Project Mémoire

Bruce Melanson [Normandy] (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Bruce Melanson a servi dans l'Armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Vous pouvez en savoir plus sur lui en visitant une autre de ses interviews sur ce lien.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Bruce Melanson
Bruce Melanson
Bruce Melanson aujourd'hui.
Bruce Melanson
Bruce Melanson
Bruce Melanson
Photo de Bruce Melanson prise pendant la guerre à une date inconnue et une briève biographie de son service.
Bruce Melanson
Bruce Melanson
Bruce Melanson
Bruce Melanson rencontrant Stephen Harper sur la colline du Parlement.
Bruce Melanson
Des cadavres allemands, des cadavres canadiens, des cadavres anglais, tout était étalé là devant vous, parmi les cochons, les chevaux et les vaches et tout le reste. C’était la guerre. C’était la guerre. C’était comme ça à Caen.

Transcription

Le Jour J.

Le moment où on a le plus parlé c’était quand on a débarqué en France, le débarquement à Courseulles-sur-Mer (France), c’est à dire Juno Beach. Avec mon copain, il s’appelait Bobby McEwan, et j’ai regardé Bobby et j’ai dit : « Bob, rien à voir avec les pubs en Angleterre, n’est-ce pas ? C’est la guerre. » Et au même moment, j’étais toujours en train de faire remarquer à Bobby, un milliers de bombardiers arrivaient dans le ciel au dessus de nos têtes. Des parachutes tombaient comme des mouches, sortant de leurs avions après avoir été touchés ou descendus ou autre. L’artillerie, la marine, les bombardements, la surdité, la guerre c’était vraiment rien d’autre que ça. En clair, la guerre c’est l’enfer.

On s’est sentis légèrement nerveux après du fait qu’on se faisait un peu mitrailler par les Messerschmitt (différents modèles de bombardiers allemands) et tout le reste, il y avait une guerre en train d’avoir lieu, une guerre dans toute son ampleur. Et ils arrivaient de partout. Vous aviez des obus, vous aviez la marine, vous aviez l’armée de terre, et tout ça bougeait en même temps, tous d’un coup. Un seul et unique boucan de tous les diables, le vacarme, une guerre horriblement bruyante. Et il nous fallait faire du mieux qu’on pouvait en tant que soldat avec les manœuvres que vous étiez censé faire et que vous deviez faire. Et vous n’aviez pas le temps de penser à quoi que ce soit d’autre.

Présence en Normandie

L’une des batailles les plus dures en France a été la bataille de Caen. Je ne l’oublierai jamais. Montgomery (le Maréchal Bernard Law Montgomery, commandait toutes les troupes alliées au sol pendant l’Opération Overlord - bataille de Normandie) et Churchill et puis nos généraux à ce moment-là, ils nous ont notifiés qu’on allait prendre Caen en deux semaines. Ça nous a pris près de deux mois. Mais tout le long, tout le long durant cette bataille, ce n’était rien d’autre que la vision des cadavres, des chevaux morts, des vaches mortes. Et on suivait avec nos camions et notre canon Bofor (canon antiaérien très largement répandu) pour essayer de traverser, il arrivait qu’on doive s’arrêter et déplacer les cadavres pour pouvoir passer. Et tous ces cadavres étaient ensuite récupérés par les équipes médicales après coup. Et l’odeur, la puanteur, c’était ça la bataille de Caen. C’était ce que vous viviez, ce que vous voyiez, c’est ce que vous regardiez, des cadavres allemands, des cadavres canadiens, des cadavres anglais, tout était étalé là devant vous, parmi les cochons, les chevaux et les vaches et tout le reste. C’était la guerre. C’était la guerre. C’était comme ça à Caen.

La poche de Falaise

Un jour, il y avait du brouillard et nos avions arrivaient d’Angleterre, ils sont venus, et les Allemands avaient apparemment largué assez de bombes et d’obus ici, devant ici, pour faire comme s’il s’agissait des lignes ennemies pour essayer de dérouter les avions, et ça a marché. Et ils ont cru qu’ils avaient atteint leur cible mais ce n’était pas le cas. Ils étaient toujours au dessus de nous. Et ils nous ont bombardés, malheureusement. Et les plus grandes pertes dans tout ce raid aérien ça a été pour le régiment polonais (1er régiment blindé). Ça a été la pire des défaites. Il y a eu quelques anglais tués, quelques canadiens ont été tués et c’était une sacrée erreur. Mais c’était une erreur de guerre, ils ne l’ont pas fait exprès, c’est évident. Quand j’ai vu les portes des soutes à bombes s’ouvrir dans le ciel devant mes yeux, bon sang, Dieu merci il y avait un trou creusé juste devant moi et je me suis jeté dedans. Je pense que c’est ce qui m’a sauvé la vie ce jour là.

Invasion de l’Allemagne

On a reçu des ordres, comme on n’allait pas croiser beaucoup plus d’avions, de nous rapprocher le plus possible de l’infanterie, là derrière le North Nova Scotia Highlanders et les Fusiliers du Québec. Essayez d’amener vos canons le plus près possible là-haut, ce qu’ils ont fait. Et ensuite on recevait des ordres par téléphone, et des choses comme ça indiquant que les Allemands avaient pour habitude de cacher leurs soldats, de les camoufler dans les bottes de foin. Les maisons, derrière eux il y avait des maisons et ils plantaient les bottes de foin devant elles. Et donc, qui pourrait bien tirer sur une botte de foin, pour quoi faire ? Vous ne voulez pas tuer du foin.

On tirait sur ces bottes de foin c’est à dire tirer droit dedans pour les traverser et atteindre la maison. Et après avoir tiré deux obus de Bofor là-dedans, laissez-moi vous dire, il y avait des mains qui se sont levées. Un certain nombre. Et on faisait ça pour les maisons, les appartements, les églises, tout, partout où il y avait des Allemands, partout où on pensait les trouver. On a commencé à rencontrer la population allemande et on était surtout dans la campagne, avec nos canons, à ce moment-là. Et tous les champs cultivés et tout ça. Ces gens, ces Allemands là avaient à peine conscience qu’il y avait une guerre en cours et n’avaient aucun problème à être gentils avec nous mais on n’avait pas le droit. On n’avait pas le droit de sympathiser avec les Allemands, même la population allemande, pas seulement les soldats. On n’était pas censés sympathiser. Mais on l’a fait quand même. Je crois que si je peux dire ça franchement, bon, du fond du cœur, ils étaient affamés, tout simplement comme nous.