Plamondon, Rodolphe
(Joseph Marcel) Rodolphe Plamondon. Ténor, professeur, violoncelliste (Montréal, 18 janvier 1876 - 28 janvier 1940). Dans sa jeunesse, il étudie le violoncelle avec Louis Charbonneau et le solfège avec Frédéric Pelletier. À la suggestion de C.-O. Lamontagne, qui épouse sa sœur Rose-Annette, Plamondon entreprend aussi des cours de chant avec Guillaume Couture, se produisant parfois comme soliste à la cathédrale Saint-James (auj. Marie-Reine-du-Monde) et à l'église du Gesù. Il part pour la France en octobre 1895 et, admis au Conservatoire de Rennes, y étudie le violoncelle avec Monteschi, obtenant sept mois plus tard une médaille puis un engagement d'été au casino de Paramé, en banlieue de Saint-Malo. Ses camarades l'incitent à opter pour le chant et Plamondon se rend à Paris en novembre 1896. Violoncelliste aux Folies-parisiennes, il perfectionne en même temps son jeu avec Ferdinand Ronchini et prend des cours de chant d'un vieux maître de chapelle nommé Castex. Il consulte divers professeurs et se confie finalement au ténor Pierre-Émile Engel. Il chante à l'église et dans les salons où il rencontre notamment Massenet et Reynaldo Hahn.
Carrière lyrique
En juin 1897, il est à Londres où il se produit aux côtés de Melba à Windsor Hall et dans les salons de la bourgeoisie. Il reprend ensuite ses cours avec Engel et fait ses débuts officiels le 31 décembre 1897 lors d'un concert à l'église des Dominicains du Faubourg Saint-Honoré auquel participent le baryton Jean-Baptiste Faure et l'organiste Charles-Marie Widor. De retour à Londres, il chante à l'Albert Hall le 21 juin 1898 aux côtés de Melba, Clara Butt et Pol Plançon. Il est question qu'il accompagne Melba en Amérique mais il accepte plutôt de chanter des rôles de soutien dans des saisons lyriques à Vichy (1899) et au Caire (1900).
De retour à Paris, il reprend un emploi de violoncelliste, cette fois-ci au Casino de Paris, et il est engagé comme ténor soliste à l'église Saint-Roch. En 1903, il épouse Marie Dufriche, pianiste qui va l'accompagner fréquemment dans ses récitals. Tous deux donnent un concert à la salle Pleyel (2 février 1904) et une critique des plus favorables contribue à lancer la carrière du chanteur. À Monte-Carlo, il chante peu après les premiers rôles de Faust de Gounod, La Damnation de Faust de Berlioz et Mefistofele de Boito. À l'été 1905, il remporte un vif succès dans Les Troyens à Carthage de Berlioz (rôle d'Iopas) devant 12 000 personnes au théâtre antique d'Orange. Après Le Démon de Rubinstein à Monte-Carlo (1906), Plamondon fait ses débuts à l'Opéra de Paris (6 mai 1906) dans La Damnation de Faust. Il y chante par la suite Hippolyte et Aricie de Rameau (rôle d'Hippolyte, 1908) ainsi que Castor et Pollux (rôle de Castor) du même compositeur. Mis à part Orphée de Gluck, version ténor, qu'il chante à Angers et Alceste (rôle d'Admète) à Genève, sa carrière au théâtre semble s'être terminée avant la Première Guerre mondiale.
Carrière en concert
C'est toutefois en concert et en oratorio, en tant que soliste, que la carrière de Plamondon atteint ses sommets. Il se produit avec la plupart des grands ensembles musicaux en France et ailleurs en Europe. Une compilation réalisée par Gustave Comte (La Musique, 1920) révèle qu'il aurait chanté La Damnation de Faust 250 fois (dans sa version intégrale de scène et dans celle de concert), Les Béatitudes de Franck 70 fois, L'Enfance du Christ de Berlioz 150 fois, les deux Passions de Bach 50 fois chacune, la Missa solemnis de Beethoven 30 fois, la Messe en si mineur de Bach 30 fois et le Requiem de Verdi 20 fois. Il se fait aussi l'interprète d'œuvres rarement exécutées comme Euryanthe de Weber (rôle d'Adolar) sous la direction de Vincent d'Indy dont il est l'un des chanteurs favoris, The Dream of Gerontius d'Elgar (création en France, au Trocadéro de Paris, 1906) et Franciscus d'Edgar Tinel (Tournai, Belgique, 1908, puis au Forum de Montréal, 1926).
La Première Guerre mondiale porte un dur coup à sa carrière, l'obligeant à contremander de nombreux engagements en Allemagne et en Autriche. Il participe à de nombreuses manifestations patriotiques, et en 1917, il accompagne Saint-Saëns pour une tournée dans le sud de la France, chantant pour la première fois le cycle La Cendre rouge, op. 146, avec le compositeur au piano. À Poitiers, il chante dans Le Déluge sous la direction de Saint-Saëns, qui porte une grande estime au chanteur canadien. Saint-Saëns lui dédie d'ailleurs sa dernière œuvre, la mélodie « À saint Blaise » (Durand 1921) que Plamondon chante à Montréal le 19 octobre 1924.
Visites et retour au Canada
Revenu une première fois au Canada pendant l'été 1906, il donne à l'automne un concert au Monument national de Montréal et un autre à l'Auditorium de Québec. Plamondon ne revient au pays qu'en 1920 et il présente au Monument national un récital consacré à Beethoven, Berlioz, Debussy, Fauré, Franck et Méhul avec le concours du pianiste Jean Dansereau. Frédéric Pelletier écrit alors : « Cet art ne se définit pas, il existe et le moins initié des auditeurs en subit l'influence sans s'en rendre compte, n'attribuant qu'à la voix les sensations qu'il ressent, sans se douter que d'autres voix plus belles ne feraient que lui rendre ces pièces ennuyeuses » (Le Devoir, 21 avril 1920).Un banquet est donné en l'honneur du chanteur quelques jours après (le 24 avril) à l'hôtel Viger.
De retour à Paris en 1923, Plamondon rencontre en 1923 la basse Ulysse Paquin avec qui il donne ensuite de nombreux récitals en Europe puis au Canada et en Nouvelle-Angleterre (1924). Un autre concert au Monument national (1926), auquel participent Marie-Thérèse Paquin, Jean-Baptiste Dubois et l'Association chorale Brassard, fait salle comble et Plamondon y reçoit un vibrant hommage de ses compatriotes qui lui remettent un chèque de 2000 $, somme recueillie par souscription populaire. Attiré par un vague projet de conservatoire, il revient définitivement à Montréal en 1928. Il participe à la création de L'Ordre du Bon Temps de Healey Willan, au Festival du CP de 1928 à Québec après avoir pris part au premier festival l'année précédente. En 1930, il fait une tournée transcanadienne aux côtés de son fils Lucien, violoncelliste, sous les auspices du CP. En plus d'enseigner à son studio de Montréal, il est professeur (1935-1936, 1939-1940) à l'École supérieure de musique d'Outremont (École Vincent-d'Indy). Au nombre de ses élèves figurent Louise André, Germaine Bruyère, Reine Décarie, les ténors Richard Manning et Georges Toupin, et Claude Garneau, réalisateur à la SRC.
Plamondon se fait à plusieurs reprises l'interprète de compositeurs canadiens, tels Alfred La Liberté etRodolphe Mathieu. De ce dernier, il chante « Harmonie du soir » aux Concerts Lamoureux de Paris, sous la direction de Paul Paray (1924).
Réalisations
L'art de Plamondon est ainsi décrit par Pelletier au lendemain de son récital de 1926 au Monument national : « C'est de l'art dénué de tout le clinquant qu'affectent d'habitude les ténors qui veulent surtout montrer la puissance de leur voix et pour qui les œuvres ne sont que des moyens. Chez lui, c'est tout le contraire et la voix, chaude et enveloppante, n'est que l'instrument asservi au sens de la musique qu'il interprète avec une piété tour à tour sereine ou émouvante. On a l'impression, en l'entendant, qu'il est le prêtre de ce culte de beauté immatérielle qu'est la musique » (Le Devoir, 19 janvier 1926).
Vers la fin de sa carrière active (1925-1926), Plamondon enregistre chez Starr une douzaine de disques, des mélodies françaises pour la plupart (voir En remontant les années). Un enregistrement repiqué se trouve sur Les Grandes voix du Canada / Great Voices of Canada (Analekta AN2 7801-7803, 1993). Un enregistrement repiqué se trouve sur Les Grandes voix du Canada / Great Voices of Canada (Analekta AN2 7801-7803, 1993). Son nom est donné à une rue de Chicoutimi et (1911) à une avenue de Montréal.
Voir aussi Arthur Plamondon (son frère), Ernest-Gill Plamondon (son neveu) et Luc Plamondon (un parent éloigné). Ont aussi été actifs, mais à un degré moindre, Antoine, Petrus, Geneviève, Guy, René, Gérard et Jean-Paul.
Bibliographie
Gustave COMTE, « Rodolphe Plamondon », La Musique, II (août-oct. 1920).
Romain GOUR, « Rodolphe Plamondon, ténor classique », Qui?, V (juin 1954).
Wayne GOODING, « Grand tradition : great musical figures of the past », Opera Canada (hiv. 1995).