Il collabore avec Jim Brady et Malcolm Norris pour fonder en 1932 la Métis Association of Alberta (aujourd’hui, la Métis Nation of Alberta) et, en 1939, la Indian Association of Alberta. De par son travail en soins de santé et auprès des établissements métis, Peter Tomkins encourage l’amélioration des conditions de vie pour les Métis d’Alberta et de Saskatchewan. Ses talents de diplomate, de lobbyiste et de négociateur lui permettent de faire adopter en 1938 la première loi se rapportant spécifiquement aux Métis au Canada.
Jeunesse et éducation
Peter Tomkins Jr. voit le jour dans la réserve Poundmaker en Saskatchewan. Ses parents sont Peter Tomkins Sr. (1865-1941) et son épouse crie Marie Essawakapiw (nom signifiant «Crevasse dans l’herbe»). Au cours de la Rébellion du Nord-Ouest de 1885, Louis Riel fait emprisonner Peter Tomkins Sr., déboiseur de sentiers pour la mise en place de lignes télégraphiques, pour avoir réparé des lignes coupées par les Métis. L’homme demeure toutefois en faveur des efforts de Louis Riel pour défendre la cause des Métis, et sensibilise son fils à des événements comme la résistance de 1885 à Batoche (voir Bataille de Batoche et Rébellion du Nord-Ouest).Peter Tomkins Sr. travaille comme instructeur agricole et agent de terres au Département des Indiens (voir Ministères fédéraux des affaires autochtones et du Nord) dans la région de Grande Prairie de 1907 à 1911; il contribue alors à la construction du premier hôpital à Grouard, en Alberta. Sa femme est la plus jeune de toute la réserve de Pitikwahanapiwiyin (Poundmaker). Les parents de Peter Tomkins se font un devoir d’enseigner le cri à leurs enfants, et Peter Tomkins le parle couramment. En fait, certaines sources laissent même entendre que c’est la langue qu’il utilise le plus souvent à l’enfance.
Peter Tomkins Jr. grandit dans des réserves comme Saddle Lake, Sweetgrass et One Arrow, où son père travaille. Il fait ses années de scolarité à Winnipeg, au Manitoba.
Vie personnelle
De retour à Grouard, en Alberta, Peter Tomkins ouvre une forge. Il épouse Isabella Andrews, une femme métisse de la région de Grouard. Le couple a dix enfants et trois enfants issus d’une autre union.
Activisme politique
Durant les années 1930, Peter Tomkins rencontre fréquemment Joe Dion, leader, organisateur et enseignant métis, avec qui il discute des conditions de vie des Métis de l’Alberta. Excellent diplomate, organisateur et négociateur, Peter Tomkins se lie d’amitié avec Malcolm Norris, Jim Brady et Felix Callihoo, leaders et militants métis. Très habile également en tant que lobbyiste pour les soins de santé, l’homme apporte un secours vital à de nombreux membres de la communauté métisse de Grouard en convainquant des médecins de leur rendre visite.
Avec le soutien de Felix Callihoo, Jim Brady, Joe Dion et Malcolm Norris, Peter Tomkins met sur pied l’Association des Métis d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest en 1932 (aujourd’hui, la Métis Nation of Alberta). Les hommes souhaitent ainsi protéger les droits fonciers des Métis en Alberta, tout en améliorant leur statut socioéconomique.
Cédant aux pressions exercées par le groupe, le gouvernement provincial met sur pied la Commission Ewing, chargée d’enquêter sur les conditions de vie des Métis de l’Alberta. Peter Tomkins, Jim Brady et Malcolm Norris, à titre de négociateurs, soutiennent que les Métis détiennent des droits inhérents à la terre, aux ressources, à l’éducation et aux soins de santé. À cette époque, Peter Tomkins assure également la liaison avec le Dr Wallace Cross, ministre de la Santé de l’Alberta, afin de mener des études gouvernementales sur les préoccupations de santé des Métis.
Le rapport final de la Commission, produit en 1936, débouche sur l’adoption, deux ans plus tard, de la Metis Population Betterment Act (loi sur l’amélioration des conditions de vie des Métis) en Alberta. Ses compétences diplomatiques valent à Peter Tomkins d’être sélectionné pour la rédaction de cette première loi se rapportant spécifiquement aux Métis au Canada. Cette loi donne aux Métis de l’Alberta des programmes d’assistance sociale et des lopins de terre, ce qui mène à la formation par décret de 12«colonies» ou établissements métis entre 1938 et 1941.
Le premier conseil exécutif de l’Association des Métis d’Alberta. En arrière de gauche à droite: Peter Tomkins (vice-président), Felix Callihoo (vice-président); En avant de gauche à droite: Malcom Norris (vice-président), Joseph Dion (président), James Brady (secrétaire-trésorier). Permission Glenbow Archives PA-2218-109.
Rôle dans les établissements métis
Peter Tomkins devient superviseur des établissements métis (aux côtés de Joe Dion) avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale en 1939; ses attentes à leur égard sont élevées. Lorsqu’il se rend dans les établissements, il demande aux résidents les emplacements qu’ils préfèrent et veille à ce que les Métis, et non le gouvernement, choisissent les sites. Peter Tomkins et son frère cèdent leurs terres à l’établissement métis Elizabeth, bien que Peter Tomkins lui-même n’y vivra jamais.
Au bout d’un certain temps, un nouveau superviseur non métis est embauché pour remplacer Peter Tomkins. L’absence de ses cinq fils à cette époque, enrôlés dans l’armée, se fait sentir du point de vue économique. À la même époque, Jim Brady et Malcolm Norris sont eux aussi dans l’armée, ce qui fait de Peter Tomkins le seul cofondateur de la Métis Association toujours en Alberta.
Après la guerre, le gouvernement voit aux affaires quotidiennes et à la gestion des établissements, avec peu d’intervention de la part des Métis. Socialiste convaincu, Peter Tomkins trouve difficile de rallier sa communauté et s’éloigne graduellement de la vie politique métisse.
Le saviez-vous?
Le fils de Peter Tomkins, Charles (Checker) Tomkins (né à Grouard, en Alberta, en 1918) est au nombre des transmetteurs en code secret (voir Transmetteurs en code cri) engagés pour décoder des messages pendant la Deuxième Guerre mondiale. Affecté à la US8th Air Force et à la 9th Bomber Command en Angleterre, Charles Tomkins traduit des messages militaires secrets de l’anglais à la langue crie afin de rendre le contenu inintelligible à l’ennemi. Ses camarades et lui sont reconnus pour avoir aidé les Alliés à gagner la guerre. Charles Tomkins figure dans un court documentaire produit en 2016, intitulé Cree Code Talker.
Implication au sein de la CCF
Déçu des établissements métis et de la stagnation de la Métis Association, Peter Tomkins se tourne vers un nouvel objectif organisationnel: la commercialisation du poisson et de la fourrure, et la mise en place de mouvements coopératifs dans le nord de l’Alberta et de la Saskatchewan. Selon lui, pour mettre fin à l’exploitation des Autochtones, il est impératif de briser le monopole détenu par la Compagnie de la Baie d’Hudson.
Malcolm Norris et Jim Brady font en sorte que Peter Tomkins puisse se rendre en Saskatchewan en 1950 à titre de délégué spécial sur le terrain pour le gouvernement de la Co-operative Commonwealth Federation (CCF) (l’ancêtre du NPD). Il met alors en place des coopératives et des magasins du gouvernement dans des communautés du nord, dont Cumberland House et La Ronge. À cette époque, il met également sur pied des programmes de radio en langue crie dans le nord de la Saskatchewan pour le compte de la Canadian Broadcasting Corporation.
Décès et héritage
Allan Quandt, membre actif de la CCF et ami de Malcolm Norris et Jim Brady, décrit en ces mots Peter Tomkins: «Vous ne pourriez trouver meilleur organisateur. En relations publiques, personne ne lui arrivait à la cheville. On ne pouvait lui résister, et son répertoire d’histoires était imbattable.»
Les efforts que déploie Peter Tomkins en matière de leadership, de lobbyisme et d’organisation auront un effet positif indéniable sur la santé et les conditions de vie au quotidien des Métis de l’Alberta et de la Saskatchewan.
La Société historique des Métis de l’Alberta considère Peter Tomkins Jr. comme l’un des six héros de l’histoire métisse de la province, aux côtés de Gabriel Dumont, Louis Riel, Jim Brady, Malcolm Norris et Joseph Dion.
Après avoir subi trois accidents vasculaires cérébraux, Peter Tomkins s’éteint en juin 1970 à l’hôpital de High Prairie, en Alberta. Il est enterré au cimetière qui faisait autrefois partie de la mission St. Bruno, un pensionnat de Joussard, en Alberta.