Malcolm Frederick Norris, leader métis (né le 25 mai 1900 à St. Albert, aux Territoires du Nord-Ouest [aujourd’hui l’Alberta]; décédé le 5 décembre 1967 à Calgary, en Alberta). Activiste inépuisable, Malcolm Frederick Norris milite pour les peuples autochtones sur plusieurs fronts, allant des discussions avec le gouvernement fédéral à propos d’enjeux touchant les Autochtones à la recherche de solutions pour les problèmes touchant principalement les communautés métisses du Canada. Inscrit dans les mémoires comme un brillant orateur à la fois en anglais et en cri, il est un acteur important de l’Association des Métis d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, de l’Indian Association of Alberta (Association des Indiens de l’Alberta) et de la Métis Association of Saskatchewan (Association des Métis de la Saskatchewan). Il est également reconnu comme étant l’un des plus importants et charismatiques leaders métis du 20e siècle.
Jeunesse
Malcolm Frederick Norris naît en 1900 dans une famille riche d’Edmonton, en Alberta. Son père, John Norris, est un colon écossais ayant bâti sa fortune grâce à la traite de fourrures. Sa mère, Euphrosine Plante, est une femme métisse de St. Albert, en Alberta. Il s’agit d’une troisième union pour John Norris, et la fusion des familles se fait difficilement : les enfants des mariages précédents vivent dans une autre maison et sont ouvertement hostiles envers leur nouvelle belle-mère et ses enfants.
Malcolm Frederick Norris grandit à St. Albert et reçoit une éducation catholique. Bon élève, il apprend à maîtriser l’anglais, le français et le cri. Le jeune homme espère poursuivre ses études à l’université, mais le décès de son père le prive des fonds nécessaires pour y parvenir. Il se tourne donc vers le domaine agricole.
Service militaire
À 18 ans, Malcolm Frederick Norris abandonne l’agriculture et se joint à l’armée à la fin d’août 1918, soit moins de deux mois avant la fin de la Première Guerre mondiale. Après son entraînement à Regina, en Saskatchewan, il fait un service militaire de la fin août à la mi-décembre 1918 en tant que membre de la Police à cheval du Nord-Ouest, dans la cavalerie sibérienne. Cette unité est formée dans le but de se rendre outremer pour combattre dans la guerre civile russe. Le jeune soldat reçoit cependant son congé en raison de la démobilisation découlant de la fin de la guerre et n’est donc jamais en service actif.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Malcolm Frederick Norris se joint à l’Aviation royale canadienne. Malgré son service qui dure de 1940 à 1945, il ne se rend jamais outremer et demeure en Ontario et en Alberta, à Calgary. Son fils Russell se joint lui aussi à l’armée pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais perd la vie en 1944 en Normandie, en France, alors qu’il n’a que 20 ans. Un autre de ses fils, Arnold William (surnommé « Willy »), s’enrôle également dans l’armée et passe un certain temps dans un camp de prisonniers de guerre.
Vie et travail dans le nord de l’Alberta
En 1919, Malcolm Frederick Norris commence à travailler pour la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) à Fort Vermilion, au nord de l’Alberta. Cependant, le monopole de la compagnie et les politiques de prix des fourrures parfois inéquitables pour les Autochtones le lassent et le mènent à quitter l’entreprise. Il se dirige ensuite vers la rivière Little Red en 1921, où il devient assistant du maître de poste et travaille comme trappeur de fourrures non loin de Camsell Portage.
Jusqu’en 1930, Malcolm Frederick Norris travaille comme trappeur et commerçant à son propre poste de traite, mis sur pied en 1923. Il déménage ensuite avec sa famille à Edmonton, pour l’éducation de ses enfants. Entre 1928 et 1930, l’homme devient prospecteur. Alors qu’il travaille au nord de l’Alberta, il remarque les mauvaises conditions de vie des Métis et des autres peuples autochtones, ce qui le mène à chercher à changer le contexte social et économique de ces communautés.
Activisme politique en Alberta
Dans les années 1920, à l’instar de son ami métis et collègue activiste Jim Brady, Malcolm Frederick Norris devient un enthousiaste du marxisme et de la social-démocratie. Il s’implique alors activement au sein du Parti communiste.
Se présentant souvent avec le surnom de « Redskin Norris », le militant fait du lobbyisme pour les droits des Métis et l’égalité sociale. En 1932, avec les leaders métis Jim Brady, Peter Tomkins, Felix Callihoo et Joseph Francis Dion (connus ensemble sous le nom « the big five » [les cinq grands]), Malcolm Frederick Norris contribue à la formation de l’Association des Métis d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui nommée Métis Nation of Alberta). Il occupe alors le premier poste de vice-président de l’organisation, qui fait du lobbyisme au gouvernement provincial pour améliorer les conditions sociales et économiques des Métis et des Indiens non inscrits. (Voir aussi Indien.)
L’important lobbyisme mené par Malcolm Frederick Norris et ses confrères débouche sur la création de la commission d’enquête provinciale Ewing en 1934. Après plusieurs témoignages, des recommandations sont émises à propos de la pauvreté, des problèmes de santé et du manque d’éducation des Métis de la province. Réputé pour son esprit vif, sa langue bien pendue et ses discours vibrants et passionnés, l’activiste agit à titre de porte-parole des leaders métis lors des procédures. L’Association des Métis d’Alberta cherche à obtenir l’autonomie pour ceux qu’elle représente et à établir une coopération avec le gouvernement provincial. La commission, cependant, ne considère pas les Métis comme des partenaires, affirmant qu’« il est tout à fait vrai que ces personnes sont comme des enfants, sans défense et irresponsables ». En effet, Malcolm Frederick Norris est confronté à beaucoup de racisme lors de ses interactions avec la commission.
En 1938, à la suite des recommandations de la commission Ewing, le gouvernement de l’Alberta adopte la Métis Betterment Act (Loi sur l’amélioration des conditions des Métis). Il s’agit de la première loi canadienne s’appliquant spécifiquement aux Métis. Celle-ci confère aux peuples métis de l’Alberta des colonies rurales (des terres sur lesquelles vivre) et des programmes de service social. Cependant, Malcolm Frederick Norris est irrité du fait que les Métis ont très peu de contrôle sur leurs terres et qu’ils ne reçoivent aucun bénéfice direct des ressources exploitées par le gouvernement, telles que le poisson, la fourrure et le bois. Parmi les 12 colonies créées dans le cadre de la loi, huit existent toujours. Le degré d’autonomie gouvernementale de ces régions est aujourd’hui amélioré grâce à l’adoption de certaines lois depuis les années 1990.
En plus de sa contribution à l’Association des Métis d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, Malcolm Frederick Norris participe à l’Indian Association of Alberta (IAA), un organisme militant pour les droits des Premières Nations fondé en 1939 par John Callihoo et John Laurie. L’IAA et d’autres organisations font du lobbyisme pour modifier la Loi sur les Indiens et pour améliorer les conditions sociales et de vie des peuples autochtones. Le rôle que joue l’activiste est alors d’offrir des conseils organisationnels aux dirigeants de l’IAA dans les années 1930 et 1940. Surnommé le « vieil avocat » par certains chefs, il aide également à améliorer les droits conférés aux Indiens de l’Alberta visés par un traité. (Voir aussi Traités autochtones au Canada et Indien.)
Activisme politique en Saskatchewan
Après son service lors de la Deuxième Guerre mondiale, Malcolm Frederick Norris ne s’installe pas dans les colonies métisses albertaines qu’il a aidé à mettre sur pied. Il est irrité de l’intervention du gouvernement provincial dans les affaires métisses. Il décide plutôt, à l’instar de Jim Brady, de s’installer au nord de la Saskatchewan, plaçant son espoir en la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), ayant pris le pouvoir dans cette province en 1944. Ayant développé des liens d’amitié en Alberta, les deux hommes espèrent organiser le mouvement métis en Saskatchewan.
Malcolm Frederick Norris travaille pour le ministère des Ressources naturelles du gouvernement de la CCF. Dans ce poste, il instaure un plan de subvention pour les prospecteurs, ce qui permet à plusieurs Autochtones de recevoir une formation en prospection. Dès 1944, il conseille également la CCF sur des sujets en lien avec les peuples autochtones de la province.
De la fin des années 1940 aux années 1960, Malcolm Frederick Norris cherche à unifier les deux organisations métisses rivales de la province : la Métis Association of Northern Saskatchewan, qu’il dirige en 1964, et la Saskatchewan Métis Society, qui œuvre au sud. Pendant ce temps, il participe à des rencontres avec plusieurs chefs pour les aider à s’organiser.
Avec Jim Brady, Malcom Frederick Norris contribue à la formation de la Métis Association of Saskatchewan. Les deux activistes visent alors le même objectif, soit l’indépendance économique totale des peuples autochtones dans le nord de la Saskatchewan. Tous deux aspirent à se défaire de la dépendance envers le gouvernement, à contrôler les ressources naturelles du nord et à obtenir des revenus à la suite de développements futurs. Malcolm Frederick Norris espère en plus réussir à former une nation métisse indépendante en Saskatchewan.
En janvier 1965, le militant est forcé par le gouvernement provincial libéral de se retirer de la fonction publique. Il devient alors directeur administratif de l’Indian/Métis Friendship Council, un centre d’amitié. Il donne cependant sa démission en juin 1966, lorsque le gouvernement libéral menace de limiter le financement public de l’organisme s’il ne quitte pas ses fonctions. Le gouvernement justifie ses actions en avançant que les opinions politiques de l’homme sont une distraction pour less visées de service social du centre.
Malgré une santé de plus en plus précaire (il souffre d’une première crise cardiaque en 1956 puis d’un AVC et d’une autre crise cardiaque en 1966), Malcolm Frederick Norris demeure actif dans la vie politique et communautaire des Métis. Il continue également d’assister aux rencontres de la Métis Association, même lorsque, plus tard, il est confiné à un fauteuil roulant.
LE SAVIEZ-VOUS?
Lors d’une cérémonie en juillet 1962, Malcolm Frederick Norris prononce un discours au nom des peuples métis de la province à Batoche, en Saskatchewan, là où les Métis ont commémoré leur dernière bataille militaire contre l’armée fédérale en 1885. (Voir aussi Rébellion du Nord-Ouest.) L’activiste cherche à redéfinir la perception qu’a le Canada des célèbres leaders métis Louis Riel et Gabriel Dumont, considérés comme des rebelles dangereux. Il conclut son discours avec ces propos : « Le Canada est aujourd’hui une grande nation, mais il m’est important de vous rappeler que les conditions de mon peuple et des Indiens du Canada sont une tache sur l’image de notre pays. Si le Canada désire continuer de réaliser des progrès dans les années qui vont suivre, il est impératif pour les Canadiens et leurs gouvernements d’effacer cette tache. »
Décès et héritage
En 1967, Malcolm Frederick Norris retourne à Calgary, en Alberta. Il est alors atteint d’un autre AVC auquel il ne survit pas. Il est aujourd’hui surtout connu pour son dévouement envers les organisations métisses. Organisateur politique doué, l’homme s’est impliqué dans de nombreuses organisations politiques autochtones de l’Alberta et de la Saskatchewan pendant plus de 30 ans. Il reste également dans les mémoires en tant qu’orateur puissant et passionné ayant toujours affirmé ses opinions lors de débats et de réunions politiques.
En septembre 1975, un événement commémoratif pour Malcolm Frederick Norris est tenu à l’Indian-Métis Friendship Centre, à Prince Albert, en Saskatchewan. (Voir aussi Centre d’amitié.) Frank Tomkins, fils de son ami et collègue activiste Peter Tomkins, est accueilli par des applaudissements lorsqu’il déclare que « Malcolm Norris a laissé une trace indélébile qui traversera les époques ».