"Le navire avait tourné à plein régime pendant plus de trois ans, transporté des troupes dans le monde entier, on avait fait le tour du monde deux fois, toujours avec ce même bateau."
M. Elworthy a servit dans la marine marchande pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pour le témoignage complet, veuillez consulter en bas.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je faisais mon service dans la marine marchande comme cadet, sur le paquebot de grande ligne le Canadien Pacifique , [RMS] Empress of Canada, un des quatre grands navires de l’océan Pacifique Nord. En octobre 1939, on a été repris par l’Amirauté britannique à Hong-Kong et on nous a donné un choix et un seul choix : soit on se réengageait dans un navire de transport de troupes, soit on retournait au Canada. Personne n’est retourné au Canada, tout le monde a signé. Donc, on était tous repartis pour trois ans de service. Certains, pour des raisons variées, sont partis pour entrer dans la marine, l’armée, la force aérienne, ou tout simplement pour quitter le bateau. On a commencé par descendre sur Wellington en Nouvelle-Zélande. C’est là que le premier convoi avait été formé, surtout par des bateaux britanniques, mais il y avait aussi des cuirassés polonais et français et un cuirassé britannique, le HMS Ramillies, un des meilleurs cuirassés d’Angleterre. Il assurait principalement la défense et ensuite il y avait les navires de guerre australiens et néo-zélandais chargés de la protection d’environ 50 000 soldats en partance pour le Moyen Orient à Suez et à Alexandrie [Egypte]. Puis on est retourné en Nouvelle-Zélande, pardon, on est retourné en Australie, à Sydney et on a mis le bateau en cale sèche à l’île de Cockatoo. Ensuite, on a embarqué des soldats australiens. On était à un jour de Colombo [Ceylan, qui s’appelle maintenant Sri Lanka] en route vers le nord, quand on a appris que l’Italie était sur le point d’entrer en guerre. Ils avaient une très très belle flotte sous-marine moderne dans leurs colonies en Somalie. Et une nuit, à minuit, on a fait demi-tour et on est retourné en Afrique du Sud. On a contourné l’Afrique et on est arrivé en Angleterre la semaine de l’évacuation de Dunkerque, en plein milieu. Donc les troupes qu’on a rapportées étaient les rares troupes armées qui restaient en Angleterre. On s’est bien tiré de tout ça, on avait tous nos soldats, 365 000 soldats, presque autant que de jours dans l’année. Ensuite, on était prêt pour une raclée. On ne pouvait pas faire grand-chose parce que l’armée avait perdu tout son équipement à Dunkerque. Certains avaient leur fusil, mais c’était pas commode de patauger dans l’eau en tenant son fusil par-dessus la tête, donc beaucoup d’entre eux ont fini par nager vers le bateau. Ensuite, ils ont procédé à la constitution de la 8e Armée en Égypte . Donc on a embarqué les premières troupes britanniques pour soutenir les troupes qui étaient déjà en Égypte. Au cours de l’année suivante ou des deux années suivantes, on a fait sept voyages autour de l’Afrique, du sud de l’Angleterre bien sûr, jusqu’au Moyen Orient. Ensuite, on a fait le raid de Spitsbergen [ Norvège] dans l’Arctique, ça nous a pris environ deux semaines, et ça a été un grand succès. Quand on est retourné en Angleterre, après l’invasion, on entendait la radio allemande, Radio Tromso, à Tromso, en Norvège, qui appelait Spitsbergen mais personne ne répondait. Ensuite nous, ça a été un de nos derniers grands transports de troupes, on a emmené des soldats à Singapour, on les a débarqué là-bas et on a embarqué des civils, parmi les derniers civils, notamment un bon nombre d’enfants. On les a pris à bord et on est allé en Indonésie et on a navigué jusqu’à la pointe nord-est de l’Australie, à la péninsule de York. Ensuite, on a descendu la côte-est, à l’intérieur de la Grande barrière de corail et on est allé jusqu’à Brisbane. Puis, on est descendu à Sydney où on a débarqué tous nos passagers sains et saufs. Après ça, on a continué la traversée du Pacifique. Le navire avait tourné à plein régime pendant plus de trois ans, transporté des troupes dans le monde entier, on avait fait le tour du monde deux fois, toujours avec ce même bateau. Je m’étais arrangé pour aller à l’école de navigation et ça avait bien marché et j’étais devenu officier. Ensuite, je suis entré dans les transports, j’ai transporté des munitions de tous genres et aussi de la nourriture. Les gens devaient continuer à vivre tout en faisant la guerre, donc rien n’était perdu. J’ai passé le reste de la guerre sur trois navires de la classe des parcs, des navires de 10 000 tonnes avec un équipage d’environ 90 membres et le détachement naval à bord. Les Japonais étaient en train de descendre la presqu’île malaise, ils avaient déjà commencé à bombarder et on a juste quitté Singapour à temps. Mon frère était sur le [RMS] Empress of Asia, qui faisait partie du dernier convoi de troupes britanniques à aller là-bas. Il a été tué quand ils ont bombardé et coulé le Empress of Asia, tout près de Singapour. Il est enterré là-bas. J’ai trouvé sa tombe après la guerre et je lui ai payé mes respects et tout ça. On a eu beaucoup d’aventures avec les autres transports que j’ai mentionnés. On a emmené du matériel de guerre en Australie et en Nouvelle-Zélande, en Tasmanie, dans des îles du Pacifique. On a fait des voyages en Angleterre et on a passé des moments mouvementés quand on s’est fait bombardé à Liverpool [Angleterre] et à Hull, Angleterre. On a eu des frictions avec des E-Boats [un Schnellboot ou S-boot, torpilleur à moteur allemand],on a dû combattre un E-Boat ou deux. En plus de ça, il y avait du brouillard et il faisait très noir, donc on tirait vers le bruit de leurs moteurs, on ne les voyait pas. La guerre était incroyable en tout temps, en particulier quand les Japonais sont entrés en guerre. On s’est beaucoup démenés dans l’Atlantique mais dans le Pacifique Sud-Ouest c’était devenu presque aussi dur, sinon pire. Après Pearl Harbour, ils ont mis la moitié de la U.S. Navy hors d’action, ils leur ont coulé beaucoup de leurs navires de guerre directement dans le port et ils ont tué beaucoup de gens. Bien sûr, c’est ce qui a incité les États-Unis à entrer en guerre avec le Japon. C’est quelque chose qui a allégé notre fardeau car à ce moment-là on a eu le renfort de la marine américaine en plus de la marine britannique et de notre marine.