Project Mémoire

Anthony Frances Balch (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Anthony Frances Balch a servi dans la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pour le témoignage complet de M. Balch, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Anthony Balch
Anthony Balch
Photo du NSM Warspite, quand j'ai servi sur bateau en tant que garçon télégraphiste en mars 1944. 3 mois plus tard, ce bateau a ouvert les bombardements sur les cibles allemandes lors du jour-J, le 6 juin 1944.
Anthony Balch
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Les médailles d'Anthony Balch, depuis la gauche: L'étoile de 1939-1945, l'étoile de l'Atlantique, l'étoile du Pacifique, l'étoile France-Allemagne, la médaille de guerre, la médaille du service naval général avec mention déminage.
Anthony Balch
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Anthony Balch, dans son premier uniforme de la marine en novembre 1942.
Anthony Balch
« Je n’avais jamais rien vu de tel et je n’ai jamais rien vu de semblable depuis. D’aussi loin qu’on pouvait voir, absolument rien ne tenait debout sauf un arbre de temps à autre, ou peut-être le mur en ruine d’un bâtiment. »

Transcription

J’étais destiné à la marine marchande mais, comme par hasard, quand le moment est venu, la guerre m’a orienté du côté de la marine royale et c’est là que j’ai fini. Je me suis engagé quand j’avais 15 ans et 10 mois, et à ce moment-là, on était arrivés dans la Manche et on avait pris notre place à 15 milles nautiques au large des côtes françaises. On avait le commandement de la Force H, une force de bombardement, et ça consistait en un autre cuirassé, le Ramillies et plusieurs autres vaisseaux en notre compagnie. Et notre fonction c’était simplement de bombarder les côtes françaises pour soutenir les troupes de débarquement.

On avait des cibles particulières sur lesquelles on devait tirer, au début, et celles-ci étaient des emplacements de canons lourds, des canons de 300mm (antiaériens) qui étaient installés en France, à différents endroits, et notre tâche c’était de les mettre hors circuit, ce qu’on a fait. Et après ça, ils avaient ce qui était connu comme des cibles de choix où un avion d’observation sélectionnait disons un groupe de chars Panzer ou quelque chose comme ça, indiquait la position et le bateau tirait et, avec un peu de chance, plaçait des obus dans cette position.

On fonctionnait par « quart », c’était quatre de service et quatre de repos, pendant toute la période où on était aux postes de combat, ce qui ne vous donne pas beaucoup de temps pour dormir. En fait, quand vous sortez de vos quatre heures, vous vous endormez presque immédiatement. Vous êtes à peine parti dans le sommeil quand ils vous réveillent à nouveau.

Je suis monté sur le pont supérieur et j’ai été estomaqué par le nombre de vaisseaux qui se trouvaient autour de nous, à perte de vue, de tous les côtés, il y avait des vaisseaux de toutes les formes et de toutes les tailles. Je n’avais pas la moindre idée de ce à quoi ils servaient tous jusqu’à ce que j’apprenne, après coup bien sûr, comment on avait transporté les forces sur place à bord des différents engins de débarquement, péniches, et barges de débarquement de chars d’assaut et ainsi de suite.

Mais mon sentiment à moi personnellement pendant l’action c’était plus de l’excitation qu’autre chose. J’étais jeune. Je n’avais pas du tout conscience des dangers de l’action à ce moment-là. Et le NSM Warspite était un vaisseau énorme et très bien protégé, alors je suppose que j’en tirais une certaine tranquillité d’esprit. Les jeunes croient toujours que rien ne peut leur arriver.

Il y a des bâtiments base comme celui sur lequel je servais, qui était plus ou moins une usine flottante. Sa fonction c’était de pouvoir réparer, modifier, fabriquer tout ce qui était demandé par les vaisseaux de combat comme les destroyers et ainsi de suite. On était en grande partie responsable de la réparation des destroyers et de les maintenir opérationnels. Donc j’ai servi à bord du NSM Tyne, dans le Pacifique et la traversée de l’Atlantique, au delà de la ligne, c’est l’équateur, la deuxième fois et ensuite plein d’autres fois.

La vie dans le Pacifique à cette époque sur des bateaux qui n’avaient pas l’air conditionné, on n’avait pas le luxe d’avoir l’air conditionné, était très dure. La plupart des marins souffraient d’une infection fongique appelée « Dhobie itch ». Ça portait un autre nom aussi, mais j’ai oublié les autres noms. Mais c’était une éruption qui se formait sur la peau parce que la peau était en permanence couverte de sueur et des irritations se développaient sur la surface de la peau et, dans certains cas, pouvait même ça défigurait. Les gens qui avaient été là-bas pendant plusieurs périodes, ça se voyait bien ; ils avaient des cicatrices bleues sur le corps, sur la peau.

On est allés visiter Hiroshima en premier et ensuite Nagasaki. À ce moment-là on avait déjà une idée plus précise des raisons de la guerre. J’étais un petit peu plus vieux ; et j’avais entendu des rapports sur la bombe atomique et des dégâts qu’elle avait causés, mais d’aucune façon étais-je préparé à voir ce que j’ai vu. On nous a emmenés en autocar, comme je l’ai dit on était sous contrôle. On n’avait pas le droit d’entrer dans la zone parce qu’il y avait encore des radiations résiduelles tout autour, et c’était dangereux de s’approcher de trop près.

Et ce qu’on a vu depuis le bus c’était une scène de dévastation extrême. Je n’avais jamais rien vu de pareil de toute ma vie et jamais rien de comparable depuis. A perte de vue il n’y avait plus rien qui se tenait debout, à part un arbre de temps à autres et peut-être le pan de mur d’un bâtiment. Pour le reste, c’était tout plat, c’était comme un désert, mais ce n’était pas un désert parce que c’était recouvert de débris. C’était, c’était difficile à expliquer en réalité. Je n’ai pas vu quelque chose de semblable à ça, à part dans les films, qui évidemment, avait été utilisés pour dépeindre ce que j’ai vu. Et Nagasaki était identique. Il y avait des lieux complètement dévastés, qui quand je les regardais je pensais, comment est-il dieu possible que qui que ce soit ait survécu à ça? J’ai toujours, depuis lors, depuis que j’ai vu ça, pensé en moi-même : j’entends les politiciens et les diplomates parler d’une guerre nucléaire et de la prolifération des armes nucléaires et toutes ces petites phrases désinvoltes, et je pense en moi-même, si ces gens, dont beaucoup sont des années et des années plus jeunes que moi, avaient jamais eu l’occasion d’aller voir eux-mêmes de leurs propres yeux la dévastation extrême, totale et sans appel qu’une bombe atomique (petite par rapport aux standards modernes), a pu produire, ils feraient peut-être beaucoup plus attention à l’usage qu’ils font du mot nucléaire.