Gerald « Gerry » Huffman a servi dans l'armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.
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Transcription
J’étais artilleur dans l’artillerie de campagne. Un artilleur c’est, vous servez un canon de 25 livres. L’obus faisait 25 livres. C’est ce qu’on apprenait mais quand on est allés, pour l’invasion en France, on était sur des canons automoteur, qui étaient montés sur des chars Sherman avec la tourelle coupée et on avait le canon de 125 mm qui pesait 15 kilos. Il était sur une barge et il y avait quatre canons par barge.
Quand on est arrivés à proximité de la France, le matin du jour J, on a commencé à tirer au canon à quatre heures et demie du matin, devant l’infanterie, pour éliminer les mines et descendre tous les allemands qui se mettraient en travers du chemin, je suppose. Mais ils avaient les mines, recouvert la plage avec toutes sortes de mines. Les Teller mines ils les appelaient (mine assiette), elles faisaient une trentaine de centimètres de diamètre et une dizaine de centimètres d’épaisseur. Il y a eu environ 900 soldats tués ce jour-là le jour J et il y en avait des centaines qui flottaient à la surface de l’eau.
Quand on est allés sur la plage, il y avait une chenillette Bren… elle est passée au dessus d’une Teller mine et ils ne pouvaient pas s’arrêter pour voir combien d’hommes étaient blessés ou morts, on a dû les contourner. On est montés jusqu’à notre position à l’intérieur des terres. C’était le premier jour, le jour J.
La troisième nuit, les allemands ont amené ce qu’ils appelaient une division de Panzer pour essayer de nous repousser dans la mer, dans la Manche plutôt. Ça n’a pas bien tourné ; on les a repoussés. On est restés dans les alentours de Caen là-bas pendant près de trois mois, à combattre, et on avait les allemands qui étaient acculés à Falaise Gap, c’est au sud de Caen. L’armée de l’air est venue avec des bombardiers quadrimoteurs et la première vague ça s’est bien passé. Et la deuxième vague, il y avait un bombardier qui a largué ses bombes et je les ai comptées, il y avait 18 bombes de 500 livres par avion. Et les bombes ont manqué leur coup (elles sont tombées sur des positions alliées à la place). Ça a été la pire journée de ma vie, une expérience épouvantable. Il y a eu trois vagues, il y avait entre 900 et un millier d’avions au total. La troisième vague… le lieutenant d’aviation était un officier d’observation, petit avion, il est retourné sur la côte et a dirigé la troisième fournée, autrement on ne serait pas là aujourd’hui je suppose. C’était nos propres avions et c’était terrifiant ; ils volaient tellement bas qu’on pouvait voir le pilote assis dans le cockpit. Et on faisait des signes et tout mais ça ne faisait aucune différence.
En tout cas, on en est sortis. Et puis cette nuit-là, les allemands sont venus et ils ont remis ça avec les avions et les bombes. Tous, il nous a fallu apprendre à tout faire dans cette équipe de pièce. On a dû apprendre à recevoir des ordres, apprendre à tirer et où tirer. Il a fallu apprendre tout ça. Chaque homme de l’équipe de pièce devait passer par la même chose et tout apprendre dessus, juste au cas où il y ait trois ou quatre qui se fassent tuer ou tout le monde qui se fasse tuer à l’exception d’un seul homme et il serait alors en mesure de se servir du canon. Oh, c’était comme des frères. Oui.
Oui, une fois la guerre terminée, ça a été le moment de rentrer chez nous, c’était un peu décevant d’avoir à quitter vos amis pour rentrer à la maison. Mais c’était agréable de rentrer chez soi. C’est sûr.