Project Mémoire

Everett Sylvester Cromwell (source primaire)

« Une fois, j’ai conduit pendant 36 heures d’affiler sans m’arrêter. Et quand je me suis arrêté juste assez longtemps pour décharger et recharger. C’était la guerre. C’est pour ça qu’on s’était entraînés. »

Pour le témoignage complet de M. Cromwell, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Photo de service prise en Angleterre en 1941.
Photo de service prise en Angleterre en 1941.
Avec la permission de Everett Sylvester Cromwell
Article dans le Digby Courier, à propos de la réunion des cinq frères Cromwell, Harold, Irving, Bernard, Everett et Guy, originaires de Weymouth Falls en Nouvelle-Écosse – tous les cinq servirent dans les Forces armées canadiennes.
Article dans le Digby Courier, à propos de la réunion des cinq frères Cromwell, Harold, Irving, Bernard, Everett et Guy, originaires de Weymouth Falls en Nouvelle-Écosse – tous les cinq servirent dans les Forces armées canadiennes.
Avec la permission de Everett Sylvester Cromwell

Transcription

Mon unité, ma division c’était la 2edivision. On y est allés (…), c’était vers la fin juin [1944], je ne me souviens plus. On a traversé la Manche en bateau. Il y avait plein de choses qui vous passaient par la tête, car on était nerveux; on se demandait ce qui allait se passer.

Le premier cadavre que j’ai vu, il flottait dans l’eau, c’était quand on était sur le bateau en attendant de descendre à terre. Sur le côté, il y avait un cadavre qui flottait, le visage dans l’eau. Ça secouait un peu. On nous a fait partir du rivage et on s’est organisés, et puis on a commencé. Notre boulot c’était d’apporter la nourriture, le carburant et les munitions aux troupes – l'infanterie, chauffeurs de chars et autres. On les conduisait là-haut tellement loin et ils nous retrouvaient et ils récupéraient leur nourriture, munitions et les affaires, et on retournait aux grands dépôts. On était occupés tout le temps. On faisait dans les 30, 25 kilomètres parfois. Quelquefois, vous savez, le véhicule était à une quinzaine de kilomètres, parfois on devait conduire, on allait tout près de la ligne de front, à une huitaine de kilomètres et c’était… à l’autre bout du village. On y retournait, toutes les semaines pour davantage de fournitures. Ça nous occupait beaucoup, c’était tout le temps.

Une fois, j’ai conduit pendant 36 heures d’affiler sans m’arrêter. Et quand je me suis arrêté juste assez longtemps pour décharger et recharger. C’était la guerre. C’est pour ça qu’on s’était entraînés. On mangeait sur le pouce. Je mangeais des biscuits et du corned-bœuf. On devait aller jusqu’aux canons de l’artillerie et là il fallait que je décharge le camion. Ils disaient : « Tu peux faire demi-tour là-bas, mais fais attention parce qu’on n’a pas encore déminé. Tu risques de t’en prendre une avec le camion. » Il fallait faire demi-tour avec le camion dans le noir en espérant ne pas tomber sur une mine. Alors vous étiez aussi tendu que les cordes d’un violon jusqu’à ce que vous soyez sorti de là. Les gars nous disaient : « Bon, à la prochaine! » et on se demandait, est-ce que je vais revenir ou pas? Partout où on allait, il y avait des obus qui pleuvaient, des avions qui larguaient des bombes « anti personnel », comme on les appelait entre nous. Vous aviez toute l’artillerie lourde qui essayait d’anéantir l’approvisionnement sur le dos. Dans mon unité, on avait trente chargements de munitions et on avait toutes les rations, c’était les rations de nourriture séchée et c’était censé nourrir 14 hommes pour la journée. On avait ces trente chargements et partout où on allait on déchargeait tout ça, et ensuite, retour au dépôt. Vous laissiez tout ça, c’était les rations de dépannage si jamais on était pris au piège et qu’on ne puisse pas repartir, alors on retournait aux dépôts et puis on ravitaillait les unités de cette façon.

Il n’y a qu’un seul trajet dont je me souviens toujours. C’était au cours d’une de ces nuits noires où on ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Or, ces camions, vous ne pouviez pas verrouiller les portes parce qu’il n’y avait pas de fenêtres sur les côtés [le ravitaillement était sous] une bâche. C’est là qu’ils nous ont fait arrêter et ils ont dit, pas un son, pas un mot. Il y a des parachutistes ennemis qui ont été largués par ici et ils se cachent dans le coin. Donc il fallait rester tranquillement assis dans le camion en essayant de percevoir le moindre son – ils pouvaient vous tomber dessus. On est restés là sans bouger, pendant une vingtaine de minutes. Mais c’était comme si ça avait duré 20 jours!