En 2010, le Projet Mémoire a interviewé Blanche Bennett, une ancienne combattante de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement (et la transcription) qui suit est un extrait de cette entrevue. De 1942 à 1945, Blanche Bennett a servi dans le Service féminin de l’Armée canadienne en tant qu’opératrice téléphonique. Née à Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard le 12 novembre 1922, elle s’est enrôlée dans le Service féminin en 1942 et elle a travaillé au standard téléphonique du Number 6 District Signals à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Dans ce témoignage, elle décrit son expérience lors de l’entraînement de base en Ontario et raconte son service sur la côte Est, incluant les pannes d’électricité et la surveillance des attaques ennemies. Elle se souvient également des émeutes du jour de la Victoire en Europe et de l’explosion du magasin Bedford. Alors qu’elle était à Halifax, Blanche Bennett a rencontré et épousé Murray Bennett, qui avait servi dans la marine pendant la guerre, mais qui a fait carrière après la guerre dans l’armée de l’air. Blanche Bennett soutient activement les anciens combattants et la Légion royale canadienne depuis des décennies, et elle a reçu une Mention élogieuse du ministre des Anciens Combattants en 2004.
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Je me suis enrôlée dans le Service féminin de l’Armée canadienne en 1942 à Summerside, Î.-.P-E. [Île du Prince Edouard]. J’ai ensuite été affectée à Kitchener, Ontario pour ma formation de base. On était le premier groupe à Kitchener. Les hommes déménageaient le matin et les filles emménageaient le soir. C’était une expérience mémorable. On n’avait pas de chauffage central, on avait des urinoirs aux murs. C’était très primitif je dois dire. En tout cas, on a survécu. Piquet de feu [garde] au milieu de la nuit pour entretenir le feu dans le poêle. Beaucoup d’entre nous ne savaient pas comment faire parce qu’on n’était pas habitué au charbon de bois. D’où je venais, on se servait du charbon. Ces poêles étaient alimentés au charbon de bois et il fallait tout le temps entretenir la braise. On était de piquet de feu pour une période de deux heures. C’était une expérience marquante pour une petite fille de l’Î.-P.-E. qui n’y connaissait rien. En plus, il y avait 500 ou 600 autres filles avec nous qui étaient toutes aussi ignorantes que moi.
En tout cas, après six semaines, on a compris l’essentiel, on a toutes eu notre diplôme et on a eu du bon temps. Je dois dire que j’ai noué des amitiés qui ont duré plus de 60 ans. J’ai encore des nouvelles de certaines filles.
On a été affecté à Halifax en Nouvelle Écosse au standard téléphonique MD6, c’était le standard militaire d’Halifax. On avait accès à tous les avant-postes qui se trouvaient autour d’Halifax, l’artillerie était prête, avec le port pour cible, en cas d’attaque. Il y a eu beaucoup, beaucoup d’incidents là-bas. On avait des extinctions de lumières toutes les nuits. Vous savez ce que c’est une extinction de lumières? Tous les rideaux sont tirés, on ne doit voir aucune lumière nulle part.
Un des moments les plus marquants de ma vie là-bas, c’est probablement le jour de la fin de la guerre. Et vous ne vous en souvenez probablement pas parce que très peu de gens en ont parlé. La ville a en fait été détruite par les troupes qui rentraient chez eux d’outre-mer [les 7et 8 mai 1945]. Ils en voulaient aux gens d’Halifax et ils ont décidé de régler leurs comptes et ils ont détruits tous les magasins de la rue Barrington, chaque magasin, chaque vitrine, pillés. Ça a duré toute la journée.
On a fait venir le prévôt, c’était la police militaire de Debert en Nouvelle Écosse, et les choses se sont calmées. On allait et on revenait du travail dans un camion blindé. Ce n’était pas la loi martiale [gouvernement militaire entraînant la suspension temporaire de la loi ordinaire] mais c’était presque comme la déclaration de la loi martiale. On a beaucoup blâmé la marine pour les émeutes mais les civils avaient participé autant que les autres. Ensuite en 1945, j’étais mariée depuis un mois, le 6 juillet [18-19] je pense, on a eu une énorme explosion au bassin de Bedford. Toutes les munitions qui étaient sur les bateaux avaient été ramenées à Halifax et entreposées au dépôt de Bedford. Il s’est produit quelque chose ce jour-là et il y a eu une grosse explosion. Je pense qu’un homme a été tué et la moitié de la ville, à nouveau, toutes les vitres ont été fracassées au nord de la ville. On était dans des baraques à ce moment-là et on a dormi pendant trois nuits sur la place d’armes à cause des bombes qui explosaient. Il y avait des grenades sous-marines et il y avait des torpilles et tout explosait. C’était à nouveau comme en pleine guerre. Ça a pris trois jours jusqu’à ce que les choses s’arrangent.