Stanley Grizzle (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Stanley Grizzle (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

L'Ordre de l'Ontario, décerné à Stanley G. Grizzle.
Badge de l'Armée royale canadienne Medical Corps.
Stanley Grizzle royale canadienne carte de membre de la Légion, des années 1950. Son rang était caporal, et non privé.
La formation de base à la BFC Borden. L-R: Stan G. Grizzle, Mel Evans, le Sgt. Ball, Grundy Russell, Henderson Al.
« Les Noirs n’étaient aucunement motivés à se joindre à l’armée… Déjà en temps de paix, nous ne profitions en rien de la démocratie. »

Transcription

Je m’appelle Stanley G. Grizzle. Et j’ai été affecté au Corps médical. Je me suis qualifié pour le Corps médical parce qu’en tant que porteurs pour wagons-lits, je sais faire un lit. En 1942, le gouvernement canadien a décidé d’instaurer la conscription. Cela signifie un service obligatoire. Mais j’ai reçu l’avis de convocation. Je ne m’étais pas porté volontaire en raison des conditions sociales qui avaient eu une incidence sur moi et mon peuple. Nous ne pouvions pas obtenir d’emplois ici. Le seul emploi que pouvait obtenir un homme noir était celui de porteur pour wagons-lits. Pour une femme, celui de domestique. Vous pouviez déambuler sur la rue Yonge d’un bout à l’autre sans jamais voir un Noir travailler dans un restaurant ou dans un magasin. Les choses étaient ainsi. Les Noirs n’avaient donc aucune motivation à s’enrôler dans l’armée. L’un des thèmes de l’Armée était : « sauver le monde démocratique ». Eh bien, nous ne jouissions d’aucune démocratie en temps de paix, je ne voyais donc pas vraiment de raison de joindre l’armée. Quoi qu’il en soit, j’ai reçu cet avis et j’ai décidé de donner suite à la demande. J’ai pensé ne pas me présenter. Il y a si peu de Noirs au Canada que j’ai pensé que je serais comme une mouche dans un verre de lait. Mais je me suis présenté. Nous avions si peur que nous étions très gentils les uns envers les autres. D’ailleurs, c’est à Newmarket j’ai vu pour la première fois un officier noir. Le sergent-major Shepherd. Je crois qu’il venait de la région de Guelph. Je suis donc allé à Newmarket et je crois que j’y suis resté seulement quelques mois. Et bien sûr, nous devions… les militaires se lèvent tous les matins pour aller faire des exercices et apprendre ce qu’est la vie dans l’armée. Puis, du Camp Borden, nous avons été envoyés en Colombie-Britannique. Durant mon affectation en Colombie-Britannique, j’ai demandé un congé pour me marier. J’ai donc eu un congé de deux semaines, qui devait être le dernier avant de quitter le Canada, nous avait-on dit. J’ai donc pris le train pour retourner à Toronto et nous nous sommes mariés à Hamilton. Bien entendu, on a refusé de m’héberger à l’hôtel Ford à Dundas et à Bay. Et au Royal York. Je pense que la stratégie voulait que je reste à l’hôtel situé au coin sud-ouest de la rue York et de la rue Front parce qu’il était situé juste en face de la gare. Il me serait donc plus facile de prendre le train le lendemain de la célébration et de rentrer en Colombie-Britannique. Mais il n’en était pas question. Nous avons donc été hébergés chez la sœur de mon épouse et son mari ici à Toronto. À mon retour en Colombie-Britannique, le sergent est venu me chercher à la gare et a dit : « Stan, j’ai de mauvaises nouvelles pour toi. Nous sommes transférés à Valcartier, au Québec. » Et j’ai pensé : « Ce n’est pas vrai, nous… ma femme et moi… » Je n’avais réussi qu’à trouver une chambre dans une maison de ferme. Monsieur et Madame Bedore. Je n’oublierai jamais leur nom. Ils étaient si gentils. Quelques jours plus tard, tous les soldats sont montés à bord du train et j’ai dû laisser ma femme derrière. Pendant le voyage, l’un des officiers a demandé : « Qu’est-il arrivé à votre femme? » J’ai répondu : « Eh bien, elle est de retour au camp, à la maison de ferme. » Il semblait très contrarié. Il a dit : « Dieu du ciel, dit-il, nous n’y avons jamais pensé. Nous aurions pu prendre des arrangements pour qu’elle vienne avec nous en train. » Quoi qu’il en soit, les choses se sont passées ainsi. Nous sommes donc arrivés à Valcartier, au Québec. Quand nous sommes arrivés, mon ami, Mel Evans, m’a dit : « J’ai en une bonne idée Stan. Ton épouse et la mienne pourraient faire le voyage ensemble et venir nous rejoindre. » Et il a ajouté : « Je vais faire le nécessaire pour avoir des chambres, pour ton épouse et la mienne. » Des chambres séparées. Et c’est ce qu’il a fait. Nous sommes allés les chercher à la gare, ici à Québec, et nous nous sommes présentés à l’Armée du Salut pour obtenir nos chambres et la femme s’est adressé à Mel et son épouse et a dit : « Nous avons une chambre pour vous, mais pas pour les personnes de couleur. » Je n’arrivais pas à y croire. « Pas encore », ai-je dit.