Project Mémoire

William « Bill » Plant (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

En 2009, le Projet Mémoire a interviewé William Plant, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement (et la transcription) qui suit est un extrait de cette entrevue. William Plant est né le 21 janvier 1919 et a servi dans les Forces armées canadiennes de 1939 à 1946. Il s’est enrôlé dans sa ville natale de Brantford, en Ontario, à l’âge de 20 ans et il s’est joint au Toronto Scottish Regiment. Il est arrivé à Caen, en France, une semaine après le jour J et a servi aux Pays-Bas et en Allemagne. Dans ce témoignage, il décrit ses expériences en tant que conducteur d’un Bren Gun Carrier (un véhicule blindé léger à chenilles). Après la guerre, William Plant est retourné à Brantford, où il est resté jusqu’à sa mort le 14 juin 2014 à l’âge de 95 ans.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Transcription

Je me suis enrôlé au manège militaire de Brantford [Ontario] pour ensuite me retrouver à Niagara-on-the-Lake [Ontario], où j’ai suivi un entraînement avant d’être envoyé en Colombie-Britannique. On a reçu tout notre équipement à Nanaimo en attendant de partir pour Hong-Kong. Eh bien, deux jours avant le départ, Hong-Kong est tombé. Et comme ils ne savaient que faire de nous en Colombie-Britannique, ils nous renvoyés à l’est. Et nous sommes finalement arrivés à Sussex, au Nouveau-Brunswick. C’est de là qu’on m’a envoyé outre-mer. Nous étions à Aldershot [Angleterre] quand l’un de nos camarades, mon sergent en fait, a été envoyé à Dieppe. Il avait les cheveux très noirs et, à son retour de Dieppe, tous ses cheveux avaient blanchi. Ça nous a fichu une peur incroyable. Et peu après, il a fallu traverser pour le Jour J. Je me suis retrouvé là une semaine plus tard et on m’a envoyé aux alentours de Caen [France] pour m’installer dans un porte-mitrailleuse Bren [une chenillette blindée]. Les deux types qui l’occupaient avant moi, qui en étais le conducteur, eh bien, ces deux types avaient frappé leur Waterloo. Je me retrouvais donc sans personne avec moi. Ce n’est que deux jours plus tard qu’on a trouvé deux autres types pour m’accompagner. Et nous transportions une mitrailleuse Vickers parce qu’ils avaient des tonnes d’équipements de mitrailleuse écossais. Alors ces types qui étaient avec moi, ils sont restés quatre ou cinq semaines avant d’être mis hors de combat. Je me suis retrouvé seul conducteur, sans personne dans l’auto-mitrailleuse, et donc seul à pouvoir tirer. Ils n’avaient pas été tués, heureusement, mais se sont retrouvés à l’hôpital. Et je suis resté seul pendant un bon bout de temps. Un jour, je m’apprêtais à aligner le zoom de mon porte-mitrailleuse avant de tourner à une intersection, et j’avais avec moi deux nouveaux gars, qui étaient je crois des chefs du personnel canadiens. Et l’un d’eux se tenait debout à l’arrière du véhicule. Eh bien, tout juste au bout de la rue, il y avait un 88 [millimètres], de sorte qu’on a tourné et que l’ennemi a cru avoir affaire à un char plutôt qu’à un porte-mitrailleuse Bren. Et il a fait feu. L’obus a effleuré l’épaule du type qui était debout et nous avons pensé que ça y était. Nous avons tous trois bondi hors du véhicule pour nous mettre à l’abri sur le côté d’un immeuble, le temps qu’un deuxième obus ne fasse tout exploser. Je n’ai pas été touché, mais ce qui nous a dépités, c’est qu’on venait de perdre dans l’explosion tout l’alcool que j’avais stocké dans une grosse boîte à l’arrière. J’avais transporté cette boîte partout, comme si j’étais dans l’infanterie, et j’avais ramassé tout ce que je pouvais trouver d’alcool, dans les cafés, les cours et partout ailleurs où nous passions. Quand les gens avaient caché de l’alcool, ils me le donnaient et je le stockais dans ma boîte. Mais tout a explosé et l’infanterie a eu une grosse déception. J’étais en Allemagne quand tout a pris fin. Nous sortions à peine d’une bataille quand on nous a appris que la guerre été finie. Et il me restait dans mon porte-mitrailleuse un contenant rempli d’alcool de contrebande. Alors, nous l’avons fait boire jusqu’à la dernière bouteille à un prisonnier allemand. Il a tenu le coup, et c’est ainsi que nous avons souligné la fin de la guerre, et nous avons drôlement fêté l’événement.