Nathan Philips, C.R., avocat, homme politique, maire de Toronto de 1955 à 1962 (né le 7 novembre 1892, à Brockville, en Ontario; décédé le 7 janvier 1976, à Toronto, en Ontario). Connu affectueusement comme « le maire de tout le peuple », Nathan Phillips a été le premier maire juif de Toronto. Son mandat a marqué un tournant dans l’histoire de la ville, dans un contexte où elle est passée d’une enclave protestante à une métropole multiculturelle. Il a joué un rôle important dans la démolition de vieux bâtiments et d’anciens quartiers pour créer un paysage urbain plus moderne. Il a également été une figure clé de la construction du nouvel hôtel de ville, à l’architecture innovante, le grand espace public à l’avant de l’édifice ayant été nommé place Nathan Phillips, en son honneur.
Jeunesse et famille
Nathan Phillips naît à Brockville, en Ontario, de Jacob Phillips et Mary Rosenbloom. Son père tient une petite entreprise de mercerie. Il grandit, avec son frère et ses quatre sœurs, à Cornwall, en Ontario, où la fratrie fréquente l’école publique élémentaire et différentes écoles secondaires.
À 10 ans, le jeune garçon décide qu’il deviendra avocat. Pendant deux ans, il occupe le poste de secrétaire de Robert Smith, un avocat de Cornwall qui sera ultérieurement nommé juge à la Cour suprême du Canada. Pour compléter l’aide financière fournie par un oncle en vue de payer son école de droit, le jeune homme lance une affaire de photographie, dans le cadre de laquelle il photographie des bébés, des mariages et d’autres sujets, développant lui‑même les photos. Tout au long de sa vie, la photographie restera l’un de ses passe‑temps.
Nathan Phillips obtient son diplôme à l’Osgoode Hall Law School de Toronto en 1913 et est admis au barreau ultérieurement cette même année. À 36 ans, en 1929, il est nommé Conseil du Roi, ce qui fait probablement de lui le plus jeune à avoir reçu ce titre dans l’histoire de l’Ontario et probablement même de l’ensemble du Commonwealth. Il assure la défense lors de plusieurs affaires, avant d’occuper les fonctions de procureur de la Couronne.
Nathan Phillips épouse Etta Lyons en 1917, le couple ayant trois enfants : Lewis, Madeline et Howard. Lewis décède tragiquement, à l’âge de 11 ans, après avoir été renversé par une automobile. Howard est conseiller municipal de la ville de Toronto, pour le quartier 3, de 1949 jusqu’à sa retraite en 1957. Avec son père, ils ont constitué le premier duo père‑fils à siéger au conseil municipal en même temps.
Entrée en politique
Lors des élections fédérales de 1935, Nathan Phillips se présente comme candidat du Parti conservateur dans la circonscription de Spadina à Toronto. Toutefois, il échoue dans ses tentatives, tout comme il échouera à se faire élire député provincial, dans la circonscription de St. Andrews, en 1937 et de nouveau en 1948.
Nathan Phillips connaît des succès électoraux beaucoup plus importants à l’échelon municipal. Le 1er janvier 1924, il gagne sa première élection au conseil municipal de Toronto, remportant l’un des trois sièges disponibles pour représenter le quartier 4 où vivent de nombreuses ethnies, avant d’être réélu 27 fois de suite.
En 1951 et en 1952, Nathan Phillips se présente, sans succès, au poste de maire de Toronto. Sa candidature s’avère controversée, car son élection ferait de lui le premier maire juif de la ville. Aussi bien dans le monde des affaires que dans celui de la politique, Toronto a longtemps été un bastion aux mains des protestants. Pendant les cent années qui précèdent la candidature de Nathan Phillips, tous les maires de Toronto ont été protestants et membres de l’Ordre d’Orange, une société fraternelle influente qui défendait les idéaux protestants britanniques.
En 1955, le maire sortant Leslie Saunders, également grand maître adjoint de l’Ordre d’Orange de l’Ontario, choisit de faire de la préservation du pouvoir protestant à Toronto un élément central de sa campagne de réélection, allant même jusqu’à établir un parallèle entre sa réélection et la bataille de la Boyne de 1690, qui avait opposé des protestants à un ennemi non protestant. Après avoir été informé de cette déclaration par un journaliste, Nathan Phillips décide de se lancer, une troisième fois, dans la course à la mairie.
Au bout du compte, la stratégie de Leslie Saunders va s’avérer en décalage avec la forte croissance d’une population multiculturelle à Toronto. La victoire de Nathan Phillips marque un tournant important dans l’histoire de la ville, dans un contexte où elle est en train de passer d’enclave protestante à métropole multiculturelle. Dans son discours de victoire, le nouveau maire déclare : « Je représenterai tout le peuple, et je parle ici de l’ensemble du peuple au sens le plus large, équitablement et sans discrimination. Je vais tout faire pour arracher l’intolérance à la racine, d’où qu’elle vienne. En langage clair, je vais essayer de me mettre à votre place, vous, l’ensemble des résidents de Toronto, et de refléter vos objectifs, vos idéaux, vos aspirations et vos ambitions. » À la suite de ce discours, le nouveau maire est désormais surnommé « le maire de tout le peuple ».
Mandat en tant que maire
Nathan Phillips est convaincu que le rôle du maire ne consiste pas seulement à promouvoir la ville, mais aussi à établir des objectifs stratégiques et à les atteindre en gagnant le soutien des conseillers et de la population. Il a un jour déclaré : « Il y a des gens qui sont plus qualifiés que moi pour régler les détails, et ils sont payés pour ça. La fonction du maire consiste à mettre en œuvre de vastes plans pour l’amélioration de cette grande ville qu’est Toronto. » Au cours de son mandat, il a notamment lancé la construction d’une ligne de métro est‑ouest, d’un nouvel auditorium civique (le centre O’Keefe, aujourd’hui Meridian Hall) et d’une nouvelle place publique.
En 1955, Nathan Phillips prend la tête d’une initiative pour faire approuver, par le conseil municipal, un plan d’inspiration moderniste pour la construction d’un nouvel hôtel de ville et d’une nouvelle place publique. En 1958, un concours international aboutit à l’acceptation d’un plan de l’architecte finlandais Viljo Revell. Le nouvel hôtel de ville serait composé de deux hautes tours concaves, avec l’une des plus grandes places publiques du Canada à l’avant.
Pour faire place au projet, les résidences et les commerces du quartier chinois The Ward sont expropriés par la Ville et démolis. Le 7 novembre 1961 – le jour de son 69e anniversaire – Nathan Phillips prend part à une cérémonie d’inauguration des travaux pour commencer la construction du nouvel hôtel de ville et de la place d’ores et déjà surnommée place Nathan Phillips.
Nathan Phillips est réélu maire à quatre reprises. Sa personnalité conviviale, son sens de l’humour enjoué et sa capacité étonnante à se souvenir des noms de chacun s’avèrent des qualités précieuses qui en font un personnage prisé un peu partout dans la ville. Etta, son épouse depuis près de 60 ans, et lui sont des habitués de manifestations et d’activités de toutes sortes. Fidèle à sa promesse, il promeut l’acceptation des différences ethniques, à mesure que Toronto se diversifie sur le plan racial.
Lors des élections municipales de 1962, Donald Summerville, conseiller municipal depuis 1955, est le principal adversaire de Nathan Phillips. Après avoir remporté la majorité des voix dans chaque quartier de la ville et avoir réussi à convaincre les électeurs que le temps du changement était venu, Donald Summerville devient maire de Toronto, mettant ainsi fin à la carrière politique de l’ancien maire.
Héritage
Après sa défaite, Nathan Phillips revient à sa pratique du droit, dans le cadre de laquelle la réforme du droit du divorce et le travail vers l’équité des genres constituent ses principales préoccupations. Même s’il n’occupe plus la fonction, de nombreuses personnes continuent à l’appeler « Monsieur le Maire ». Le 13 septembre 1965, Phillips est l’invité d’honneur à l’inauguration du nouvel hôtel de ville et des 4,85 ha de la place Nathan Phillips. Loué pour ses qualités de leadership et de visionnaire, il reçoit le prix civique du mérite du gouverneur général Georges Vanier.
Nathan Phillips décède d’une maladie cardiaque le 7 janvier 1976. Dans sa nécrologie, parue dans le Toronto Star, on peut notamment lire : « Pour d’innombrables nouveaux arrivants, il a fait de Toronto un endroit plus convivial et il leur a donné le sentiment d’être des citoyens et non des étrangers. Il y avait beaucoup de vrai dans le titre qu’il aimait à se donner de maire de tout le peuple. »