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Musique folklorique canadienne-anglaise

Terre-Neuve possède un patrimoine particulièrement riche en ballades merveilleuses que l'on retrouve rarement ailleurs en Amérique du Nord.
Edith Fowke
Collectionneuse passionnée d'enregistrements de chanson folk, Fowke est aussi une auteure prolifique de la musique folk canadienne (avec la permission de McClelland & Stewart).
Rogers, Stan (extrait vidéo)
(avec la permission d'Ariel Rogers)

Musique folklorique canadienne-anglaise

La musique folklorique est la musique des gens ordinaires : des chansons et des airs qui, transmis de bouche à oreille plutôt que par l'imprimé, acquièrent ainsi de multiples variantes. Ces chansons et ces mélodies, dont les auteurs sont habituellement inconnus, sont chantées et jouées par plaisir et non pour en tirer un bénéfice. La majorité des chansons folkloriques sont arrivées au pays avec les premiers colons anglais et irlandais et ont été transmises de génération en génération pendant trois siècles. Elles comprennent 77 ballades populaires anglaises et écossaises répertoriées par Francis James Child et plusieurs centaines de ballades, de chansons d'amour, de berceuses, de chants de marins et de chansons de music-hall imprimées sur des feuilles volantes.

Terre-Neuve possède un patrimoine particulièrement riche en ballades merveilleuses que l'on retrouve rarement ailleurs en Amérique du Nord. La ballade la plus populaire au Canada, et dans tout le monde anglophone, est « The little Scotch song of Barbry Allen » qui a ravi Samuel Pepys en 1666 : on en trouve plus de 60 versions différentes à la grandeur du pays. Parmi les autres chansons très aimées, mentionnons « Lady Isabel and the Elf Knight », « Little Musgrave and Lady Barnard », « Lord Randall », « The Cruel Mother », « The Gypsy Laddie », « The Sweet Trinity » et « The Farmer's Curst Wife ».

Quelque 240 des 290 ballades anglaises publiées sur feuilles détachées - plus nombreuses encore et plus récentes que les ballades répertoriées par Child - et que G. Malcolm Laws fils a cataloguées dans American Balladry, étaient chantées au Canada; bon nombre d'autres ont fait surface depuis la publication de ce guide. La plupart sont des contes romantiques sur l'opposition des parents à l'amant bien-aimé, sur les déguisements et les ruses des amants, ou encore sur les amants fidèles et infidèles. Le thème le plus populaire de tous est celui de la bague brisée ou du retour de l'amant, raconté dans des dizaines de ballades différentes.

Les chansons composées au Canada sont moins nombreuses que celles qui sont importées des îles britanniques, et presque toutes sont chantées sur des airs empruntés aux vieux pays. En règle générale, nos propres chansons d'inspiration canadienne-anglaise racontent les occupations des premiers colons, et les deux groupes de chansons les plus importants ont trait d'une part aux marins, d'autre part aux coureurs des bois et aux bûcherons. Les musiques folkloriques de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve sont reconnues pour leurs chants de marins, de chasse à la baleine et au phoque, ainsi que pour leurs ballades racontant les nombreux naufrages. La majorité des chansons du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario sont issues des camps de bûcherons et racontent les travaux d'hiver, les accidents tragiques dans la forêt et sur les rivières, ou encore les expériences des hommes quand ils quittent les chantiers au printemps. Il y a moins de chansons attribuables aux marins des Grands Lacs, aux mineurs du Cap-Breton et de la Colombie-Britannique ainsi qu'aux colons et aux cow-boys des Prairies.

L'Ouest canadien a produit peu de chansons canadiennes-anglaises, mais quelques chansons américaines ont traversé la frontière. Les Canadiens ont en effet adopté ou adapté certaines chansonnettes des colons américains, telles que The Little Old Sod Shanty, et Bury Me Not on the Lone Prairie. La chanson des Prairies la plus répandue, appelée tour à tour Prairie Land, Alberta Land ou Saskatchewan, est une version locale de rimes américaines basées sur Beulah Land.

D'autres chansons canadiennes témoignent des événements remarquables de notre histoire. La Bataille des plaines d'Abraham est la source d'inspiration de la plus vieille ballade canadienne-anglaise connue, Brave Wolfe ou Bold Wolfe. La Guerre de 1812 a donné lieu à des chansons entraînantes comme Come All You Bold Canadians et The Chesapeake and the Shannon. D'autres encore rappellent les Rébellions de 1837-1838 et l'invasion des Fenians de 1866; à Terre-Neuve, la Confédération a inspiré quelques chansons anti-confédération.

Outre les chansons portant sur les travaux des colons et l'histoire, il existe divers comptes-rendus d'événements locaux : meurtres, désastres, célébrations et autres actualités. Des ballades traitent du meurtrier J.R. Birchall, de l'incendie de Miramichi, de l'explosion d'Halifax et des désastres miniers survenus à Springhill; par ailleurs, des chansonnettes comme The Kelligrews Soiree et The Feller from Fortune immortalisent les fêtes joyeuses de Terre-Neuve.

Caractéristiques remarquables

L'influence irlandaise est la caractéristique prédominante des chansons canadiennes-anglaises, manifeste non seulement à Terre-Neuve, mais également dans les Maritimes et en Ontario. Les ballades de marins aussi bien que les chansons de bûcherons empruntent toutes la formule du « come-all-ye » et presque toutes sont chantées sur des airs irlandais.

Jusqu'à tout récemment, les chanteurs du folklore traditionnel chantaient sans accompagnement; parfois, on recourait au turlutage pour accompagner les danses. Le violon est de loin l'instrument de musique folklorique le plus populaire, suivi de l'accordéon et de la flûte irlandaise. Les airs de violons les plus courants sont écossais ou irlandais, et certains ont été composés par des violoneux locaux.

Les collectionneurs canadiens-anglais ont manifesté beaucoup plus d'intérêt pour les chansons folkloriques que pour toute autre forme de folklore. Il existe au-delà de 20 recueils importants de chansons folkloriques alors que peu d'ouvrages sont consacrés à tout autre genre de folklore. Les premiers collectionneurs sont W. Roy Mackenzie en N.-É. et Elisabeth Greenleaf à Terre-Neuve, suivis de Helen Creighton et Kenneth Peacock. Edith Fowke a constitué une collection en Ontario et P.J. Thomas, en Colombie-Britannique. Un Américain, Edward D. Ives, a publié trois livres sur les chanteurs-compositeurs des Maritimes.