Pitikwahanapiwiyin (Poundmaker), chef cri (né vers 1842 au centre de la Saskatchewan ; décédé le 4 juillet 1886 à Blackfoot Crossing, en Alberta). Pitikwahanapiwiyin, qui s’efforce de protéger les intérêts de son peuple tout au long de la négociation du Traité n° 6, est reconnu comme un grand leader. Artisan de la paix, il refuse de prendre les armes lors de la Résistance du Nord-Ouest. Toutefois, une faction militante formée de jeunes Cris de sa bande participe au conflit, ce qui se solde par l’arrestation et l’emprisonnement de Pitikwahanapiwiyin pour trahison. L’héritage laissé par Poundmaker en tant que pacificateur est toujours bien réel chez de nombreux peuples cris, y compris chez les Cris de la bande de Poundmaker en Saskatchewan.
Le chef cri Pitikwahanapiwiyin (Poundmaker).
Jeunesse
Pitikwahanapiwiyin est issu de l’union d’une femme métisse et d’un chaman Stoney nommé Sikakwayan. Sa famille vit parmi les Cris des Plaines sur le territoire actuel de la Saskatchewan, sous la gouverne de l’oncle de Pitikwahanapiwiyin, le chef Mistawasis (Gros-Enfant). (Voir aussi Peuples autochtones des Plaines au Canada.)
Pitikwahanapiwiyin devient une figure influente au sein de sa communauté au lendemain d’une bataille survenue entre les Cris et les Siksikas (Pieds-Noirs) en 1873. Le fils du chef siksika Isapo-Muxika (Crowfoot) est tué pendant la bataille. Isapo-Muxika adopte alors Pitikwahanapiwiyin afin de remplacer son fils perdu. Il lui donne le nom siksika Makoyi-koh-kin (pattes de loup fines).
Après la bataille, Pitikwahanapiwiyin demeure auprès de son père adoptif à Blackfoot Crossing pendant un certain temps, avant de revenir auprès de son peuple. Désormais connu comme le fils d’un puissant chef, et ramenant au bercail un certain nombre de chevaux (un signe de richesse) donnés par sa nouvelle famille siksika, Pitikwahanapiwiyin jouit d’une plus grande influence auprès de son peuple, les Cris. L’adoption de Pitikwahanapiwiyin vient renforcer les liens d’amitié entre les Cris et les Siksikas, deux peuples ennemis de longue date.
Traité n° 6
En août 1876, Pitikwahanapiwiyin, en tant que chef de bande crie ou petit chef, assiste aux négociations du Traité n° 6 à Fort Carlton. (Voir aussi Traités numérotés.) Pitikwahanapiwiyin juge que les conditions du traité ne sont pas favorables à son peuple et s’oppose à sa signature. Il cherche à comprendre comment le gouvernement, par voie de traité, peut ainsi prétendre au territoire de son peuple : « C’est notre terre. Ce n’est pas qu’un simple morceau de pemmican, que l’on peut découper et nous rendre par petits fragments. Cette terre nous appartient et nous prendrons ce qui nous convient. » (Voir aussi Territoire autochtone.)
Devancé et mis en minorité par les autres chefs cris présents à Fort Carlton, Pitikwahanapiwiyin signe à contrecœur le Traité n° 6. Deux ans plus tard, désormais chef, Pitikwahanapiwiyin et son peuple se réinstallent dans une réserve située le long de la rivière Battle, à environ 64 km à l’ouest de Battleford.
Rassemblement cri, 1884
La vie à la réserve est difficile : les rations de nourriture et de fournitures promises par le gouvernement dans le traité sont inconstantes et insuffisantes. Cette situation cause une certaine agitation parmi le peuple de Pitikwahanapiwiyin, surtout chez les jeunes guerriers. Cherchant à mettre en place un plan d’action, Pitikwahanapiwiyin et les autres dirigeants cris, dont le chef Mistahimaskwa (Big Bear), se réunissent à la réserve de Pitikwahanapiwiyin en juin 1884. Ils organisent une danse de la soif (ou danse du soleil) pour implorer les dieux de leur donner plus de force spirituelle.
La Police à cheval du Nord-Ouest (P.C.N.-O.) interrompt la danse, se disant à la recherche d’un participant accusé de voies de fait contre John Craig, instructeur agricole dans une réserve voisine. Avec 90 hommes en renfort, la police demande à Pitikwahanapiwiyin et à Mistahimaskwa de lui rendre le suspect. Les chefs refusent, mais on met quand même l’accusé en état d’arrestation. Pitikwahanapiwiyin et Mistahimaskwa évitent néanmoins un conflit armé à grande échelle entre leurs guerriers et la P.C.N.-O.
Résistance du Nord-Ouest
Le mécontentement face aux colons se généralise dans les Prairies, particulièrement chez les jeunes des Premières nations et chez les Métis. En 1885, à la veille de la Résistance du Nord-Ouest, la population de la bande de Pitikwahanapiwiyin compte parmi ses rangs plusieurs guerriers. Même si Pitikwahanapiwiyin recherche toujours une solution pacifique, certains membres de sa bande voient la situation d’un autre œil.
Attaque contre le village de Battleford
Après la victoire des Métis à la bataille du lac aux Canards, le 26 mars 1885, la majorité des colons blancs cherchent refuge dans les camps de la P.C.N.-O. situés près de Battleford. Pitikwahanapiwiyin s’y rend pour rencontrer l’agent local chargé des Indiens, dans le but de récupérer les rations qui lui sont dues. L’agent, craignant de quitter la zone protégée par la police, refuse cependant de l’aider. Cela provoque la colère des soldats de Pitikwahanapiwiyin. Faisant fi des appels à la paix de leur chef, les jeunes guerriers se vengent en prenant d’assaut la ville. Le lendemain, ils établissent un camp de guerriers à l’est de Cut Knife Creek. Bien que Pitikwahanapiwiyin demeure chef, le véritable pouvoir est dévolu au camp.
Bataille de Cut Knife
Le lieutenant-colonel William Dillon Otter et ses 325 hommes armés arrivent à Battleford, prêts à exécuter leur vengeance sur la bande de Pitikwahanapiwiyin. Ils ont planifié une attaque sur le camp de Cut Knife Hill. Toutefois, déjà prévenus de l’arrivée imminente de l’ennemi, les guerriers cris et stoneys sont prêts à défendre leur camp contre les hommes d’Otter. La bataille dure environ sept heures, après quoi les hommes d’Otter battent en retraite. Pitikwahanapiwiyin ne participe pas à la bataille de Cut Knife, mais il parvient à éviter de nouvelles effusions de sang en dissuadant ses guerriers de se lancer à la poursuite de l’armée d’Otter.
Bataille de Batoche
Malgré l’opposition de Pitikwahanapiwiyin, les guerriers entreprennent un voyage à Batoche pour y rejoindre les forces des Métis de Louis Riel. Chemin faisant, ils attaquent un train qui transporte des provisions pour les forces du colonel Otter, faisant prisonniers les hommes qui y prennent place. Tentant encore une fois d’éviter un bain de sang, Pitikwahanapiwiyin intervient pour faire en sorte qu’aucun prisonnier ne soit blessé.
Lorsqu’il apprend que les Métis ont été défaits à Batoche, Pitikwahanapiwiyin envoie Robert Jefferson, son instructeur agricole, annoncer au major général Frederick Dobson Middleton qu’il est prêt à parler de paix. Robert Jefferson suit ces consignes. Il revient vers Pitikwahanapiwiyin avec en main un message du major général Middleton : le chef doit capituler sans conditions. Le 26 mai 1885, Pitikwahanapiwiyin et une poignée de conseillers se rendent à Battleford, où ils sont mis en état d’arrestation.
Procès et emprisonnement
Jugé à Regina en juillet 1885, Pitikwahanapiwiyin clame son innocence et déclare à la Cour qu’il a « tout fait pour mettre fin à la violence ». Trouvé coupable de trahison, il est condamné à trois ans d’emprisonnement. Il sert une année au pénitencier de Stony Mountain au Manitoba avant d’être libéré.
Décès
En mauvaise santé et abattu moralement, Pitikwahanapiwiyin rend visite à son père adoptif Isapo-Muxika (Crowfoot) sur la réserve siksika à sa sortie de prison. Il s’éteint peu de temps après d’une cause inconnue. De l’avis de certains, il serait décédé des suites d’une hémorragie pulmonaire possiblement attribuable à des complications liées à la tuberculose, qu’il aurait contractée en prison. D’autres soutiennent qu’il est mort d’un accident vasculaire cérébral ou d’une crise cardiaque.
Rapatriement des artefacts
Au lendemain de la Résistance du Nord-Ouest en 1885, bon nombre des possessions de Pitikwahanapiwiyin sont conservées dans des musées répartis aux quatre coins de la Saskatchewan ou encore à l’étranger, comme à Londres, en Angleterre. En juillet 2017, le gouvernement fédéral prête quelques-uns des objets ayant appartenu à Pitikwahanapiwiyin (dont une massue de guerre cérémonielle) au musée de la nation crie de Poundmaker, situé sur la réserve de Poundmaker en Saskatchewan. Certains peuples autochtones voient là le début possible d’efforts visant à rapatrier des objets similaires disséminés à l’étranger ou en dehors des territoires traditionnels des nations autochtones concernées. (Voir aussi Rapatriement d’artefacts.)
Requête d’exonération
Pendant des années, les dirigeants de la Nation crie de Poundmaker tentent de faire exonérer leur chef de sa condamnation pour trahison après la Résistance du Nord-Ouest. En 2017, l’Assemblée des Premières Nations et la Federation of Sovereign Indigenous Nations de la Saskatchewan annoncent l’adoption d’une résolution visant à soutenir une telle campagne. On fait alors circuler une pétition demandant au gouvernement fédéral de rétablir la réputation de Pitikwahanapiwiyin et de lui reconnaître le rôle de pacificateur. On déploie des efforts semblables pour disculper les chefs cris Mistahimaskwa et Kapeyakwaskonam (One Arrow), eux aussi reconnus coupables de trahison malgré le fait qu’ils n’ont joué aucun rôle dans la résistance. En janvier 2018, le gouvernement du Canada annonce son intention d’« élaborer, en collaboration avec la nation crie de Poundmaker, une déclaration commune d’exonération pour le chef Poundmaker. »
Exonération
Le 23 mai 2019, le premier ministre canadien Justin Trudeau rend visite à la Nation crie de Poundmaker au nom du gouvernement fédéral afin d’exonérer officiellement le chef Poundmaker de sa condamnation pour trahison durant la Résistance du Nord-Ouest de 1885. Dans le discours coécrit avec la Nation crie de Poundmaker, Justin Trudeau offre ses excuses formelles « au nom du gouvernement du Canada et de tous les canadiens ». Le premier ministre déclare aussi que chef Poundmaker est un « artisan de la paix », un homme qui « a travaillé sans relâche pour assurer la survie de son peuple ». Enfin, Justin Trudeau conclut qu’il est « ici au nom du gouvernement du Canada pour déclarer sans réserve que le chef Poundmaker est entièrement innocenté de tout crime ou méfait ».
Patrimoine
Le chef Poundmaker a été l’un des plus grands leaders que son peuple a connus. Il a toujours cherché à défendre les intérêts des Cris pendant la négociation du Traité no 6 et s’est conduit en artisan de la paix lors de la Résistance du Nord-Ouest de 1885. La conviction, l’emprisonnement et la mort prématurée de Poundmaker ont représenté une perte immense pour son peuple. Blair Stonechild, professeure spécialiste des études autochtones à l’Université des Premières Nations du Canada à Regina, affirme que le chef Poundmaker a « essentiellement été le premier leader des Cris » et que sa mort « est une perte immense, immense ».
En mai 2019, Milton Tootoosis, chef et conseiller de la Nation crie de Poundmaker, déclare que « de perdre quelqu’un comme lui équivaut à perdre le Dalaï-Lama ou Gandhi ». Tootoosis espère toutefois que l’exonération de Poundmaker sera la première étape vers un avenir meilleur : « J’espère, comme beaucoup d’autres leaders, que nous apprendrons de ces erreurs et que nous en reconnaîtrons les faits pour ainsi aller de l’avant ensemble, positivement. »