Ken Raymond «Fritz» «Curly» Luttrell (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Ken Raymond «Fritz» «Curly» Luttrell (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Ken Luttrell a servi dans la marine marchande pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Ken Luttrell
Ken Luttrell
Ken Luttrell à 16 ans et demi à bord du navire SS Hastings.
Ken Luttrell
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Compte-rendu du service de Ken Luttrell dans la Marine Marchande, 1995. La Marine Marchande travaillait sous la respnsabilite du departement des transports canadiens.
Ken Luttrell
Ken Luttrell
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Certificat de Ken Luttrell qui a traversé le cercle polaire Arctique.
Ken Luttrell
Institut Historica-Dominion
Institut Historica-Dominion
Ken Luttrell, novembre 2009.
Institut Historica-Dominion
Ken Luttrell
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Medailles de Ken Luttrell.
Ken Luttrell
Et notre canon avait eu une défaillance il était sorti de ses roues élévatrices ou de ses pignons plus exactement. Et le canon était coincé en position haute avec un obus dans la culasse.

Transcription

J’avais quitté l’école quand j’avais 14 ans et je travaillais dans une entreprise de sidérurgie la Steelworks Canada où j’étais soudeur et je faisais des plaques de blindage pour les chenillettes porte-Bren. Et je surveillais les nouvelles et je me languissais d’être au cœur de l’action, et j’ai attendu d’être un peu plus vieux et que de faire un peu d’entraînement avec les cadets de la marine et ensuite j’ai décidé de quitter la maison et de m’engager dans la marine marchande parce que j’étais un peu perturbé par mon manque d’enthousiasme à l’idée d’être dans le service. Et aussi une de mes obligations – malgré le fait que je travaillais - était de nettoyer le jardin de derrière tous les samedis et ça c’était chez mes parents.

Je nourrissais l’ambition de m’engager dans la marine mais je n’avais pas l’âge requis et on m’avait dit que si je naviguais pendant six mois environ, je pourrais être pris comme matelot dans la marine. Ce qui s’est avéré être faux parce qu’ils ont dit une fois de plus que j’étais trop jeune. Alors j’ai fait mon temps sur un navire marchand, j’ai passé un an sur le Hastings. J’ai été rendu à la vie civile et quitté le Hastings après la capitulation du Japon.

Oui, les exercices de tir qu’on faisait avec le canon sur le pont -c’était un canon défensif – et mon rôle pendant les tirs, j’étais le pointeur, c’était d’avoir une bonne idée de l’angle d’inclinaison du bateau dans l’eau, et quand vous faisiez le point sur la cible, vous deviez calculer précisément le, le mouvement ascendant et descendant pendant le tir. Et ce qu’on faisait c’était qu’on s’entraînait sur des vieux tonneaux de poissons attachés ensemble avec une corde. On les jetait à l’eau et on les laissait partir à la dérive pendant un huitième ou un quart de mille et ensuite on faisait feu. Comme ça on voyait si on avait viser correctement. Alors c’était assez amusant les exercices de tir.

La seule chose vraiment amusante à propos de tout ça est le fait que notre bateau avançait tellement lentement que quand vous faisiez feu, vous deviez défaire toutes les ampoules à l’arrière du bateau et partout où les vibrations dues au tir se faisaient sentir. Et c’était pour empêcher les ampoules d’exploser. Et aussi, je le jure devant Dieu, le bateau s’arrêtait quasiment après la mise à feu à cause du recul occasionné. Mais c’était plutôt intéressant et à cet âge là, c’était vraiment une expérience pour moi.

Les munitions qu’on avait, des EB [explosifs brisants] et des obus perforants, et c’était comme je l’ai dit, c’était du calibre 3,7 alors on devait faire vraiment très attention en les manipulant, comme pour toutes les munitions de ce genre. Le seul problème qu’on ait eu avec ça, une fois on avait charger le canon et on l’avait mis en position haute pour augmenter la portée. Et notre canon avait eu une défaillance il était sorti de ses roues élévatrices ou de ses pignons plus exactement. Et le canon était coincé en position haute avec un obus dans la culasse. Et si il partait l’obus monterait tout droit mais vous n’auriez pas le recul parce qu’il retomberait sur le pont, compte-tenu de l’emplacement du canon.

Mais la seule chose vraiment regrettable c’est qu’il on ne pouvait pas mettre ce qu’ils appellent un cache au dessus de la bouche du canon pour empêcher l’eau de pluie et l’eau de mer de s’infiltrer à l’intérieur, alors quand on est arrivé au port, l’obus qui était dans le canon, il était complètement rongé par la corrosion, tout vert, parce que c’était gorgé d’eau salée.

Dans la zone de Saint Pierre et Miquelon, trois hydravions américains ont croisé notre navire. On n’avait pas d’escorte. On était un navire isolé qui naviguait dans le Golfe du Saint Laurent. Et la raison pour laquelle ils étaient curieux à propos de nos intentions c’est qu’on venait juste d’avoir notre Pavillon Rouge [Red Ensign] ils appellent ça le Pavillon Rouge, à la poupe du bateau, il avait été lessivé par un de nos matelots qui avait utilisé de la soude caustique pour le laver. Et il en avait fait un vulgaire morceau de chiffon rouge, et il n’y avait plus d’identification sur le drapeau.

Donc on naviguait sans pavillon, sans identification. Et l’autre fait c’est que quand les hydravions sont venus pour examiner la situation, ils nous ont demandé de produire notre code international pour prouver notre identité et on ne pouvait pas faire ça on avait repeint le caisson de rangement des drapeaux signalétiques qui étaient tous couchés sur le pont en attendant. Et dans l’histoire ils s’étaient tous mélangés et c’est ce qui avait attiré l’attention de l’avion qui s’était approché pour voir d’un peu plus près et les soufflages sur le côté sur bateau aussi, ils avaient des mitrailleuses de calibre 50 à bord, et on a bien cru qu’ils allaient nous faire exploser sur place. Mais le capitaine a réussi à trouver un signal qui a permis de nous identifier et l’a fait monter le long de la drisse et l’avion nous a fait un signe d’adieu avec ses ailes et s’est en allé.

J’étais en l’air assis dans une chaise de gabier en train d’écailler la peinture du mât n°1. Et je n’avais pas d’autre choix que de rester là-haut pendant qu’ils approchaient et je pouvais seulement faire des vœux et prier pour que nous ne soyons pas pulvérisé par la mitrailleuse. L’autre défi a été celui auquel on a fait face en arrivant au large de St John à Terre-Neuve. Une fois de plus à cause de nos problèmes de signalisation, on avait un radio qui ne savait pas se servir de ce qu’ils appellent la lampe Aldis. C’est la lampe qui clignote et envoie des signaux lumineux à terre. Et comme on ne répondait à ces signaux, ils nous ont envoyé une corvette de la marine et un équipe d’arraisonnement est montée à bord et nous a escorté jusqu’au port.

Alors là encore c’était effrayant parce qu’on nous suspectait d’être ce qu’ils appellent un navire-piège. Ces navires-piège étaient des ravitailleurs allemands qui opéraient dans le coin quelquefois et alors on était suspect en quelque sorte. Et la marine est venu pour nous faire rentrer sous escorte.

Je suis resté sur ce bateau jusqu’à ce que le Japon capitule. Et après on est retourné dans la région supérieure des Grands lacs. En premier, on a enlevé les radeaux Carley, ce sont les canots de sauvetage qui étaient sur le navire, et on les a laissés à Sorel au Québec, parce que la guerre était terminée et alors tous les bateaux étaient désarmés et on reprenait les munitions aussi. Donc on a débarqué nos munitions et le canon a été démonté et sorti du bateau à Sorel et les munitions ont été rendues et on est allé dans le nord des grands lacs et on a accompli d’autres missions comme au Lac Ontario et dans les Grands lacs c’était la région des céréales, on transportait les céréales. Et c’était un problème important à l’époque parce qu’on acheminait une grande quantité de céréales pour les envoyer en Europe aux gens qui crevaient de faim en Europe.

Le jour de la Victoire en Europe a été un grand jour. Vous savez, la, la guerre était terminée en Europe et on célébrait l’événement dans les rues de St John à Terre-Neuve à ce moment-là et bien-sûr, on a trop mangé et trop bu, et c’était l’allégresse. Et la seule chose qui m’est arrivée sur le bateau ce jour-là c’est qu’on était prêts à aller sur le port et c’était mon boulot de faire en sorte que tout soit en ordre sur le bateau et mes matelots, malheureusement, étaient tellement excités qu’ils ont commencé à jeter les détritus qu’on met normalement sur le pont de côté en attendant de les jeter par-dessus bord en haute mer. Mais ils les ont jeté par-dessus bord dans le port et ils y avait des détritus partout qui flottaient dans le port. Et ils ont même bouché des canalisations d’alimentation en eau de la marine.

Et moi, évidemment, je suis allé prendre un verre et avec les hommes et le capitaine du navire, j’avais rapporté du rhum, il avait été fourni au cas où la guerre se termine. Et tout le monde a eu droit à sa tournée de rhum et une petite claque amicale dans le dos et là, on a su que la guerre était terminée. Et la seule chose à laquelle je pensais, c’était à mon frère qui était outre-mer à ce moment-là, il allait rentrer au Canada. Il est rentré à temps pour se réorganiser et être prêt à partir à la guerre dans le Pacifique. Des Forces spéciales étaient réunies pour partir en mission dans le Pacifique, mais la guerre s’est terminée en août avant même qu’il réussisse à rejoindre la côte ouest pour partir là-bas.

Je l’ai vu après, il est rentré à la maison à peu près six mois avant moi. Et je l’ai vu six mois après. Je me souviens toujours en fait de, quand les soldats rentraient chez eux, ils mettaient un grand panneau sur le fronton de leurs maison, Bienvenue Joe ! ou Bienvenue Bill ! Il y avait encore beaucoup de ces panneaux sur les maisons quand je suis rentré chez moi.

C’était un sentiment étrange je crois parce qu’ils pensaient, oh vous croyez que vous êtes des adultes maintenant, vous étiez à la guerre. Mais non, ils étaient très gentils et très heureux.