Lucien Simard (Source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

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Lucien Simard (Source primaire)

« Le long de la côte de Gaspé, la côte de Terre-Neuve, vous êtes dans la noirceur complète. Vous savez, toute la côte de la Gaspésie pendant la guerre, les maisons masquaient leurs fenêtres. Les sous-marins torpillaient les bateaux à 5 miles au large, voir 10 miles au large. »

Pour le témoignage complet de M. Simard, veuillez consulter en bas.


Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Certificat de décharge.
Certificat de décharge.
Avec la permission de Lucien Simard
Portrait sur carte postale de Lucien Simard, quand il a rejoint la Marine Marchande en 1944.
Portrait sur carte postale de Lucien Simard, quand il a rejoint la Marine Marchande en 1944.
Avec la permission de Lucien Simard
Lucien Simard, juste avant son enrôlement, au village de la Petite-Rivière-Saint-François, dans Charlevoix, Québec, en 1944.
Lucien Simard, juste avant son enrôlement, au village de la Petite-Rivière-Saint-François, dans Charlevoix, Québec, en 1944.
Avec la permission de Lucien Simard
Le long de la côte de Gaspé, la côte de Terre-Neuve, vous êtes dans la noirceur complète. Vous savez, toute la côte de la Gaspésie pendant la guerre, les maisons masquaient leurs fenêtres. Les sous-marins torpillaient les bateaux à 5 miles au large, voir 10 miles au large.

Transcription

Je suis d’abord originaire de Charlevoix [Québec]. Saint-François c’est mon lieu de naissance, c’est une place de marins. On me disait toujours, même si je n’y ai jamais cru, que j’avais du sang de marin dans les veines. Parce qu’on n’avait pas beaucoup de chance de sortir de là sans sortir par bateau dans ces années-là. J’ai travaillé à Arvida [une ville qui fait partie de la ville de Saguenay, PQ aujourd’hui]. Mon père est venu travailler à Arvida vers 1942. Il m’a fait venir ici pour aider à soutenir la famille. Quand j’ai eu dix-sept ans, je pensais aux bateaux. Je ne me voyais pas dans ma vocation à Arvida, je me voyais sur un bateau. Quand j’ai vu venir mes dix-huit ans, j’ai vendu à ma mère que si je n’allais pas sur un bateau, ce qui était très intéressant et très valorisant, même plus valorisant que d’être dans une tranchée ou d’aller me cacher dans une montagne pour pas m’en aller dans l’armée. Je lui ai vendu que je descends à Petite-Rivière. Un cousin de mon père qui avait un bateau, qui était propriétaire d’un gros bateau qui était nolisé par Clarke Steamship. Il m’a engagé pour travailler comme matelot pour lui. Je ne parlais pas anglais. J’avais parlé à d’autres petits gars qui étaient là qui me disaient qu’il faut parler anglais, on n’avait pas le choix. Si tu as beaucoup d’expérience dans la marine marchande, peut-être si tu avais un certificat d’officier ou plusieurs années dans la marine marchande, tu pourras transférer dans la marine de guerre. Je me suis dit, on va prendre la marine marchande en attendant, parce que je ne peux pas [entrer dans la marine de guerre]. Mais là ce que je suis allé pour m’enrôler dans la marine de guerre, à peu près, disons, trois mois environ après que j’étais entré sur un bateau marchand, on a fait une escale à [la ville de] Québec. Je suis allé au call field à Québec, si ça vous dit quelque chose. Là c’est un officier de la marin, et tous les petits gars qui étaient à l’entraînement, les jeunes matelots en belles uniformes, bien costumés, bien organisés. Les jeunes à l’entraînement étaient un peu plus vieux [que moi]. L’officier qui m’a fait venir dans son bureau m’a dit comme tu ne parle pas anglais, nous, on n’a pas le temps d’abord de t’apprendre l’anglais. T’a l’air d’un bon jeune homme, comme tu es dans la marine marchande, reste dedans. Reste dedans, les autres n’auront pas de place pour toi. Lorsqu’ils ont appelé ma mère, alors ce que a envoyé ma mère, pour aller me rapporter à call field le 22 décembre 1944 qu’elle a eu la lettre, elle a dit, mon fils, il est sur un bateau, cherche là. J’ai pas d’adresse, je pense qu’elle écrivait longtemps chez Mercier à Québec. Il y avait un petit restaurant sur la rue St-Paul. Elle envoyait la lettre là puis ils se chargeaient de, quand on montait, en faisant l’approvisionnement, alors eux ils nous la donnaient. Ou les lettres étaient envoyées à Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans. Je ne sais pas si vous savez, il y avait un petit bateau de la garde côtière qui était toujours à St-Jean-de-l’Île-d’Orléans, un petit bateau de la police montée. J’avais un cousin qui travaillait sur ce petit bateau là. On s’y rapportait. Il faut le dire notre destination, notre chargement et qui était le capitaine. Je naviguais sur un bateau qui transportait d’abord de gaz aérien [de l’essence] et du ciment. Le gaz aérien d’un haut indice d’octane dans un compartiment, le ciment dans l’autre, le gaz aérien sur le pont, en barils. [C’était] pour les avions et la construction de la base de Longue-Pointe-de-Mingan. C’est une base américaine que les Américains construisaient alors pour survoler le Saint-Laurent, pour surveiller les sous-marins qui auraient pu entrer. On sait maintenant que les sous-marins ont monté jusqu’au Saguenay dans le temps de la guerre en 1945 – peut-être pas en 1945, peut-être en 1943, 1942, 1944. On sait qu’il y a eu des bateaux coulés jusqu’à Sainte-Luce-sur-Mer, tout près de Rimouski, donc on était en plein dans la zone. On avait une bonne consolation. Le capitaine nous disait toujours, quant on est jeune, « Vous autres, les caves, les jeunes – j’emplois pas le mot cave, je dis le mot cave mais en voulant dire, pas de danger pour vous autres, moi je suis le capitaine, si un sous-marin lève, il faut renoncer, moi ils vont m’emmener en Allemagne, prisonnier, et vous autres, on nagera jusqu’au rivage, on débarquera, prendre une chaloupe de sauvetage, vous n’avez qu’arriver par terre, vous serez chez vous. » C’était toute une consolation. On se motivait avec ça pour continuer notre chemin. Ce qui était surtout difficile pour nous autres c’était surtout la noirceur. Moi ça me dérangeait beaucoup la noirceur, lorsque venait la nuit, que ce soit de bonne heure au printemps ou l’automne. L’été c’est correct, les journées sont plus longues. Lorsque vous êtes en mer et que la nuit commence à 4 heures l’après-midi, vous rentrez dans une chambre et la lumière se ferme. Vous rentrez dans la cuisine et la lumière se ferme. Nous n’avions pas le droit d’allumer une allumette même dans la chambre à moins que les hublots soient très bien fermés. Nous étions dans l’obscurité totale. Le long de la côte de Gaspé, la côte de Terre-Neuve, vous êtes dans la noirceur complète. Vous savez, toute la côte de la Gaspésie pendant la guerre, les maisons masquaient leurs fenêtres. Les sous-marins torpillaient les bateaux à 5 miles au large, voir 10 miles au large. Lorsque la guerre 1939-1945 a fini, elle n’a pas fini pour nous autres. Les sous-marins ont disparu, mais les mines sont restées là. Après la guerre, on nous a dit qu’on pouvait rentrer dans la légion. C’était quelques années après la fin de la guerre. Si vous regarder dans mes documents, vous aller voir que j’ai eu mon bouton de marine marchande seulement vingt-cinq ans après, vers 1970. C’est venu très tard. Moi j’ai toujours continué dans la marine. Je n’ai pas arrêté. J’ai appris l’anglais.

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