La psychologie de la musique est l'investigation scientifique des rapports entre la musique et l'esprit humain. Les premiers cours de psychologie de la musique au Canada furent mis sur pied en 1935 par Cyril Cornelius O'Brien à la Maritime Academy (Maritime Conservatory) of Music à Halifax. À titre de dir. du dépt de psychologie de l'académie jusqu'en 1947, O'Brien (Halifax, 22 mars 1906; D.Mus., Montréal, D.Péd., ibid., Ph.D. psychologie, Ottawa) donna des cours de psychologie de la musique, effectua des tests pour déterminer le talent musical et rédigea des articles sur les tests d'aptitudes musicales (1935), la mémoire des tons (1943, 1953, 1958) et la discrimination de la couleur des tons (1945). À Montréal, Rodolphe Mathieu mit au point des tests d'aptitudes musicales en 1930 à son Institut canadien de musique. Malgré ces débuts, seul un petit nombre d'universités canadiennes offraient des cours spécifiques de psychologie de la musique à la fin des années 1970, soit l'Université de la Saskatchewan, l'Université de Western Ontario et l'Université Wilfrid Laurier.
À la fin des années 1960 et au cours des années 1970, la recherche relative à la psychologie de la musique au Canada s'effectuait dans les départements de psychologie et d'éducation musicale des universités. À l'Université de Victoria, M. Vaughan et R.E. Myers (1971) ont fait une recherche sur la créativité musicale chez l'enfant à l'école et, à l'Université de Western Ontario, H.E. Fiske (1975) a conduit une étude sur l'évaluation de l'exécution instrumentale chez l'élève d'école secondaire. En outre, des mémoires de maîtrise en éducation ont abordé à l'occasion des sujets reliés à la psychologie de la musique (par exemple, Walley, 1970; Cooper, 1972).
Une grande partie de la recherche effectuée au Canada en psychologie de la musique l'a été dans le domaine de la psychoacoustique (soit l'étude de la relation précise entre la représentation subjective et les variables objectives et acoustiques) et de la perception auditive. Plusieurs études sur la prédominance de l'hémisphère droit du cerveau (du droitier) dans la perception des « stimuli » musicaux ont été réalisées à l'Université McGill (Doehring, 1972; Bartholomeus et autres, 1973, 1974; Kallman et Corballis, 1975). À McGill également, on a étudié la perception de l'ordre dans la musique (Bregman et Campbell, 1971; Bregman, 1978a, b) ainsi que la discrimination de tons musicaux simultanés et successifs (Doehring, 1968; Doehring et Ling, 1971). À l'Université de Toronto, dans le laboratoire dirigé par C.D. Creelman, des thèses de doctorat ont porté sur l'acquisition de l'« oreille absolue » (Cuddy, 1965) et sur la perception de la structure musicale de la tonalité en musique (Pedersen, 1970). En ce qui a trait à l'application de la psychoacoustique en musique, Pedersen a suggéré l'utilisation possible de l'échelle en mel pour la composition. À l'Université Queen's, L.L. Cuddy a poursuivi son travail sur l'« oreille absolue » et la perception de la hauteur tonale (1968, 1970, 1971) et démontré l'importance des relations structurelles et de l'expérience musicale. Les thèses complétées sous la direction de Cuddy incluent des études sur la reconnaissance des intervalles musicaux (Cohen, 1972; Thonigs, 1973), la mémoire des tons (Dewar, 1974), la perception des patterns temporaux auditifs (Miller, 1974) et la tonalité de séquences de tons transposés (Cohen, 1975). Des travaux sur l'« oreille absolue » ont également été réalisés à l'Université de Western Ontario (Siegel, 1974; Siegel et Siegel, 1977a et b), à l'Université York (Crozier et autres, 1977) et à Calgary (Vernon, 1977). Une étude a porté sur l'audition des mélodies dans la première enfance (Chang et Trehub, 1977).
Un autre champ important de recherche canadienne est celui de l'esthétique expérimentale. Sous la direction de D.E. Berlyne, de l'Université de Toronto, plusieurs études ont été entreprises sur la fonction psychologique du « mécanisme de l'éveil cortical » et sur les effets de la complexité et de la durée des hauteurs (Berlyne, 1960, 1974; Berlyne et autres, 1966, 1967). Ses collègues se sont penchés sur la mise en échelle multidimensionnelle des réactions à la musique (Hare, 1975) et les effets des niveaux variables d'incertitude des réactions aux stimuli musicaux (Crozier, 1974). T.M. Nelson et A. Herczeg de l'Université de l'Alberta (1972) ont fait une étude expérimentale du symbolisme en musique, qui pourrait être incluse dans l'esthétique expérimentale prise dans un sens plus large.
Il convient aussi de mentionner David Rosenboom qui a recherché les applications possibles de la rétroaction biologique en musique électroacoustique (1974); à la fin des années 1970, la psychologie de la musique s'est ouverte à l'utilisation des ordinateurs pour contrôler la musique lors d'expérimentations décrites par Cohen, Isaacs, Flores, Harrison et Bradley (1977).
Voir aussi Acoustique - Recherche au Canada, Musicothérapie, World Soundscape Project.
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Mémoires et thèses
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F.G. HARE, « The Identification of dimensions underlying responses to music through multi-dimensional scaling », thèse de Ph.D. (Université de Toronto 1975).
Périodiques
J of Experimental Aesthetics, revue de l'Aesthetic Research Centre of Canada (Vancouver 1974 -).
Sciences de l'art / Scientific Aesthetics, revue trimestrielle (New York 1976 -).
De 1979 à 1990
Cette décennie fut marquée par un accroissement remarquable de publications savantes d'auteurs canadiens, de cours universitaires, d'inscriptions d'étudiants aux études supérieures, de professeurs et de laboratoires de recherche. Les postes des départements de psychologie et de musique furent comblés par des professeurs qui avaient terminé des mémoires et des thèses universitaires en psychologie de la musique à des universités canadiennes (notamment, Capodilupo, Thompson, feue Helen Lyons), par des Canadiens qui avaient reçu leur plus haut diplôme d'institutions situées à l'extérieur du Canada (notamment, Browne, Cooper, Huron, Rahn, Unyk) et d'autres personnes nées et formées ailleurs (notamment, Peretz, Pimentel, Schmuckler, Wapnick, Zattore). Plusieurs grandes facultés dont les travaux ultérieurs ne portaient pas sur la musique commencèrent à orienter leurs recherches vers la musique (notamment, Platt, Racine). Cet intérêt a été directement suscité à la fin des années 1970 par des laboratoires de recherche comme ceux de Cuddy et Fiske et en réponse à une variété de développements nationaux et internationaux.
Facteurs d'influence sur le développement de la psychologie de la musique. Les années 1980 ont marqué la croissance du domaine interdisciplinaire de la science cognitive qui regroupe l'informatique, les neurosciences, la psychologie, la linguistique, les mathématiques et la philosophie. L'un des buts de cette science était le développement de modèles précis et quantitatifs des activités mentales, plutôt que l'exploration du behaviorisme et de la psychophysique que recherchait à cette époque la psychologie. Alors que dans le behaviorisme, l'accent était mis sur le comportement observable et excluait la musique, dans la science cognitive, on incluait les études portant sur la représentation mentale des stimuli musicaux. Les comparaisons entre le traitement par ordinateur et le traitement humain de l'information musicale a souvent suscité des idées théoriques sur la perception de la musique, la cognition, la performance et la composition.
Les ordinateurs ont aussi influencé la psychologie de la musique d'autres façons. La technologie informatique a en effet permis la génération des sons, leur cueillette et l'analyse des données. Utilisés par les chercheurs, les compositeurs et les enseignants pour une infinité de fonctions, les ordinateurs leur ont fourni une langue véhiculaire pour étudier en commun la perception et l'apprentissage de la musique. Les expérimentations avec les sons générés par ordinateur ont servi à remettre en question certains concepts musicaux de base tels la consonance et la dissonance. Il en est résulté un livre A History of Consonance and Dissonance (New York 1988) du compositeur James Tenney, un pionnier du son généré par ordinateur. L'apprentissage de la musique assistée par ordinateur a aussi attiré l'attention des chercheurs. L'habileté de l'ordinateur à entreposer et analyser de substantiels répertoires de musique ont permis à D.B. Huron (1988) de mettre à l'épreuve les principes psychologiques sous-tendant la pratique compositionnelle.
En plus de l'émergence de la science cognitive et du développement de l'informatique, la discipline de la psychologie expérimentale humaine elle-même devint plus réceptive à l'étude des processus musicaux. L'emphase sur le comportement de l'adulte s'est élargie au comportement de l'enfant. L'expansion des neurosciences a stimulé l'étude des mécanismes neurophysiologiques sous-tendant le processus musical. Les psychologues canadiens se sont spécialisés en neurosciences, développement, perception, cognition et mémoire; la recherche axée sur la musique dans ces spécialités a été bien reçue à l'échelle internationale.
En éducation musicale, l'intérêt s'est éveillé aux approches de diverses cultures (notamment, Orff, Suzuki, Kodály) et a stimulé des études psychologiques. Les forces et progrès de la pédagogie musicale canadienne ont engendré des contributions du domaine de l'éducation musicale. D'autres changements technologiques, éducationnels et sociologiques dépassant la portée de cet article ont indirectement augmenté la curiosité pour ce qui est de la psychologie de la musique. Le récent progrès en musique et en psychologie n'est pas seulement l'apanage du Canada. Il se reflète par l'augmentation de rencontres internationales portant sur la cognition musicale (en 1989-90, des Canadiens ont participé à des conférences internationales tenues au Japon, en Suède, en Angleterre et en Australie). On peut mesurer la vitalité de ce domaine par la publication de trois revues spécialisées portant sur la musique et la psychologie; des Canadiens en sont éditeurs, consultants ou associés (Psychomusicology, Cuddy; Music Perception, Benjamin, Bregman; et Psychology of Music, Huron). On retrouve aussi des articles sur la psychologie de la musique dans le Journal for Research in Music Education dont l'équipe éditoriale a compté Joel Wapnick. De plus, des recherches d'auteurs canadiens ont été publiées dans des revues ou des livres de psychologie générale, de musique et d'acoustique ayant une grande diffusion.
En 1990, on dénombrait plus de 40 chercheurs canadiens actifs en psychologie de la musique. Puisque ce chiffre ne tient pas compte des étudiants d'études supérieures et post-doctorales et du personnel de soutien que supervisent les chercheurs, il est vraiment sous-représentatif du nombre de Canadiens impliqués dans ce domaine. La répartition était plutôt égale entre les départements de musique universitaires (incluant l'éducation musicale et la musicothérapie) et les départements de psychologie, d'éducation, d'éducation physique, de kinésiologie et d'études de l'enfant, de toutes les provinces.
Psychoacoustique. En psychoacoustique, on s'intéresse à l'audition humaine, mais habituellement sans mettre l'accent sur la musique. Toutefois, certaines recherches musicales de psychoacoustique sont directement orientées vers des sujets comme l'« oreille absolue » (Cuddy, 1982; Zatorre et Beckett, 1989), les habiletés d'accordage (Elliot et autres, 1987; Platt et Racine, 1985), les effets des contextes musicaux sur la perception des hauteurs (Cuddy et Dobbins, 1988; Platt et autres, 1990; Wapnick et autres, 1982), les intervalles (Zatorre, 1983) et le timbre (Cohen, 1982; Trehub et autres, 1990; Wapnick et Freeman, 1980; Zagorski, 1989).
La ségrégation des tons en divers flux sonores a été étudiée par Bregman, ses étudiants et ses accociés (voir références Bregman et collègues - McAdams et Wright). L'isolement perceptif et la fusion des lignes mélodiques sont reliés à l'« analyse de la scène auditive » de Bregman. À partir de cette perspective, D.B. Huron (1989), et Huron et D.A. Fantini (1989) ont examiné les fondements perceptuels de la musique polyphonique, surtout la dérivation de pratiques d'entraînement de la voix et les limites d'écoute jusqu'au bout de voix simultanées.
Neuropsychologie. La recherche neuropsychologique identifie les systèmes physiologiques sous-tendant les processus musicaux. R.J. Zattore, de l'Institut neurologique de Montréal, a mis une emphase spécifique sur les fonctions des lobes temporaux des hémisphères cérébraux gauche et droit (1985, 1988, 1989). Il a été démontré que plusieurs fonctions linguistiques sont régies par l'hémisphère gauche (du droitier). Les premières recherches localisaient les fonctions musicales surtout dans l'hémisphère droit (du droitier). De plus récentes études révèlent que l'activation d'un hémisphère dépend du traitement requis (voir articles Peretz; Samson et Zattore). La recherche neuropsychologique facilite la compréhension de la cognition musicale, autant chez le débutant ou le non musicien que chez le musicien accompli, par l'étude de sujets normaux en comparaison avec des patients cérébrolésés, dont d'érudits musiciens (voir articles Charness; Segalowitz et Pechdstedt). On se sert de techniques variées, dont la présentation d'information à l'oreille gauche ou droite d'un sujet, afin de vérifier la perception ou la mémoire et de nouvelles technologies, comme la tomographie à émission de positrons, afin d'enregistrer l'activité du cerveau lors de la perception musicale.
Structure musicale, tonalité et rythme. Au laboratoire de Cuddy à l'Université Queen's, par le biais de la recherche séminale, on continue d'examiner la représentation mentale de la tonalité; la perception d'un ton, d'un accord ou d'une tonalité de référence centrale et le réseau associé de relations hiérarchiques entre la tonique et les autres degrés. Tout comme en psychoacoustique, la recherche se caractérise par une minutieuse attention accordée à la description physique et au contrôle du stimulus; des stimuli musicaux complexes rendent toutefois cette tâche difficile. Dans plusieurs de ces études, on a cependant réussi à valider la signification psychologique d'hypothèses musicales théoriques en se servant de courts extraits de musique de chambre comme les préludes et les chorals de Bach (Cohen, 1991; Thompson et Cuddy, 1987, 1989).
La tâche du « ton sondé » de la chercheure amér. Carol Krumhansl (1983) a été exploitée au moyen de multiples recherches. Dans ce paradigme, on a demandé à l'auditeur d'écouter un court extrait musical et d'évaluer si un des éléments musicaux, un ton par exemple, était plus ou moins approprié au contexte. Les résultats démontrent que les auditeurs voient typiquement les notes de l'accord parfait comme les plus représentatifs du contexte diatonique, puis suivent les notes restantes de l'échelle diatonique et, finalement, les notes non diatoniques (Cuddy, 1985; Cuddy et Badertcher, 1987; Frankland et Cohen, 1990). Ces résultats sont consistants avec des découvertes préalables concernant la signification de la structure de l'accord musical dans la mémoire et la bonne forme perçue de courtes séquences (Cuddy et autres, 1979, 1981; Cuddy et Lyons, 1981). Des études connexes ont englobé la polytonalité (Krumhansl et Schmuckler, 1986), les séquences de notes aléatoires (fractales) et l'attente (Schmuckler, 1989; Unyk et Carlsen, 1987; Unyk, 1990).
Au cours de la décennie précédente, la recherche a permis d'isoler divers éléments influant sur la perception de la musique, comme les intervalles, les progressions d'accords et le contour mélodique. Pendant les années 1980, on a mis une plus grande emphase sur l'interaction de ces dimensions et sur l'organisation hiérarchique au sein d'une dimension particulière. Thomson et Cuddy (1989) étudient la hiérarchie qui comprend la tonique centrale, le réseau de relations entre les hauteus et la tonique et le changement de référent central au fur et à mesure du déroulement d'une pièce musicale (modulation). Cohen et autres (1989) ainsi que Cohen et Frankland (1990) examinent l'effet du macrocontour, la variable d'ordre supérieur du contour sur la mémoire de patterns tonaux, indépendamment de la tonalité et de la structure des accords.
Si la quantification des réponses de l'auditeur, telle que décrite plus haut, a une place naturelle dans le laboratoire de psychologie expérimentale des départements de musique, la recherche psychologique expérimentale est souvent connexe à l'enseignement de la formation de l'oreille et aux fondements de la théorie musicale. Au département de musique, on s'intéresse surtout aux approches théoriques globales et microanalytiques, afin de comprendre la perception musicale chez toutes les cultures et à tous les âges (Fiske, 1990; Rahn, 1983; Walker, 1989). Ainsi, Fiske (1982, 1987) a exploré diverses variables de la tonalité et du rythme au moyen de l'analyse chronométrique (c'est-à-dire, le temps de réaction) pour développer des modèles de traitement de l'information en cognition musicale. Huron (1990) se penche sur le modelage adaptatif de styles et de stratégies d'écoute. De plus, en se servant de méthodes informatiques d'analyse des partitions et des interprétations, dans la littérature classique et romantique, il a démontré que les pratiques compositionnelles sont consistantes avec une stratégie théorique visant à maintenir l'attention de l'auditeur. Kemp, lors de la préparation d'un livre sur la surprise en musique a étudié la préférence de la finalité de la cadence chez les auditeurs, l'expérience du passage du temps lors de l'écoute de la musique nouvelle et la réponse affective à la musique nouvelle. À l'Université de Victoria, la thèse de doctorat en musique de Mountain porte sur la composition au XXe siècle, qu'il étudie par le biais de la psychologie de la perception.
Côté-Laurence a étudié le rythme (voir références) en rapport avec la danse, l'éducation physique et la méthode Kodály. Tenney et Polansky ont proposé ensemble un modèle de groupement temporel basé sur les principes de proximité et de similarité de la gestalt. Le modèle s'applique aux processus mentaux mis en jeu, à la fois dans l'analyse musicale et l'écoute musicale. D'autres études relatives au rythme ont été menées par Benjamin (1984), Smith et Cuddy (1989), Rahn (1986), Wood (1986), Wapnick (1980, 1984), Upitis (1987b, 1988) ainsi que Trehub et Thorpe (1989). La précision rythmique et l'effet des structures tonales sur la justesse rythmique, en interprétation pianistique, a été étudiée par MacKenzie et ses collègues; ils se sont servis d'un piano à queue interfacé à un microordinateur pour assurer la précision du monitorage de la cinématique de l'activité du clavier ainsi que l'intégration sensorimotrice, le contrôle ou la coordination des mouvements pendant l'exécution (voir références MacKenzie et collègues - Van Eerd et Wills).
Développement. Trehub a mis au point une tâche pour révéler l'habileté du nourrisson à discriminer entre les mélodies (Trehub, 1987, 1990). Lors de cette tâche, on fait entendre au nourrisson une courte mélodie de façon répétitive. Puis, on change légèrement la mélodie. Le nourrisson qui remarque le changement a une réaction réflexe orientée, c'est-à-dire, par exemple, qu'il se tourne vers le haut-parleur qui émet la mélodie. Cette réponse démontre que le changement a été détecté. Si l'on gratifie le nourrisson en lui faisant voir un jouet actionné après chaque bonne réponse orientée, celui-ci apprend à « dire » à l'examinateur qu'il perçoit une différence. Le tour de tête renforcé a permis de démontrer qu'un nourrisson peut déceler les différences de demi-tons, c'est-à-dire le plus petite unité musicale de la musique occidentale traditionnelle, autant dans les mélodies non transposées (Trehub et autres, 1986) que transposées (Cohen et autres, 1987); il a aussi permis de vérifier que la détectabilité d'un changement est meilleure pour une mélodie bien structurée que pour une mélodie mal structurée (Trehub et autres, 1990). Souvent dans ces études, on s'est servi d'un ensemble très limité de matérieux musicaux pour effectuer le contrôle expérimental (Cohen et autres, 1989). Trehub, Unyk et Trainor étudient aussi les aspects du traitement musical qui requièrent une exposition culturelle spécifique; la nature des préférences du nourrisson et de l'enfant pour les sélections musicales; les réponses affectives et motrices du nourrisson face à la musique, transculturellement; les aspects universels des berceuses.
Morrongiello et ses collègues (1990), Cohen et Baird (1990) ainsi que Cuddy et Badertcher (1987) ont procédé à d'autres études auprès de l'enfant. Dans bien des recherches, on a exploré l'avantage de l'expérience musicale à travers de nombreuses tâches musicales (par exemple, Beal, 1984; Zatorre, 1979). La théorie développementale cognitive a été appliquée à des habiletés telles que la lecture à vue et la notation, dans le but ultime de concevoir des programmes d'enseignement de la musique, au niveau élémentaire, qui seraient appropriés aux habiletés cognitives musicales et non musicales, quant à la complexité et à l'organisation temporelle. Les études portant sur la personne âgée sont rares comparativement à celles effectuées auprès de l'enfant.
Éducation. Pour le corps professoral des départements de musique, les responsabilités d'enseignement, de composition et d'interprétation laissent peu de temps pour la recherche empirique. On a toutefois réussi à innover en éducation musicale dans des domaines comme la formation de l'oreille et la dictée harmonique (Rahn et McKay, 1988), l'enseignement assisté par ordinateur (Clements et Wood, 1984; Wood et Clements, 1986) et l'application du Programme d'entraînement à l'écoute d'Alfred Tomatis (Clarkson, 1991). Des éducateurs musicaux comme Linda Pimentel à l'Université de Lethbridge ont tenté d'appliquer la recherche psychologique autant dans des cours de musique d'ensemble que d'éducation musicale. Cuddy et Upitis ont investigué l'application de la recherche sur la structure musicale à des problèmes tels que l'identification absolue de la tonalité et de la surdité musicale (voir Mawhinney, 1987); ils ont aussi vérifié l'implication de ces études sur une approche créative générale à la formation de jeunes enfants. Cuddy et Smith ont apprécié la relation entre les habiletés de lecture et de rythme; Peterson (1990) s'est penché sur la formation musicale Kodály afin de voir comment elle pouvait influencer la réussite dans l'apprentissage de la lecture du langage.
Esthétique et sens. Suivant la tradition Berlyne, Smith et Cuddy (1986) ont examiné la plaisance d'une séquence mélodique comme fonction du nombre de répétitions. Shrotel et Brown (1989) ont étudié des discussions verbales de la musique sans limite de durée. Bartel (1988) a mis au point une échelle d'évaluation pour vérifier la réaction cognitive/affective à la musique. Au moyen d'échelles de différenciation sémantique, on a aussi apprécié la signification émotionnelle de la musique classique (Nowlan, 1988) et de la musique de film (Cohen, 1990). Thompson (1989) ainsi que Thompson et autres (1989) ont étudié la réaction esthétique au style individuel d'un interprète ou d'un compositeur. Wapnik (1980) ainsi que Wapnik et Rosenquist (1991) ont examiné la préférence pour certains aspects d'interprétation pianistique. Wapnik (1987) ainsi que Daoussis et McKelvie (1986) ont aussi étudié d'autres préférences.
Au fil des temps, la musique a typiquement été exécutée pour accompagner le chant, la danse et le théâtre. La musique de film en est un exemple contemporain; elle offre plusieurs facettes propres à la recherche psychologique (Cohen, 1990). Marshall et Cohen (1988) ont démontré l'influence des bandes sonores musicales sur la signification du film. Cohen et Dunphy (1990) ont étudié le rôle de la musique quant à la mémorisation du film. Ils ont examiné en particulier le film muet de l'ONFThe Railrodder et ont découvert que le cinéphile se rappelait la musique d'accompagnement même lorsqu'elle s'associait à un dialogue écrit, ce qui contredisait la théorie voulant que la musique de film ne soit pas « entendue » par les cinéphiles. MacLachlan et autres (1985) ainsi que Morrongiello et Roes (1990b) ont étudié chez l'enfant l'habileté à intégrer les mots aux musiquettes; Samson et Zatorre (1991) ont fait la même recherche chez l'adulte. Walker (1987, 1990b) a aussi passé en revue les relations entre les patterns musicaux et visuels.
Autres activités interdisciplinaires. S'il existe des liens entre les départements de musique et de psychologie au sein d'une même université (notamment, l'Université Queen's, l'Université de Dalhousie, l'Université de Victoria, l'Université de Western Ontario), il y en a aussi avec d'autres départements. Ainsi, à l'Université Simon Fraser, les départements de musique et d'ingénierie ont mis au point un logiciel pour la discrimination audiovisuelle. À l'Université de Waterloo, les départements de musique, d'ingénierie (conception des systèmes) et de kinésiologie ont uni leurs forces pour effectuer des recherches sur l'interprétation pianistique. Les chercheurs canadiens travaillent aussi avec des compatriotes et avec des chercheurs d'autres pays (notamment, Zattore de l'Université McGill avec Halpern de l'Université Bucknell; Unyk de l'Université de Toronto avec Carlsen de l'Université de Washington; MacKenzie de l'Université de Waterloo avec Gabrielsson de l'Université d'Uppsala). Ils oeuvrent aussi avec des chercheurs industriels (notamment, Walker de l'Université Simon Fraser avec des chercheurs de Roland Canada).
Aperçu. Au cours de la dernière décennie, le progrès de la psychologie de la musique au Canada est remarquable surtout si l'on tient compte des coupures budgétaires plutôt que de l'expansion qui ont eu cours au sein des universités. Une bonne partie du travail sur la tonalité musicale, la ségrégation en flux sonores, la perception du nourrisson a été innovatrice; les applications de la précision psychoacoustique aux questions musicales ont créé des normes à l'échelle internationale. Tout de même, il est clair qu'il reste beaucoup de pain sur la planche. De plus, en dépit d'une certaine collaboration entre les musiciens et les psychologues, on ne peut que constater qu'ils représentent deux camps ainsi que deux styles de travail et de discours. Aucun poste de professeur ne se partage entre les départements de psychologie et de musique; il y a peu de références croisées entre les travaux des départements de musique et de psychologie. Pourtant, il y a un éventail de possibilités au Canada pour l'interaction entre les approches musicales et psychologiques à la psychologie de la musique. Les fondations technologiques et théoriques sont en place autant pour les développemnts de cette discipline au Canada que pour l'établissement d'un plus grand dialogue entre les musiciens et les psychologues. Finalement, alors que le domaine de la psychologie de la musique est florissant au Canada, il n'existe pas encore de centre de recherche ou de centre interdisciplinaire scolaire désigné officiellement ou spécialisé en psychologie de la musique, tel qu'on en retrouve aux États-Unis et en France. Tout comme par le passé, le progrès dépend encore largement des initiatives continues de chaque individu.
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