Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Alfred Babin était conducteur d’ambulance au sein des Royal Rifles of Canada lors de la bataille de Hong Kong en décembre 1941.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Le premier homme que nous avons récupéré était un volontaire de Hong Kong*. Il faisait noir. Nous avions une civière en toile et j’ai dit au gars qui était avec moi que j’allais prendre ses jambes et qu’il devait prendre la tête et les épaules. Il n’avait pas l’air enchanté. Il a donc posé la main sur la tête de l’homme pour constater qu’une partie de la tête avait été arrachée. C’était notre première victime.
Quelques jours plus tard, on a demandé si quelqu’un pouvait conduire l’ambulance, alors j’ai fini par être conducteur. L’ambulance se conduisait de la gauche. C’était un corbillard transformé en ambulance. Il y avait deux civières de chaque côté à l’intérieur du véhicule, et quelqu’un pouvait s’asseoir au milieu. Cinq personnes pouvaient donc y prendre place, quatre sur des civières et une assise. Ça a été mon travail de ce moment-là jusqu’au 25 décembre [1941].
J’étais dans un virage quand il y a eu des coups de feu. Nous n’avons pas entendu les coups de feu, seulement le fracas du verre : une balle a frappé le pare-brise de l’ambulance et le verre a éclaté dans toutes les directions. J’ai continué à avancer, bien sûr, en accélérant dans le virage. On tirait depuis le sommet de la colline, pour avoir une bonne vue d’ensemble. Je me suis garé à l’abri de la colline, car les routes étaient bloquées. Il y avait des sacs de sable sur la route et quelques volontaires de Hong Kong se trouvaient à l’intérieur du périmètre.
Bickley gémissait, alors je me suis retourné et j’ai jeté un coup d’œil dans sa direction pour la première fois. Il saignait abondamment [du visage]. Le verre avait éclaté et s’était logé dans ses yeux. J’avais un sac à pansements d’urgence. Je l’ai déchiré, ou plutôt j’ai déchiré un pansement et je l’ai mis sur ses yeux et je l’ai enroulé autour de sa tête. Puis je l’ai placé dans un coin. Je lui ai dit de rester là, que je reviendrais dans quelques minutes. Je voulais prendre le pouls de la situation.
Je suis donc sorti, je suis allé vers l’arrière du véhicule, j’ai ouvert les portes et j’ai vu les gars qui gémissaient. Je suppose que certains d’entre eux avaient été touchés par des balles qui avaient ricoché sur l’ambulance. L’homme assis au milieu voulait sortir et se battre contre les Japonais. Il n’avait pas de fusil ni quoi que ce soit d’autre, pas dans une ambulance. Je l’ai donc repoussé dans le véhicule. Je lui ai dit de rester là et que j’allais voir si je pouvais tous nous sortir de là.
J’ai donc fermé les portes. J’ai demandé aux gardes qui m’ont dit que tout était bloqué. L’un d’entre eux a soudainement reçu une balle et s’est effondré. J’ai alors pris ma décision. Je suis monté dans l’ambulance et j’ai essayé de faire demi-tour et de revenir sur mes pas. Je ne suis pas un grand chauffeur, mais j’ai réussi à faire mon chemin.
* Corps de défense volontaire de Hong Kong.