Ruth Masters a servi dans le Service féminin de l’Aviation royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle a été postée à la station Uplands de l’ARC à Ottawa avant d’être affectée en Grande-Bretagne.
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Transcription
J’étais sténographe bien sûr, c’est ainsi que je me suis retrouvée dans l’administration et que j’ai fait beaucoup de travail de rangement, classant les dossiers de tous ceux qui ont fréquenté l’école. Cinquante pilotes étaient diplômés chaque mois, et nous étions le personnel de soutien pour diverses sections, notamment l’équipement et les salles à manger. C’était comme une grande ville. Les diplômés devenaient des amis, et l’émotion était palpable quand ils recevaient leur insigne parce que nous savions qu’ils aboutiraient dans la liste des blessés ou morts. À [la base de l’Aviation royale canadienne] Uplands, nous avons été témoins de quelques écrasements. Je me souviens très bien avoir donné du sang à la Croix-Rouge d’Ottawa une fois et d’avoir vu par la suite les avions en feu au sol. L’hôpital d’Ottawa a peu après fait un appel à tous pour que soit rapidement acheminé du sang pour les victimes des écrasements. Je venais d’y aller, mais je ne voulais pas m’en servir comme excuse, alors j’y suis retournée pour donner une autre pinte et demie. Je me suis dit qu’il n’y aurait rien là, mais je me suis évanouie et je suis tombée raide. Je me souviens des regards anxieux alors qu’on m’aidait à reprendre graduellement mes esprits. Sans être forcées, nous avons eu la possibilité de partir à l’étranger et beaucoup s’en sont prévalues. Nous avons eu droit à un congé avant, j’ai pu revenir à Courtenay [Canada] avant que nous partions pour Halifax [Nouvelle-Écosse]. C’était une journée glaciale, nous avons été envoyées sur l’énorme [RMS] Mauretania. Comme première annonce, j’ai demandé que personne ne tombe par-dessus bord parce qu’on n’allait pas faire demi-tour pour récupérer les gens tombés et ainsi mettre la vie des 6 500 à 8 000 personnes à bord en péril. Quoi qu’il en soit, c’était très émouvant étant donné que les femmes étaient admises sur le pont. Le Canada n’était plus qu’une mince ligne bleue à l’horizon, et nous nous demandions qui allait revenir et qui allait y rester. Ça remet les choses en perspective. Quoi qu’il en soit, nous avons été postées sur la côte sud [de l’Angleterre], puis affectées à divers postes en Grande-Bretagne, principalement à Londres et dans le Yorkshire. Au début de 1945, après un an complet de bombardements [par la force aérienne allemande], nous avons constaté une baisse de régime. En mars ou avril, les bombardements s’étaient raréfiés, nous sentions la fin de la guerre. Comme j’ai dit, nous étions postées dans tout Londres pour protéger le quartier général de l’ARC là-bas. Personne n’a été blessé par les bombardements dans notre groupe, mais le manque de sommeil nous a rattrapées. On nous a demandé de quitter Londres la fin de semaine pour nous reposer, car les bombardements commençaient souvent dès la tombée de la nuit et duraient plusieurs heures. Ce n’était pas pratique pour nous déplacer! Nous avons survécu et les 7 et 8 mai 1945, alors que nous étions dans notre petit appartement à South Kensington, les cris de célébration ont pris Londres d’assaut pour souligner la fin de la guerre. À Londres, on jubilait. Près du palais Buckingham et de la résidence [du premier ministre Winston] Churchill à Downing Street, il y avait tellement de monde qu’on aurait pu surfer sur la tête des gens. Le 8 mai, Churchill est sorti sur le balcon du 10 Downing Street avec quelques-uns de ses ministres en pleine célébration. Il s’est penché et a dit à l’immense foule que c’était une journée pour elle. Il était clairement un peu éméché à ce moment-là!