Territoire et population
Les Mowachaht et les Muchalaht sont des Nuu-chah-nulth. Les Mowachaht forment à l’origine deux groupes tribaux indépendants – les communautés des bras de mer Tahsis et Tlupana – qui fusionnent à la suite des maladies introduites par les Européens (variole, tuberculose et rougeole) et des guerres prolongées avec d’autres nations autochtones. Les territoires traditionnels des Mowachaht comprennent la côte ouest de l’île Nootka, la baie Nootka, les bras de mer Tahsis et Tlupana et les villages de Yuquot et de Coopte.
Les territoires traditionnels des Muchalaht comprennent le bras de mer Muchalaht et la vallée de la rivière Gold. Leurs principaux villages sont Cheeshish et Ahaminaquus. Dans les années 1950, les Muchalaht fusionnent officiellement avec les Mowachaht. Ils constituent aujourd’hui (en 2018) une Première Nation unifiée qui compte 613 membres enregistrés. Ils contrôlent également 18 réserves couvrant au total 388,30 hectares de territoire.
Vie traditionnelle
Les Mowachaht ont toujours été une communauté axée sur la pêche. Les Muchalaht, à la différence de la plupart des Nuu-chah-nulth, vivent à l’intérieur des terres et se sont adaptés aux milieux ripariens et continentaux. Les cours d’eau riches en saumon, les wapitis et les cerfs étaient importants pour leur subsistance.
Les bandes mowachaht-muchalaht vivaient dans de grandes maisons en planches qui abritaient quatre à six familles. Ces habitations pouvaient être facilement démontées et reconstruites lors des déplacements des quartiers d’été aux quartiers d’hiver ou lors des expéditions de chasse, de cueillette ou de pêche (voir aussi Histoire de l’architecture : Autochtones).
Société
La société des Mowachaht-Muchalaht est traditionnellement divisée entre les chefs (le rang le plus haut), les roturiers et les esclaves (personnes capturées durant les batailles et forcées à servir les chefs).
Maquinna, qui rencontre James Cook dans la baie Nootka à la fin des années 1700, est un des chefs mowachaht (et plus généralement nuu-chah-nulth) les plus connus. Pendant plusieurs générations, le nom de Maquinna a été utilisé pour désigner le chef le plus haut placé chez les Mowachaht. Ce chef hérite des droits spéciaux associés au territoire, aux récits et aux coutumes culturelles. Les chefs héréditaires conservent aujourd’hui encore ces privilèges spéciaux.
Au début du 20e siècle, un Muchalaht hérite de Maquinna du statut de Mowachaht, et les Muchalaht qui ne sont pas morts au combat ou de maladie au début de la période coloniale se joignent au village mowachaht de Yuquot. Depuis la fusion officielle des deux nations, les Mowachaht-Muchalaht sont gouvernés à la fois par des chefs héréditaires, des chefs et des conseillers élus.
Culture
Historiquement, les Nuu-chah-nulth ont une riche culture cérémonielle, caractérisée par l’organisation de festins et d’activités telles que des chants, des danses, des concours et des représentations théâtrales (voir aussi Potlatch). Les Nuu-chah-nulth sont également réputés pour leurs magnifiques objets en bois, notamment leurs canots, leurs mâts totémiques, leurs maisons multifamiliales et bien d’autres produits fabriqués à la main à partir du bois de cèdre (voir aussi Art autochtone de la côte nord-ouest).
Yuquot et pêche à la baleine
Yuquot (qui signifie « où le vent souffle de toutes les directions ») est un site qui a une grande importance spirituelle et culturelle pour les Mowachaht-Muchalaht. Yuquot, dans la baie Nootka, est l’endroit où les chefs possédaient des terres et bâtissaient des villages pour leur peuple. Il y aurait eu un temps plus de 1 000 personnes vivant à Yuquot avant l’arrivée des Européens.
C’est également à Yuquot que l’on trouve un « sanctuaire des baleiniers », une structure en forme d’habitation qui était utilisée lors de la préparation spirituelle des chasses à la baleine. La chasse à la baleine est un aspect important de l’histoire des Nuu-chah-nulth. En plus de son importance économique, la chasse à la baleine était un élément essentiel de la culture et de la spiritualité nuu-chah-nulth. Elle est reflétée dans les légendes, les noms de famille, les chants et les noms de lieux.
Après avoir conclu l’« achat » controversé et disputé du sanctuaire, le Musée américain d’histoire naturelle à New York fait l’acquisition de l’édifice et de son contenu au début du 20e siècle (voir aussi George Hunt : Controverse). Les propriétaires originaux du sanctuaire, les Mowachaht, votent néanmoins en faveur du retour du sanctuaire en 1996. Le sanctuaire, et les efforts déployés par les Mowachaht pour le récupérer, sont le sujet d’un film, The Washing of Tears (Hugh Brody, 1994). D’abord désigné site historique en 1923 sous le nom de Nootka, le lieu est déclaré « site historique national » en 1997 par le gouvernement fédéral, cette fois sous le nom plus approprié de Yuquot.
Langue
Les Mowachaht-Muchalaht parlent un dialecte nuu-chah-nulth (nuučaan̓uɫ) appelé le nuučaan̓uɫ du nord (voir aussi Nuu-chah-nulth : Langue). Il s’agit d’une langue menacée d’extinction. En 2015, on ne comptait que 20 personnes qui la parlaient couramment, 12 qui parvenaient un peu à la parler et à la comprendre et 29 qui l’apprenaient (voir aussi Famille des langues autochtones de la côte du Nord-Ouest et Langues autochtones au Canada).
Religion et spiritualité
Le système de croyances nuu-chah-nulth est centré sur l’existence d’un créateur et d’esprits dont les pouvoirs peuvent être utilisés pour amener la paix et porter chance à la communauté. Les Nuu-chah-nulth croient que toute forme de vie est associée à un esprit, et qu’elle doit donc être respectée et appréciée. Les chamans se chargeaient de la santé spirituelle des gens en pratiquant la médecine traditionnelle et en organisant des rituels visant à guérir des maladies et à rétablir l’équilibre spirituel (voir aussi Autochtones : religion et spiritualité).
Réincarnation : l’histoire de Luna
Les baleines tiennent une place importante dans la spiritualité des Mowachaht-Muchalaht. Les épaulards sont particulièrement révérés comme des protecteurs des mers. C’est ce qui explique l’attention particulière portée à un épaulard solitaire trouvé en territoire mowachaht-muchalaht (dans la baie de Gold River) en juillet 2001.
Les épaulards vivant en groupe, les agents de conservation du gouvernement ont d’abord essayé d’aider l’épaulard, baptisé Luna, à rejoindre son groupe dans les îles San Juan, dans l’État de Washington. Aux yeux des Mowachaht-Muchalaht, Luna (qu’ils ont eux-mêmes baptisé Tsu-xiit) n’est pas un épaulard égaré, mais plutôt la réincarnation d’Ambrose Maquinna, un chef récemment décédé. Le chef avait confié à son peuple qu’il reviendrait dans sa communauté sous la forme d’une baleine. Luna est apparue quelques jours après sa mort.
Déterminés à garder Luna dans leur territoire, les Mowachaht-Muchalaht entament une campagne qui durera neuf jours durant laquelle ils s’efforcent d’éloigner la baleine des enclos installés par le gouvernement pour tenter de la capturer. Cette confrontation, très médiatisée, crée finalement un contexte favorable pour l’amorce de discussions entre les agents du gouvernement et la Première Nation des Mowachaht-Muchalaht. Les deux parties entament alors un processus consultatif visant à décider du sort de Luna. Malheureusement, durant les négociations, en 2006, Luna est heurté et tué par un gros remorqueur.
L’histoire de Luna illustre parfaitement les croyances des Mowachaht-Muchalaht en la réincarnation et une vision du monde dans laquelle nature et culture sont très profondément liées sur le plan spirituel. Elle démontre aussi la nécessité pour le gouvernement canadien de consulter les Premières Nations pour tout ce qui concerne les territoires traditionnels ou les croyances spirituelles de ces dernières.
Histoire coloniale
Avant la formation des Mowachaht, la tribu de Yuquot est le premier groupe nuu-chah-nulth à avoir des contacts importants avec les Européens. En 1778, ils font la traite des peaux de loutres de mer avec le capitaine James Cook et commercent avec ses navires. L’équipage de Cook ayant découvert que ces peaux peuvent se vendre à prix d’or en Chine, la traite des fourrures par voie maritime commence en 1785. Yuquot, alors connu sous les noms de Nootka et de Friendly Cove, devient bientôt un important centre de traite. Les Yuquot, sous la direction du chef Maquinna, ont le monopole du commerce dans la baie Nootka et deviennent ainsi riches et puissants. En 1789, une expédition espagnole construit un poste militaire à Yuquot et s’empare de plusieurs navires marchands britanniques, ce qui déclenche la controverse de la baie Nootka. Au milieu des années 1790, le commerce fléchit dans la baie Nootka. Le déclin économique qui s’en suit pousse peut-être Maquinna à capturer le navire marchand Boston, en 1803, mettant ainsi fin à la traite des peaux de loutre de mer dans la baie Nootka.
Les Européens étant de plus en plus présents sur la côte ouest de l’île de Vancouver, les Mowachaht-Muchalaht sont obligés d’abandonner leurs terres natales. Forcés de rejoindre les réserves à partir de la fin du 19e siècle, les Mowachaht-Muchalaht sont aussi obligés d’assimiler la culture chrétienne des Blancs par l’intermédiaire de politiques et de programmes fédéraux tels que les pensionnats indiens. Les Mowachaht-Muchalaht ont également été déplacés deux fois : une première fois dans les années 1960, à Gold River, et une seconde fois dans les années 1990, à Tsaxana, où ils habitent actuellement. Malgré ces politiques coloniales, les Mowachaht-Muchalaht ont réussi à survivre et ils continuent aujourd’hui à préserver et à protéger leur culture.
Vie contemporaine
Aujourd’hui, les Mowachaht-Muchalaht gèrent un certain nombre d’installations touristiques sur leur territoire traditionnel, à Yuquot, notamment des pontons et des chalets. Une vieille église catholique sert de centre culturel et de musée pour cette Première Nation.
Les Mowachaht-Muchalaht forment une des 14 nations représentées par le Conseil tribal des Nuu-chah-nulth, une association fondée en 1958 qui offre divers services aux près de 9 500 membres enregistrés, notamment des services de protection de l’enfance, d’éducation, de formation à l’emploi et d’autres initiatives socioéconomiques visant à soutenir la santé et le développement.
Comme plusieurs autres nations du Conseil tribal des Nuu-chah-nulth, les Mowachaht-Muchalaht sont actuellement engagés dans la quatrième phase de la négociation d’un traité (qui en compte six) pour obtenir leur autonomie gouvernementale en Colombie-Britannique.