Project Mémoire

Herbert Lim (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Herbert Lim est l'un des quelque 150 Sino-Canadiens qui ont servi dans la Force 136, une division du service britannique Special Operations Executive (SOE) pendant la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir terminé sa formation de base avec le Corps royal du génie canadien, on lui a demandé de se joindre au SOE, où il a travaillé comme opérateur radio.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Photographie contemporaine d'Herbert Lim (mars 2010).
Herbet Lim en 1946 alors qu'il servit comme opérateur radio à bord d'un navire faisant la traversée de Vancouver à Shanghai.
Photographie contemporaine d'Herbert Lim.
Je fus interrogé par un colonel britannique me demandant si j'étais intéressé à servir derrière les lignes ennemies en Malaisie en raison de mes origines asiatiques.

Transcription

J’ai été interviewé par un colonel britannique qui m’a demandé si je voulais me porter volontaire pour servir derrière les lignes ennemies en Malaisie parce que j’avais des traits asiatiques. Et j’étais censé pouvoir parler chinois. Ils avaient besoin de gens comme moi là-bas parce qu’ils avaient déjà épuisé tous leurs effectifs, ce qui les empêchait d’en envoyer en Malaisie pour combattre les Japonais. Ils ont donc décidé de recruter des Chinois à Vancouver. Je n’ai pas eu à m’enrôler, j’ai dû me porter volontaire.

J’ai été affecté au Corps canadien du génie pour l’instruction de base. J’ai tout appris sur les explosifs et les armes. J’ai reçu des cours d’instruction spéciale, même sur les gaz lacrymogènes, les gaz neurotoxiques. J’ai dû suivre tous les cours d’instruction requis pour faire partie du Corps canadien du génie. Après sept semaines d’instruction de base, j’étais prêt pour une affectation outre-mer. Et ce colonel britannique est venu m’interviewer de nouveau à Chilliwack [Centre d’instruction A6 (Corps canadien du génie)]. Je devais retourner dans l’Est pour recevoir ma commission, parce que j’étais déjà avec le CEOC, le Corpsécole d’officiers canadiens (CEOC). Il a dit : « Herb, ne traverse pas, ne retourne pas dans l’Est pour ta commission. Viens avec nous et je vais te donner une commission de commandant de campagne ». Vous savez, quand je suis parti outremer, j’étais rattaché à l’armée britannique, ce qu’on appelait le SAS, le Special Air Service et, en fait, au Special Operations Executive, le SOE. Vous ne pouvez rien trouver au Canada sur le SOE, seulement à Londres.

J’étais le seul radiotélégraphiste qui connaissait le code. Tous mes codes Morse devaient être codés, pas seulement en langage simple. J’ai dû apprendre le code de la radiotélégraphie pour transmettre et recevoir 25 mots par minute. Cela représente 125 lettres par minute à recevoir et à transmettre. Je vous le dis, je n’aime pas les guerres. Les guerres sont une perte de temps, de vie et d’argent. Je le répète toujours. Je ne vois pas le plaisir à faire la guerre, à tuer ou à mourir. Mais ça, je ne le savais pas lorsque je me suis porté volontaire. Mais c’était juste pour, eh bien, je pensais que… Mes parents disaient « Mais pourquoi fais-tu ça? Pourquoi t’enrôles-tu? » Je leur ai répondu : « Bien, parce que je le sens ainsi ».

C’est fou, mais je l’ai fait, et je ne l’ai jamais regretté. Je suis heureux d’avoir vécu toutes ces expériences, voyez-vous. Pas une expérience en particulier, non, simplement toutes ces expériences combinées. Mais je sais que c’est, comment dire, ce que j’ai vécu, je suis heureux de l’avoir vécu parce que je pense que j’étais fait pour le vivre. Je ne suis pas mort, bien sûr. Une blessure par balle. Vous voyez? Oui. C’est rien du tout. J’ai vu beaucoup de choses. Beaucoup de gens mourir, mais cela m’a rendu un meilleur homme. Je suis heureux de l’avoir vécu. Si je n’ai pas vécu cela, je n’apprécierais pas autant la vie. Je n’apprécierais pas autant ma femme ou ma petite amie, mes enfants. Vous, toute la vie, quoi. Oui, j’ai de la chance. Comme lorsque je suis retourné dans mon village, je me suis senti très chanceux et humble.