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Traités Pennefather

Durant l’été 1859, le surintendant général des Affaires indiennes Richard T. Pennefather a signé trois traités distincts mais essentiellement identiques avec la Première Nation de Batchewana (Traité 91[A]), la Première Nation de Garden River (Traité 91[B]) et la Première Nation de Thessalon (Traité 91[C]). Les trois traités font partie d’une série de cessions territoriales qui ont lieu après les traités Robinson de 1850. Les traités Pennefather ont ouvert des acres supplémentaires à la colonisation et à l’exploitation des ressources. (Voir aussi Traités avec les peuples autochtones au Canada.)


Le chef Nebenaigoching (Nabunagoging), apparaissant au centre, est un des signataires des traités Pennefather.

(avec la permission de London Illustrated News, 15 septembre 1849.)


Contexte historique

Trois ans après la signature des Traités Robinson de 1850, le ministère des Affaires indiennes, cédant aux instances de colons, commence à exercer des pressions sur plusieurs Premières Nations de la région de Sault SteMarie, dans l’Ontario actuel, pour qu’elles cèdent l’ensemble ou une partie importante de leurs réserves afin de permettre le développement, l’extraction des ressources et la colonisation. Ainsi, l’agent des Indiens John William Keating et l’agent des terres de la Couronne Joseph Wilson veulent couper du bois dans la réserve de Garden River pour leur bénéfice personnel. Cependant, les chefs Ogista et Buhkwujjenene résistent à leurs tentatives tout au long des années 1850.

William Palmer, un résident de Sault Ste Marie, invoque que les réserves sur la côte nord du Lac Huron présentent « une terrible nuisance et un inconvénient régulier pour la colonisation du pays », en particulier la gigantesque réserve de Batchewana. Tout en demandant la cession des réserves, il note qu’on devrait tout au moins obtenir les baies et les bouches des rivières. L’objectif de cette requête est d’accéder à l’intérieur des terres pour pratiquer l’exploitation forestière. William Palmer adresse sa plainte par écrit à la Commission Pennefather (1856-1858), mise sur pied par la Couronne britannique afin de déterminer « les meilleurs moyens d’assurer les progrès futurs de la civilisation » pour les peuples autochtones du Canada et pour trouver « le meilleur moyen d’administrer la propriété indienne, afin d’en assurer le bénéfice complet pour les Indiens sans entraver la colonisation du pays ».

Une autre question soulevée devant Richard Pennefather est celle des intérêts miniers. Avant les traités Robinson de 1850, la Province du Canada a émis des concessions et des baux miniers qui n’ont pas trouvé preneur. Le département des Terres de la Couronne commence à faire pression sur le département des Affaires indiennes afin qu’il permette la vente de sites miniers dans les réserves. Le département des Terres de la Couronne soutient que des extensions devraient être obtenues pour compléter les ventes. Toutefois, les Premières Nations concernées demandent que le produit des ventes non complétées soit déposé dans leur compte et que les concessions minières soient restituées à leurs réserves respectives. Bien que Richard Pennefather semble reconnaître qu’une extension serait une violation des modalités des traités Robinson de 1850, il n’en promet pas moins d’obtenir des cessions.

Afin d’accroître la pression sur les communautés des réserves pour qu’elles cèdent plus de concessions et acceptent la vente de concessions minières, Richard Pennefather décide en juin 1858 que les annuités ne seront plus utilisées pour payer l’éducation, les traitements médicaux et d’autres services. Pendant ce temps, l’agent des Terres de la Couronne Joseph Wilson empêche les Anichinabés de la région de Sault Ste Marie de bûcher et confisque le bois récolté en 1857. L’interdiction de vendre du bois pour les Premières Nations de Garden River et de Batchewana entraîne un surcroît de famine durant l’automne et l’hiver de 1857-1858.

Le département des Affaires indiennes souhaite négocier un traité qui centraliserait les bandes. Ceci permettrait de réduire les coûts et de concentrer les efforts de « civilisation » en libérant des dizaines de milliers d’acres pour la colonisation et l’exploitation des ressources. Richard Pennefather soutient même que si les bandes refusent de coopérer et de céder leurs réserves, le département des Affaires indiennes exproprierait tout simplement leurs terres. Selon l’historien James Morrison, Richard Pennefather et le département des Affaires indiennes renouent essentiellement avec les mesures de suppression entreprises par sirFrancis Bond Head dans les années 1830.

Négociations et modalités des traités

Richard Pennefather arrive à Sault SteMarie en 1859 pour négocier des cessions. Des promesses sont faites afin de protéger les pêcheries et l’exploitation forestière, et afin de régler la question des ventes de concessions minières non complétées. Sur la base de ces promesses et d’autres modalités, les Premières Nations suivantes signent les traités, sur une période de trois jours: Batchewana (9 juin), Garden River (10 juin) et Thessalon (11 juin).

Selon les modalités des traités, les bandes doivent recevoir un paiement immédiat. Les Premières Nations de Garden River et Batchewana reçoivent chacune 1200$, tandis que celle de Thessalon reçoit 500$. Le traité avec la Première Nation de Thessalon entraîne la cession de toute la réserve créée en 1850. Batchewana cède l’ensemble de sa réserve de 1850 sauf l’île Whitefish, où se trouve une importante pêcherie. Garden River cède 75 % de ses 130 000acres, ce qui permettra la création des cantons de Laird, Macdonald, Meredith, Kehoe et Duncan.

En outre, chaque famille de ces bandes pourra acheter 80 acres des terres cédées à un prix établi par la Province du Canada. Toutes les familles de la réserve se verront ensuite allouer 40 acres. Les terres cédées « devront être vendues à notre bénéfice, et les intérêts dérivés de l’investissement du produit des ventes seront divisés annuellement entre nous ».

Les traités Pennefather de 1859 ne révoquent pas les traités Robinson de1850; par exemple, les Anishinabés demeurent libre de chasser et pêcher sur les Terres de la Couronne et continuent à recevoir leurs annuités de 1850. Les traités de 1859 ne fusionnent pas non plus les bandes, laissant à chacune son chef et son conseil.

Héritage et signification

Les promesses liées aux cessions de 1859 ne seront jamais honorées. L’inspecteur provincial des pêcheries William Gibbard trahit sa promesse de protéger les pêcheries de Thessalon en les cédant à des intérêts américains. L’attribution de 40 acres promise ne se concrétise jamais. Elle ne l’est pas avant que la demande d’une compagnie forestière ne contraigne le département des Affaires indiennes à arpenter le comté de Shinguicouse en 1866. L’île Whitefish, mise en réserve en 1859, est confisquée en 1898 par l’Acte des chemins de fer.

Les traités Pennefather de 1859 ont entraîné un bon nombre de revendications territoriales historiques et contemporaines. La Première Nation de Thessalon conteste la légitimité de l’ensemble du traité. Peu après la signature, des pétitions indiquent que la communauté n’était pas au courant qu’elle avait accepté de céder l’ensemble de la réserve. Il apparaît que seuls quelques membres de la communauté ont accepté de déménager à Garden River, comme en témoigne le fait que beaucoup résident encore à Thessalon Point. La Première Nation de Batchewana a négocié avec succès le retour de l’île Whitefish en 1992 et fait actuellement des recherches sur la cession de l’ensemble de sa réserve en 1859. En 1994, la Première Nation de Garden River a négocié la récupération de terres non vendues et non concédées qui avaient été cédées pour être vendues en 1859. En 2019, la Première Nation de Garden River a abordé la possibilité d'intenter une poursuite Pennefather contre la province de l’Ontario, concernant toutes les terres cédées et le non-respect des modalités verbales et écrites du traité. Les trois communautés soutiennent que les modalités spécifiques des traités Pennefather de 1859 n’ont jamais été respectées et que les fonds générés par la vente des terres n’ont jamais été correctement administrés.

Les cessions de terres ont aussi eu un impact pour les communautés métisses installées sur les terres des réserves cédées. Les terres de la communauté métisse de Goulais Bay étaient désormais sujettes à être vendues à de nouveaux arrivants. Bien que les Métis pouvaient racheter leurs terres en vertu des traités de 1859, beaucoup de familles métisses ont plutôt choisi de se joindre aux Premières Nations de Garden River et Batchewana. Les revendications des Métis relatives aux traités de 1859 sont toujours en suspens.

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