« Et ce fut une époque assez triste pour nous parce que nombre d'officiers avec lesquels nous avions dansé revinrent blessés. »
Pour le témoignage complet de Mme Hull, veuillez consulter en bas.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
J’ai reçu un appel pour me joindre à une unité de Halifax (Nouvelle-Écosse) parce qu’ils voulaient une aide-superviseur de chirurgie qui avait un score de cinq étoiles. Je crois que nous avions cinq étoiles, donc 50 infirmières et une unité hospitalière de 500 lits. Alors je suis allée à Debert (Nouvelle-Écosse), je suis restée là quelques semaines et je me suis jointe au groupe puis suis partie en Angleterre. Et c’est alors que les bombes volantes (les missiles allemands autopropulsés et autoguidés V1 et V2) commençaient à faire leur apparition. J’étais là lorsqu’ils sont finalement venus et nous ont dit ce qu’ils étaient. C’était comme d’énormes boules de feu dans le ciel et lorsque nous nous étendions dans nos lits, avant de savoir vraiment ce que c’était, nous continuions à dire : «Continue, continue» parce que nous savions que lorsque les moteurs allaient s’arrêter, les appareils allaient s’écraser. Par conséquent, j’étais présente lors du jour J, et lorsqu’ils ont atterri en France (pendant l’invasion de la Normandie, le 6 juin 1944). Et les garçons sont partis tôt le matin à 4 h, quelques-uns d’entre eux étaient dans notre hôpital, tout juste à l’extérieur de Londres (Angleterre). C'était une période assez triste pour nous puisque plusieurs des officiers qui revenaient et qui étaient blessés étaient probablement ceux avec qui nous aurions dansé. Et peut-être revenaient-ils sans leurs jambes, ou quelque chose du genre. C’était donc… c’était… pour essayer d’en dire le moins possible, c’était tout ça. Mais nous avons aussi eu de bons moments. Nous étions comme une grande famille, tous pour l’hôpital. Mais ce qui s’est passé pour mener à cela, réellement, est que pendant une semaine, Londres était complètement fermée. Les avions américains volaient toute la journée. Ils semblaient presque voler ailes contre ailes. Ils se battaient sur la côte. Et venu le soir, c’était l’ARC (Aviation royale canadienne) et les Forces de l’air canadiennes, qui volaient au-dessus de nous, et cela n’a pas arrêté. Et on essayait d’éloigner nos patients de l’aire générale parce que nous serions les premiers à recevoir ces soldats lors de leur retour. Certains ont été renvoyés à la maison avec tout le reste. Donc juste avant le jour J, nous commencions à nous ennuyer un peu avec toute cette attente, vous savez, alors le colonel a décidé de nous offrir une sortie. Il a donc trouvé un camion et un motocycliste, nous a toutes empilées dans le camion avec des lunchs pour aller faire un pique-nique. Le motocycliste nous a suivies pour savoir où nous étions, puis il est retourné à la base afin d’être sur appel au besoin. Mais finalement ce matin-là, nous avons appris que lorsque nous sommes sorties, ils ont reçu un mot du fait que les hommes allaient commencer à arriver. Nous étions alors prêtes pour tous les recevoir. Et ça s’est vraiment bien passé. Ils sont venus, ont été envoyés dans différentes unités, et toutes les opérations (pour traiter les soldats blessés) ont commencé. Je me rappelle d’avoir fait des tournées en Belgique (pendant la campagne du Nord-Ouest de l’Europe) et certaines d’entre nous, j’essaie d’expliquer comment c’était disposé, les lits étaient, la tête était près de la fenêtre, et sur l’autre mur, tête contre tête, tous alignés. Mais au milieu, nous avions d’autres lits qui étaient éparpillés, donc nous pouvions recevoir à peu près 40 patients. Je me souviens de les voir tous, et il y avait au milieu un jeune garçon gallois d’à peu près 18 ans, et il était paralysé du cou jusqu’aux pieds, mais il pensait avoir encore des sensations dans un bras. Alors ce que je faisais, je lui donnais ses médicaments, puis je revenais à lui en dernier et je m’assoyais à côté de lui et je massais son bras jusqu’à ce qu’il s’endorme. Chaque infirmière faisait ses propres choses. Une fois, il y avait un soldat dans le groupe, un homme plus vieux, et il avait perdu la vue. Et il allait se raser. Bien sûr, les autres patients qui étaient capables de se déplacer aidaient souvent. Ils s’entraidaient. Ils ont offert de le raser, et il a dit «Non, je peux me raser. J’ai été fermier et parfois je me levais le matin et je me rasais dans le noir. C’est correct, je peux le faire». Alors il l’a fait lui-même. Je remarquais que les hommes plus vieux étaient plus facilement capables de s’ajuster, si vous voyez ce que je veux dire. Ils semblaient, leurs tempéraments semblaient différents, ils semblaient mieux accepter ce qui se passait.