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Oronhyatekha

Oronhyatekha (prononciation O-RON-ya-dé-ga, ce qui signifie « ciel enflammé » ou « nuage ardent »), également connu sous le nom de Peter Martin, médecin et homme d’affaires kanyen’kehà:ka (mohawk) (né le 10 août 1841 sur la réserve des Six-Nations de la rivière Grand, près de Brantford, au Canada-Ouest [aujourd’hui l’Ontario]; décédé le 3 mars 1907 à Savannah, dans l’État de Géorgie, aux États-Unis). En 1867, Oronhyatekha est devenu la deuxième personne autochtone à obtenir un diplôme de médecine au Canada. Ardent défenseur des intérêts autochtones, il a été élu au Grand Conseil général des Indiens de l’Ontario et du Québec en 1872, où il a lutté contre les mesures restrictives de la Loi sur les Indiens. Oronhyatekha était également un homme d’affaires; en 1881, il était à la tête de l’Ordre indépendant des Forestiers.

Dr. Oronhyatekha

Oronhyatekha dans son bureau à l’édifice Temple des Forestiers. 

(Avec la permission de The Independent Forester vol. 19, n° 3 (15 septembre 1898) : 77.)

Dr. Oronhyatekha

Oronhyatekha obtient son diplôme de médecine à l’École de médecine de Toronto en 1867. 

(Avec la permission du fonds familial d’Elijah Leonard, albums de la famille Leonard, B4880, AFC 64, Archives et collections spéciales, Western Libraries, Université Western, London, Canada.)

Dr. Oronhyatekha

Le Dr Oronhyatekha, médecin, universitaire et homme d’affaires kanyen’kehà:ka (mohawk).

(Avec la permission du Woodland Cultural Centre)

Jeunesse

Oronhyatekha est le sixième fils de Lydia Loft et de Peter Martin père. Bien qu’on ignore le nombre exact, on dit qu’il aurait eu jusqu’à 17 frères et sœurs. Sa troisième cousine est la célèbre poète et interprète E. Pauline Johnson.

Formation

Enfant, Oronhyatekha fréquente l’école Martin’s Corner et plus tard, l’Institut Mohawk, un pensionnat où il suit une formation de cordonnier. La New England Company (NEC), la division missionnaire de l’Église anglicane, exploite les deux établissements. De 1854 à 1856, Oronhyatekha fréquente la Wesleyan Academy à Wilbraham, dans le Massachusetts, avant de retourner enseigner à la réserve. En 1857, il étudie à Milnor Hall, l’école préparatoire du Kenyon College dans l’Ohio, puis s’inscrit à Kenyon l’année suivante. L’argent pose un problème : le NEC finance partiellement ses études, mais Oronhyatekha se voit forcé de quitter Kenyon au bout de seulement deux ans de collège. Il revient au Canada pour enseigner sur le territoire mohawk de Tyendinaga, une réserve non loin de Belleville, en Ontario.

En 1860, le conseil des Six-Nations de la rivière Grand demande à Oronhyatekha de présenter un discours de bienvenue au prince de Galles, qui est alors en tournée au Canada. Henry Acland, médecin personnel du prince, se lie d’amitié avec le jeune Oronhyatekha. Tous deux s’intéressant à la médecine, Henry Acland lui propose de fréquenter l’Université d’Oxford en Angleterre, où il enseigne. En 1862, Oronhyatekha s’inscrit à Oxford, mais le missionnaire de la NEC à la rivière Grand fait obstacle à ses plans. Oronhyatekha reprend son poste d’enseignant à Tyendinaga après quelques mois seulement.

En 1863, Oronhyatekha intègre le programme de baccalauréat en médecine de l’École de médecine de Toronto (TSM) grâce à un financement partiel du NEC. En 1866, il s’inscrit au programme de doctorat en médecine de la TSM, et devient l’année suivante la deuxième personne autochtone à obtenir un diplôme de médecine au Canada.

Queen’s Own Rifles

Pendant ses études à Toronto, Oronhyatekha rejoint les University Rifles, la 9e compagnie de l’unité de milice Queen’s Own Rifles (QOR). La 9e compagnie participe à la bataille de Ridgeway qui survient pendant les raids fenians de 1866, au cours desquels des insurgés irlandais-américains envahissent le Canada depuis les États-Unis. En tant que membre des QOR, Oronhyatekha prend part à de nombreuses compétitions de tir au fusil, un passe-temps populaire. En 1871, il remporte même plusieurs prix lors du match de Wimbledon en Angleterre à titre de membre de la première équipe nationale canadienne.

Famille

En 1863, Oronhyatekha épouse Ellen Hill (1843-1901) de Tyendinaga, qu’il a rencontrée lorsqu’il était enseignant. De cette union naîtront six enfants : Catherine Evangeline Karakwineh (1864-1939), William Acland Heywood (1869-1907), Henry Wentworth Herbert (1871-1881), Albert Edward (1873), Annie Edith (1874-1876) et John Alexander Herbert (1882-1884). 

Carrière médicale

Le Dr Oronhyatekha exerce d’abord la médecine à Frankford (près de Belleville), puis à Stratford, à Napanee, à Buffalo (dans l’État de New York), à London et enfin, à Toronto. Pendant son séjour à Napanee, le ministère des Affaires indiennes le nomme médecin de Tyendinaga. Lorsqu’il déménage à London, le ministère nomme le Dr Oronhyatekha médecin des Oneidas de la réserve de Thames.

Ordre indépendant des Forestiers

En 1878, le Dr Oronhyatekha rejoint une filiale de London de l’Ordre indépendant des Forestiers (OIF), une société fraternelle internationale qui offre une assurance à ses membres. Il gravit rapidement les échelons, si bien qu’en 1881, il en devient le garde forestier en chef. En 1889, le Dr Oronhyatekha déménage le siège de l’OIF de London à Toronto et construit pour l’organisation un nouvel édifice, l’immeuble Temple. À son inauguration en 1897, le Temple s’élève sur dix étages avec une tour centrale supplémentaire de deux étages. C’est la plus haute structure de l’Empire britannique à l’époque.

Les salles historiques et la bibliothèque d’Oronhyatekha sont inaugurées au Temple en 1902. Parmi plus de 2 000 artefacts, on y retrouve des spécimens d’histoire naturelle, des objets culturels du monde entier, des objets fabriqués par les Autochtones et des pièces liées au développement de l’OIF. Le Dr Oronhyatekha écrit également en 1894 l’ouvrage History of the Independent Order of Foresters.

La famille de son épouse possède l’île Captain John au large des côtes de Tyendinaga, qu’il renomme île Foresters dans les années 1890. Il y érige deux maisons, connues sous les noms de « Wigwam » et « Sherwood Forest Castle », ainsi que des chalets, un hôtel, une salle à manger, un kiosque à musique et un quai. Avec l’expansion de l’OIF, l’organisation offre dorénavant ses prestations d’assurance aux personnes de tous âges. En 1903, le Dr Oronhyatekha entame la construction d’un orphelinat sur l’île pour les enfants des membres décédés de l’OIF. Il souhaite faire du château une résidence pour les membres retraités.

Sous la direction du Dr Oronhyatekha, l’OIF, comptant au départ moins de 400 membres et étant acculée à la faillite, se transforme en une organisation de plus de 250 000 membres dotée d’un fonds d’assurance de plus de 10 millions de dollars. L’homme met également sur pied des sociétés des Forestiers au Royaume-Uni, en Europe, en Australie et en Inde. Son grand succès est remis en question par la Commission royale d’enquête sur l’assurance-vie de 1906-1907, qui examine les pratiques des organismes d’assurance commerciale et fraternelle au Canada. Les commissaires, concluant que les compagnies d’assurance fraternelles ne facturent pas suffisamment de frais pour pouvoir répondre aux demandes lorsque les membres prennent leur retraite ou décèdent, élaborent une nouvelle loi sur l’assurance pour réglementer le secteur.

Activités militantes et engagement communautaire

Le Dr Oronhyatekha rejoint de nombreuses organisations fraternelles, dont l’Ordre d’Orange, les francs-maçons et l’Ordre indépendant des bons templiers, dont il devient finalement le Grand Templier digne de confiance, à la tête de l’organisation, en 1891.

Le Dr Oronhyatekha est un ardent défenseur de la tempérance. Il rejoint les rangs de l’American National Temperance Society et de la Canada Temperance Union, et fait pression pour la prohibition de l’alcool.

Le Grand Conseil général des Indiens de l’Ontario et du Québec nomme le Dr Oronhyatekha à sa présidence en 1872. Ce groupe s’oppose à la Loi sur les Indiens, de plus en plus restrictive, qui régit les peuples autochtones au Canada. En 1885, il exerce des pressions pour que soit soutenu l’Acte du cens électoral proposé par le premier ministre John A. Macdonald, prévoyant le droit de vote pour certains peuples autochtones. (Voir aussi Droit de vote des peuples autochtones.)

Le Dr Oronhyatekha, garde forestier en chef de l’OIF qui croit en l’égalité des sexes, étend l’adhésion de son organisation aux femmes malgré une forte opposition interne.

Décès

Le Dr Oronhyatekha est malade pendant les audiences de la Commission royale d’enquête sur l’assurance-vie de 1906-1907; des complications du diabète lui font depuis longtemps la vie dure. Il conclut son témoignage, puis se rend à Savannah, en Géorgie, pour se reposer. Il y meurt d’une crise cardiaque le 3 mars 1907. Les funérailles du Dr Oronhyatekha ont lieu au Massey Hall de Toronto, où environ 10 000 personnes lui rendent hommage.

Héritage

La vie et l’œuvre du Dr Oronhyatekha ont été commémorées par diverses institutions et organisations publiques. En 1957, la Commission des sites archéologiques et historiques de l’Ontario (aujourd’hui la Fiducie du patrimoine ontarien) érige une plaque près de la tombe de la famille Oronhyatekha à Tyendinaga. À proximité se trouve une autre plaque, celle-là mise en place par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (CLMHC) en 2005. La CLMHC reconnaît également le Dr Oronhyatekha comme personne d’importance historique nationale. Le Toronto Historical Board (aujourd’hui Heritage Toronto) rend hommage au Dr Oronhyatekha en installant une plaque en son honneur aux Allan Gardens en 1995.

Les artefacts du musée de l’OIF se trouvent aujourd’hui au siège de la Financière Foresters à Toronto, ainsi qu’au Musée royal de l’Ontario (ROM), qui accepte une partie de la collection en 1911. En 2001, le ROM et le Woodland Cultural Centre lancent une grande exposition sur le Dr Oronhyatekha, intitulée Mohawk Ideals, Victorian Values: Oronhyatekha, M.D.

Collection des peuples autochtones

Guide pédagogique perspectives autochtones