baker, Tim Brady, José Evangelista, Anthony Genge, Denis Hébert, Udo Kasemets, Rudolf Komorous, Marjan Mozetich, John Rea, Denis Schingh, Ann Southam et Steve Tittle.