Arthur Art Frederick Brown (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Arthur Art Frederick Brown (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Arthur Brown
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Certificat de service et carte d'identité des forces canadiennes.
Arthur Brown
Arthur Brown
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Carnet d'histoire régimentaire du 11e Régiment de l'Armée canadienne.
Arthur Brown
L'Institut Historica-Dominion
L'Institut Historica-Dominion
M. Brown en octobre 2009.
L'Institut Historica-Dominion
Ils étaient enfoncés dans l’os et ils ont dit, bon, ça ne va pas bouger de là de toute façon, je vais mettre un pansement dessus et vous donner de l’aspirine et puis vous retournez au combat.

Transcription

En fait je travaillais dans une usine d’armement à Brantford en Ontario. J’ai grandi à Hamilton mais tous mes amis là-bas s’étaient engagés dans l’armée. Mon frère s’était engagé dans l’armée. Et en fait il m’avait sorti du bureau de recrutement de l’armée en 1939. Simplement le fait qu’ils étaient tous partis et qu’ils apportaient leur contribution me donnait l’impression d’être laissé pour compte et, alors je suis allé m’enrôler, contre l’avis de mon père, qui était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale.

Major Murphy était attaché à nous là-bas à Ortona. Peu de temps après, nous sommes partis à Salernes sur la Méditerranée. On s’occupait d’un camp de transit pour les soldats qui allaient s’entraîner au débarquement dans le nord de l’Italie. Nous sommes redescendus et avons évité la ligne Gustav, et sommes remontés côté Adriatique jusqu’à Rimini à peu près. Et nous étions juste à la sortie de Rimini, quand ils ont fait passer le mot comme quoi nous devions repartir du côté méditerranéen, à Monte Cassino, qui fut une des grandes batailles.

A ce moment-là, il se trouvait que j’avais un laissez-passer qui me permettait d’aller voir les gars avec qui j’avais fait mes classes, qui se trouvaient tout près de là où on était. Et pendant qu’on était à l’intérieur bien à l’abri et jouant aux cartes cette nuit-là, on a entendu un tracteur pour canon et des canons passer par là. Je me suis levé le lendemain matin et suis retourné dans mon unité, pour constater que mon unité était partie sans moi. (rires) Donc, on m’avait laissé là. J’ai dû faire du stop pour rejoindre la station la plus proche. Et ils m’ont informé que mon régiment était en route pour Cassino. Alors ils m’ont nourri sur place et ont vérifié mon laissez-passer et je leur ai dit que j’allais faire du stop pour traverser l’Italie et rejoindre mon unité. Et j’ai dit, je ne veux pas passer à travers les renforts et c’était des chics types. Ils ont vérifié mon laissez-passer, et je suis parti. Il commençait à faire sombre sur cette petite route. Tout à coup, un véhicule de 750 kg s’est approché avec seulement les yeux de chat allumés [bandelettes luminescentes pour les opérations de nuit], mais j’avais réussi à apercevoir le numéro d’identification inscrit sur le véhicule et il était à peine à 50 mètres devant moi quand j’ai entendu une voix plutôt rude crier « Tu te ramènes ici !» Alors j’ai dépassé le véhicule et c’était le sergent-major de mon régiment qui venait juste de finir de rendre tout le matériel récupéré et qui allait à Cassino.

Alors j’ai fait la traversée à l’arrière de son camion jusqu’à Cassino. Quand nous sommes arrivés là-bas, nous avons découvert qu’il s’agissait de la plus importante concentration d’artillerie de la Deuxième Guerre mondiale. On a commencé par faire feu de manière quasi continue depuis la colline, là où se trouvait le monastère. Mon sergent-major se trouvait là-haut, dans la gare au sommet de la colline. C’était un type aux cheveux blonds qui était monté là-haut. Quand il est redescendu il avait les cheveux tout blanc. Et il n’avait pas passé plus de deux semaines au maximum là-haut, ses cheveux étaient devenus blancs en une nuit, littéralement.

Quand on a quitté Cassino, on est passé par la vallée de Liri. C’était au moment où les troupes changeaient de place assez rapidement. Les allemands se retiraient mais pas sans résistance. Alors il y avait beaucoup de tirs dans les deux sens et beaucoup de ce qu’on appelait des TD SOS [tirs défensifs], qui sont des tirs de nuit arrangés à l’avance devant notre propre infanterie pour les protéger d’une contre-attaque et faire tomber l’ennemi.

Et c’est pendant une de ces opérations de défense, DF SOS, j’étais en train de charger le canon tout en l’allongeant par terre. J’ai fait feu avec un canon, me suis penché pour en charger un autre et soudain, j’ai senti une petite tape derrière mon oreille gauche, juste après je me suis retrouvé sur les genoux les mains sur le sol au fond du trou à canon et ce qui s’était passé, quelque chose que j’ai découvert le matin suivant, j’avais eu une mise de feu prématurée dans la bouche du canon. En fait, c’était tellement proche de la bouche du canon que la base du projectile est redescendue dans la cartouche. Je ne sais pas si vous savez, un canon de 25 livres, ça a un diamètre de presque 10 cm et ça pèse 25 livres. C’est chargé avec des HE [explosifs détonants]. Et ce qui s’était passé c’est que l’amorce du projectile n’avait pas marché. L’obus avait explosé dès sa sortie du tube de canon.

Alors comme je dis, ça m’avait sonné et j’ai levé les bras comme ça et la première chose qu’on a regardé et puis j’ai senti quelque chose de glissant dans mes mains. Et mon numéro un m’a dit, Brown, ramène-toi ici et charge-moi ce canon. Et il attendait qu’on fasse feu. Et alors j’ai dit, Russ, je crois que j’ai été touché. Et ne fait, j’ai eu trois éclats d’obus enfoncés derrière l’oreille gauche. Je suis descendu à l’infirmerie et ils ont essayé d’enlever ces éclats mais ils ne pouvaient pas. Ils étaient enfoncés dans l’os et ils ont dit, bon, ça ne va pas bouger de là de toute façon, je vais mettre un pansement dessus et vous donner de l’aspirine et puis vous retournez au combat.

Et quelques temps plus tard, j’ai reçu une visite de l’aumônier, il est venu me trouver pour me dire que ma mère était en train de mourir et qu’elle demandait à me voir. Et je lui ai répondu alors, juste là, j’ai dit, c’est impossible parce qu’on a eu tellement de pertes que je ne peux pas m’en aller. Je vois des sections d’infanterie qui vont au combat avec seulement deux ou trois hommes, et sans même un sous-officier pour les commander et ils s’en vont au front et je suis sûr qu’ils ne vont pas se défaire d’un homme de l’artillerie, à moins de l’envoyer dans l’infanterie. Mais certainement pas pour qu’il rentre à la maison.

Donc, ils ont fini par refuser la demande à juste titre d’ailleurs. Je me suis senti vraiment mal parce que ma mère s’accrochait de toutes ses forces dans l’espoir de ma visite.