Project Mémoire

Hazel Wylie (source primaire)

Le Projet Mémoire s’est entretenu avec Hazel Wylie, ancienne combattante de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement et la transcription qui suivent proviennent de cet entretien. Née en 1924 au Québec, Hazel Wylie a servi en Angleterre dans la Royal Air Force, où elle a été magasinière adjointe. Elle contribuait à la formation des nouvelles recrues et faisait le suivi des fournitures à acheter (vêtements, écrous, boulons, grosses pièces d’avion). Dans son témoignage, elle décrit ses fonctions de magasinière adjointe ainsi que certaines de ses expériences au Commandement de l’instruction à Newton, Nottingham. Elle décrit également son accident de vélo pendant une panne d’électricité et la ségrégation entre soldats états-uniens blancs et noirs dans l’un des camps. Elle est décédée le 18 décembre 2013 à 89 ans à Carleton Place, Ontario.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Transcription

Je m’appelle Hazel, mais on m’appelait Can ou Blondie. Je suis canadienne (je suis née au Québec) et j’étais en Angleterre au moment de l’enrôlement dans l’effort de guerre. J’ai rejoint la RAF là-bas et j’étais censée revenir ici pour participer à la formation du Service féminin, mais il a été décidé qu’il valait mieux que je reste là-bas pour aider les filles lorsqu’elles arriveraient en Angleterre. J’ai été dans l’aviation pendant quatre ans et demi. J’ai occupé le poste de magasinière adjointe, mais je pense que l’appellation a changé depuis. Je m’occupais de tout ce qui était utilisé dans la RAF, des vêtements jusqu’à la plus petite pièce d’un écrou ou d’un boulon d’un avion, en passant par les grosses pièces comme les ailes. Nos livres et nos cartables avaient une reliure en bois et il fallait dévisser les écrous et boulons pour les ouvrir.

La ségrégation était une réalité du camp. Les États-Uniens blancs étaient séparés de leurs compatriotes noirs. Nous n’avions pas le droit de fréquenter les noirs, et les États-Uniens blancs ne les fréquentaient pas non plus. Si un aviateur noir se présentait avec une paire de chaussures à réparer et qu’un aviateur blanc arrivait pour faire réparer ses bottes, le blanc était servi avant le noir, même si ce dernier était arrivé quinze minutes avant. C’est ainsi que les choses fonctionnaient.

J’ai ensuite été affectée au Commandement de l’instruction à Newton, Nottingham, avec sa forêt de Sherwood. C’est là qu’ont été accueillis tous les Polonais transportés par avion. Nous ne parlions pas polonais et ils ne parlaient pas anglais, sauf pour dire « oui » ou « non ». Un jour, nous étions au bureau en train de travailler et nous avons entendu « Tannoy, uwaga! Uwaga! » Nous nous sommes tous regardés, pensant que quelqu’un avait pris les commandes du dispositif Tannoy et s’amusait avec et qu’il fallait donc agir. Nous nous sommes renseignés et « uwaga » signifie en fait « attention ». Nous entendions « You bugger! » (sale connard)!

Nous avons projeté un film dans notre petite cabane, c’était ce que nous avions comme salle de cinéma. Le film parlait des Russes, et les Polonais ont presque tout détruit dans la salle. C’est dommage parce que nous avions vraiment besoin des Russes. Nous n’étions clairement pas dans la même situation que les Polonais et nous ne comprenions pas vraiment pourquoi ils étaient si agressifs envers les Russes, mais après tout, lorsqu’on a un ennemi de tous les côtés, les manifestations d’amour ne sont pas fréquentes.

J’ai eu un très grave accident. Je devais apporter des documents à une tour de contrôle à vélo. Il n’y avait pas d’électricité et nous étions censés savoir où tout se trouvait même dans le noir. Je pédalais et j’ai soudainement frappé les bidons d’essence qui avaient été soufflés par le vent sur la piste. Je me suis cassé les deux incisives centrales, je me suis coupé l’œil et je me suis déboîté l’épaule. J’étais vraiment secouée. Lorsque je suis arrivée à la tour de contrôle, on m’a dit que j’étais en piteux état. On m’a ramenée dans une Jeep et je suis restée en service jusqu’au lendemain matin, jusqu’à ce que le personnel de remplacement arrive, puis je me suis rendue à l’hôpital d’urgence de Wrexham, dans le nord du Pays de Galles. Lorsque j’ai consulté le médecin, il m’a dit que je pourrais faire des tâches légères vu que je suis droitière et que c’était l’épaule gauche qui s’était déboîtée. On m’a donné quelques jours de congé et je suis rentrée chez moi. Un prisonnier de guerre allemand se trouvait dans le train avec moi. C’était un jeune garçon. Ça m’a émue : il ne faisait que ce qu’on lui avait appris à faire pour son pays, et je faisais ce qu’on m’avait appris à faire pour mon pays.