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Jacques Poulin

Jacques Poulin, romancier, traducteur (né le 23 septembre 1937 à Saint-Gédéon de Beauce, au Québec; décédé le 21 août 2025). Auteur de 14 romans, lauréat de plusieurs prix littéraires dont le prix littéraire du Gouverneur général (1978), le prix Molson (1990) et le prix Athanase-David (1995), Jacques Poulin est l'un des romanciers québécois de sa génération les plus lus et les plus estimés par la critique. D'une écriture sobre, dépouillée tant dans la syntaxe que dans la stylistique, en apparence simple et même légère, les romans de Jacques Poulin racontent l'histoire de personnages en quête d'eux-mêmes et des autres, blessés plutôt que déchirés par le désir de se retrouver et l'impossibilité presque absolue de le faire. La solitude méditative, l'amour placé sous le signe de la tendresse et de l'ambiguïté, la douceur désespérée qui habite les personnages dans leurs quêtes sont les thèmes de prédilection d'un écrivain soucieux de raconter la fragilité des êtres jusque dans la banalité de la vie quotidienne.

Un exemplaire de <i>Volkswagen Blues</i> de Jacques Poulin

Éducation

Après des études classiques aux séminaires de Saint-Georges et de Nicolet, où il obtient son baccalauréat en 1957, Jacques Poulin obtient une licence en psychologie en 1960 ainsi qu’une deuxième licence en lettres en 1964 à l'Université Laval.

Conseiller en orientation professionnelle dans un collège de Sainte-Foy de 1967 à 1970, puis traducteur pour le gouvernement fédéral de 1970 à 1973, il se consacre enfin à l'écriture, vivant modestement à Paris pendant une dizaine d’années avant de revenir s’installer dans son Québec natal, d’abord dans sa capitale, puis à l’île d’Orléans.

Début de carrière

Mon cheval pour un royaume, premier roman paru en 1967, est l'histoire d'un homme aux prises avec lui-même (interné dans un hôpital psychiatrique), une femme (dont il partage l'amour avec un de ses amis), une ville (Québec) et une société dont il essaie de se libérer par un acte terroriste qui finit par le blesser.

Suivent Jimmy en 1969, enfant qui témoigne du pourrissement de tout (le chalet sur pilotis au bord du fleuve, le couple parental, la société), Le cœur de la baleine bleue en 1970, récit d'un homme qui se fait greffer un cœur de jeune fille et qui s'éveille aux aléas d'une identité sexuelle problématique, et Faites de beaux rêves, une histoire d’amour et de drame fraternel sur fond de course de Formule 1 au Mont-Tremblant, dans les Laurentides, pour lequel Jacques Poulin remporte le prix littéraire de La Presse en 1974.

Les grandes marées (1978)

Les grandes marées, l'une des œuvres les plus fortes de l'auteur et l'un des romans québécois les plus profonds malgré sa légèreté apparente, raconte l'histoire d'un traducteur solitaire, isolé sur une île qui fait figure de nouvel Éden, qui connaît momentanément l'amour d'une jeune femme venue du ciel (par l'hélicoptère du patron), mais dont la solitude sera brisée et anéantie par l'arrivée d'une multitude de personnages qui finissent par l'expulser de l'île pour mieux s'y installer. Le roman est une fable sur l'impossibilité de vivre en société.

Pour ce roman, Jacques Poulin se mérite le prix littéraire du Gouverneur général en 1978.

Esquisse du personnage de Marie dans <i>Les grandes marées</i> de Jacques Poulin

Volkswagen Blues (1984)

Volkswagen Blues (1984), à l’instar des récits de voyage de Jack Kerouac, raconte le voyage de deux protagonistes férus d’histoire et de culture, Jack Waterman et Pitsémine, une jeune Métis, de Gaspé à San Francisco. Jack reçoit une lettre de son frère Théo après 20 ans de séparation. Cette prise de contact soudaine l’emmène sur la route dans un vieux Westfalia, retraçant un parcours ancestral emprunté jadis par les Autochtones. Flanqués du petit chat noir de Pitsémine, surnommée la Grande Sauterelle, Jack Waterman et sa compagne redécouvrent les revers de l’histoire nord-américaine en passant par les Grands Lacs, la piste de l’Oregon et le fleuve Mississippi.

Volkswagen Blues est considéré par plusieurs comme le plus grand ouvrage de Jacques Poulin, qui souhaite écrire le « grand roman de l’Amérique ». Il lui vaut le prix Canada-Belgique en 1984.

Le vieux chagrin (1989)

Publié en 1989 à la fois au Québec et en France, Le vieux chagrin est l'histoire d'un écrivain en panne d'inspiration qui veut écrire un roman d'amour. Obsédé par l’apparition d’une femme au large de la mer, il retrouve, dans une grotte oubliée par le temps où il jouait souvent pendant son enfance, un exemplaire des Mille et une nuits, indice de la présence de la femme mystérieuse qu’il n’arrivera à rencontrer qu’en rêve. L’écrivain finit par se réconcilier avec son métier en accueillant chez lui une jeune fille abusée par son père qui lui fait entendre la voix de la tendresse.

La tournée d’automne (1993) et Chat sauvage (1997)

Au cours des années 1990, où le lectorat de Jacques Poulin grandit, paraissent deux nouveaux romans, La tournée d'automne (1993) et Chat sauvage (1997). Dans le premier, un bibliothécaire ambulant noue une relation amoureuse avec une femme au cours d'un voyage entre Québec et la Côte-Nord. Dans le second, le narrateur joue au détective dans les rues de Québec et rencontre par hasard une jeune fille qu'il ne cherchait pas, mais qui finit par occuper une place sans cesse grandissante dans sa vie.

Les yeux bleus de Mistassini (2002)

Dans ses romans suivants, Jacques Poulin replonge ses lecteurs dans l’univers de Volkswagen Blues, et les amateurs de Jack Waterman le retrouvent dans Les yeux bleus de Mistassini. L’écrivain et libraire du Vieux-Québec se perd dans un dédale de souvenirs, clins d’œil aux œuvres précédentes de Poulin. Jack fait la rencontre de Jimmy et de sa sœur Mistassini, et les engage sur la plus belle et tortueuse voie, celle de l’écriture.

La traduction est une histoire d’amour (2006) et L’anglais n’est pas une langue magique (2009)

L’intrigue de La traduction est une histoire d'amour (2006) se situe à l'Île d'Orléans, au Québec, suite à la rencontre inattendue de Marine, une jeune traductrice, avec Jack Waterman (le personnage principal de Volkswagen Blues), l’écrivain dont elle doit traduire les œuvres.

La suite de cette histoire se décline dans L’anglais n’est pas une langue magique, paru en 2009. Le personnage de Limoilou y fait la rencontre de Francis, le petit frère de Jack Waterman et neveu du « chauffeur » de La tournée d’automne. Littérature, histoire et intrigues politiques sont au rendez-vous.

L’homme de la Saskatchewan (2011)

Jack Waterman choisit de travailler sur un nouveau roman plutôt que d’honorer son engagement d’écrire la biographie d’Isidore Dumont, un ancien joueur de hockey dont l’ancêtre se battait aux côtés de Louis Riel. Jack confie plutôt le travail à son jeune frère Francis, protagoniste de L’anglais n’est pas une langue magique. Celui-ci bénéficie des conseils de la Grande Sauterelle, Pitsémine, qui accompagnait Jack à la recherche de son autre frère dans Volkswagen Blues.

Un jukebox dans la tête (2015)

Dans le dernier roman de Jacques Poulin, Un jukebox dans la tête (2015), Jack Waterman fait la rencontre de Mélodie, une de ses lectrices les plus dévouées. Leurs chemins se croisent quelques temps, et Jack s’émeut du triste destin de la jeune femme marquée par un passé tumultueux : orphelinat, familles d’accueil, drogues, relations troubles... Le voisin de Jack s’ajoute au portrait et menace les liens fragiles qu’entretiennent l’écrivain et sa nouvelle flamme.

Prix

  • Prix littéraire de La Presse (Faites de beaux rêves) (1974)
  • Prix littéraire du Gouverneur général (Les grandes marées) (1978)
  • Prix Canada-Belgique (Volkswagen Blues) (1984)
  • Prix Québec-Paris (Le vieux chagrin) (1989)
  • Prix Molson (Le vieux chagrin) (1990)
  • Prix Jean-Hamelin (Le vieux chagrin) (1991)
  • Prix Athanase-David (1995)
  • Prix littéraire de la ville de Québec, Salon international du livre de Québec (2003)
  • Prix littéraire des collégiens (Les yeux bleus de Mistassini) (2003)
  • Prix Gilles-Corbeil, Fondation Émile-Nelligan (2008)

(Voir aussi Prix littéraires pour œuvres de langue française.)

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