Project Mémoire

Jack Dolson

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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Portrait de Jack Dolson pendant la guerre.
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Document indiquant l'emploi de M. Jack Dolson pendant la guerre.
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M. Jack Dolson (devant à gauche) avec des camarades de <em>The Calgary Regiment</em> (14ème régiment blindé).
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La gadoue c’était comme de la soupe, quinze à vingt centimètres d’épaisseur et vous essayez de passer d’un endroit à l’autre avec ce truc partout autour de vous, ça avance péniblement. Et les Allemands vous font savoir, ils savent où vous vous trouvez à chaque pas, ils nous surveillaient facilement, car on ne pouvait pas bouger sans qu’ils nous voient.

J’ai passé un moment en garnison au Canada, j’ai continué l’entraînement dans le nord à North Bay (Ontario) et d’autres endroits comme ça. C’est à Camp Borden que nous avons appris à conduire de gros camions, des petits camions et des chars, des trucs comme ça. Parce que c’était un régiment de chars, les Chars de l’Ontario. Alors ils nous changeaient de coin tous les x mois, d’un endroit à l’autre. Et alors j’ai passé un bon moment à Seaford et aussi à Brighton et Worthing. Et puis ils ont signé, m’ont envoyé dans un champ de tir construit en dur là-bas à Minehead dans le Somerset. Je ne suis jamais retourné dans ce régiment. On m’a envoyé dans un autre, j’ai été blessé et l’on m’a envoyé dans une autre unité quand je suis sorti de l’hôpital. Et je me suis retrouvé sur un bateau, on a échoué en Sicile. Et c’était de la folie.

Là, on a traversé le détroit de Messine, un mois plus tard environ et il n’y a pas eu vraiment de combat, ils faisaient tout le temps sauter les routes devant nous et l’on passait notre temps à les arranger pour faire passer nos véhicules et on avançait. On a coupé la route à un paquet d’Allemands en fait, à l’extrémité de la péninsule. Ils ne pouvaient pas retourner dans leurs unités, alors on a fini par les faire prisonniers. Et ça a continué sur la côte est de l’Italie et ça, on y a passé 21 mois en fait et on s’est retrouvés, dans une ville au nord qui s’appelait Bologne. Et l’hiver qu’on a passé là c’était de la folie, à un endroit qui s’appelait Ortona, où on a perdu beaucoup d’hommes, beaucoup plus de Canadiens se sont fait tuer là-bas.

Là-haut à Ortona, il y a une zone de plateau qui est environ sept, huit, neuf cents pieds (270 mètres) au dessus de l’Adriatique. Et c’est complètement plat au sommet et il y avait des ravins très abrupts qui partaient du centre, c’est une région de montagnes, les Apennins, que les Italiens appellent les « Appennini », qui descendent jusqu’à l’Adriatique et bien sûr, l’eau se précipite dans la descente quand l’hiver arrive, il n’y a pratiquement pas de neige, ce n’est que de la pluie, de la pluie, de la pluie. Et la boue, vous ne pouvez pas imaginer cette boue. Quand on était au sommet d’une de ces crêtes, la gadoue c’était comme de la soupe, quinze à vingt centimètres d’épaisseur et vous essayez de passer d’un endroit à l’autre avec ce truc partout autour de vous, ça avance péniblement. Et les Allemands vous font savoir, ils savent où vous vous trouvez à chaque pas, ils nous surveillaient facilement, car on ne pouvait pas bouger sans qu’ils nous voient.

Mais on était, à ce moment-là, on en était arrivé à un point où ça ne bougeait plus pendant la guerre, quand on était à Ortona et San Vito on était stationnaires, plus personne ne bougeait à cause de toute cette boue. (À Campo Basso,) on l’a capturé un peu bêtement mais, ou accidentellement je devrais dire parce que les Allemands, un bon paquet d’entre eux était au cinéma, à regarder un film. Et on s’est précipités avec nos blindés et on a rassemblé les Allemands dans la rue et le reste d’entre eux était dans le cinéma. Et on a foncé dans le cinéma et alors que toutes les lumières étaient éteintes et qu’ils regardaient le film et je ne me souviens pas de quel film il s’agissait évidemment mais en tous cas, je me souviens d’avoir rallumé toutes les lumières et je me suis emparé d’un micro dans un bureau, ils avaient une sorte d’unité de projection, et je m’en suis emparé. Et tout de suite, j’ai dit, vous savez, Alle deutsche soldaten, vous savez, (tous les soldats allemands) Kommen sie hier (venez ici) et vous êtes désormais prisonniers, ou Gefangeners, c’est le mot en allemand. Vous êtes désormais nos prisonniers, on vient juste de tous vous capturer. Alors ils sont tous sortis du cinéma les uns derrière les autres et on va projeter nos propres films. On en a capturé environ 300 dans le cinéma, on a capturé toute la clique, sans tirer un seul coup de feu.

Dans l’après-midi, le soleil s’est montré et on m’avait détaché pour ramener un camion de là où on était, là-haut du côté de la rivière Biferno, jusqu’à Campo Basso pour ça, pour un film - un autre film, pas le même – et le soleil s’est montré. Et je suis là sur cette place, c’est un stationnement en briques en gros, et j’ai garé le camion et j’ai levé la tête pour regarder le ciel bleu clair dont je n’avais pas vu la couleur depuis un mois et c’est la dernière chose qui m’est restée pendant un bon moment. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Et puis quand je suis revenu à moi, une semaine plus tard, j’étais dans un hôpital géré par les Polonais, un hôpital polonais. J’avais une hépatite. Donc je suis resté là pendant, je ne sais pas combien de temps. Et ils m’ont mis dans un camion ambulance et m’ont renvoyé à plusieurs centaines de kilomètres dans un autre, un véritable hôpital. Ça prend du temps. Puis quand vous ressortez, vous retournez au front. Mais vous retournez au combat.

Date de l'entrevue: 24 août 2010