Quatuor à cordes Hart House/Hart House String Quartet
Quatuor à cordes Hart House/Hart House String Quartet. Le plus célèbre ensemble de musique de chambre de la première moitié du XXe siècle au Canada et le premier à avoir été entièrement subventionné. Aucun de ses membres fondateurs n'était né au Canada. L'histoire du quatuor remonte au début de 1923 quand le violoniste Géza de Kresz, nouvellement arrivé à Toronto, se mit à travailler pour son plaisir avec l'altiste Milton Blackstone et le violoncelliste Boris Hambourg. Ce dernier avait joué avec de Kresz dans un quatuor d'étudiants en Belgique, sous la direction d'Ysaÿe, v. 1905-08. À l'initiative de Géza de Kresz, on chercha un second violoniste et Harry Adaskin fut choisi pour occuper ce poste. Après d'intenses répétitions, le groupe reçut de Vincent Massey la permission de donner son premier concert au théâtre Hart House, dans l'édifice donné à l'Université de Toronto par la fondation Massey. Le programme, présenté devant un auditoire d'invités le 27 avril 1924, comprenait l'op. 76 n 2 de Haydn et l'op. 95 et le mouvement lent de l'op. 74 de Beethoven. Augustus Bridle qualifia l'exécution de « magnifique et très bien rendue » (Toronto Daily Star, 28 avril 1924), tandis que le critique du Saturday Night (3 mai 1924) salua l'ensemble comme « la formation la plus prometteuse à avoir vu le jour à Toronto ». Le succès du concert incita la fondation Massey à conférer au quatuor un caractère permanent, garantissant un salaire aux instrumentistes tout en leur permettant de toucher tout surplus des recettes au guichet. C'est à ce moment que le groupe adopta le nom de Quatuor à cordes Hart House.
Blackstone (New York, 1894 - Toronto, 1974), établi à Toronto en 1911, étudia avec Luigi von Kunits, joua dans le TSO de Welsman et l'Academy String Quartet et fut le gérant d'affaires du quatuor jusqu'à ce que sa mauvaise santé l'oblige à se retirer en 1941. Les membres d'origine demeurèrent ensemble jusqu'en 1935, année où de Kresz quitta le quatuor. James Levey (1887-1955, ex violon solo de l'orchestre du Royal Albert Hall et premier violon du London String Quartet de 1917 à 1927) lui succéda. Adaskin démissionna en 1938 et fut remplacé par Adolph Koldofsky, à qui succéda Henry Milligan en 1942. En 1941, Blackstone fut remplacé par Allard de Ridder. Cyril Glyde remplaça ce dernier en 1944. Hambourg fut l'unique violoncelliste dans l'histoire du groupe. Occasionnellement, le quatuor partagea l'affiche avec un pianiste ou un chanteur : sir Ernest MacMillan, Campbell McInnes, Maurice Ravel ou Ernest Seitz.
Dans ses premières années, le quatuor présenta 10 récitals annuels à la Hart House et 10 autres au Convocation Hall de l'Université de Toronto. En 1938, il avait déjà effectué 12 tournées canadiennes et donné quelque 30 concerts à New York et plus de 100 ailleurs aux É.-U. En 1929, une tournée européenne comporta plus de 45 concerts en Belgique, en Angleterre (dont des émissions radiophoniques à la BBC), en France et aux Pays-Bas, tandis qu'une autre tournée (1936-37) conduisit l'ensemble aux États-Unis, au Mexique et à Cuba puis aux Pays-Bas, en Autriche, en Angleterre, en France, en Italie, en Scandinavie, en Écosse et en Union soviétique. En 1925, le quatuor signa un contrat de radiodiffusion avec le CNR et, en 1927, effectua une tournée transcanadienne réservée à des émissions radiophoniques du CNR. Il donna de nombreux récitals individuels à la radio et participa à des séries d'émissions de la SRC en 1938, 1939, 1940 et 1942.
Le répertoire était vaste et comprenait des oeuvre des époques classique et romantique aussi bien que de compositeurs du XXe siècle dont Debussy, Delius, Dohnányi, Hindemith, Kodály, Prokofiev, Schoenberg et bien d'autres. Avec le London String Quartet et le quatuor Kilbourn, le Quatuor à cordes Hart House participa à Toronto à un festival de quatuors à cordes à l'occasion du centenaire de la mort de Beethoven (13 octobre 1926-3 février 1927) et, durant la saison 1934-35, exécuta les derniers quatuors de Beethoven à Toronto et Buffalo. Le 25 octobre 1925, il joua en première canadienne le Quatuor n 1 de Bartók et, le 15 janvier 1928, interpréta à New York le Quatuor de Ravel, lors du concert au cours duquel ce dernier fit ses débuts de pianiste aux É.-U. Plus tard, l'ensemble se produisit en concert avec Ravel à Albany, N.Y., et Toronto. Il exécuta aussi plusieurs oeuvres canadiennes et créa le Quatuor à cordes en do mineur (8 février 1925) et Two Sketches pour quatuor à cordes d'Ernest MacMillan (1927), les arrangements de Dans Paris y a-t-une brune et J'ai cueilli la belle rose de Leo Smith (1927) et le Quatuor à cordes de George Bowles (1928). Les derniers concerts réguliers du quatuor eurent lieu à la Hart House les 12, 13 et 15 juin 1945. L'année suivante, trois concerts d'adieu furent présentés devant un public d'invités et radiodiffusés par la SRC. Le dernier de ces concerts, le 26 avril 1946 à la Hart House, avec Koldofsky comme premier violon (remplaçant Levey qui était souffrant) et Milligan comme second violon, comprenait des oeuvres de Vaughan Williams et sir John McEwen de même qu'une brève allocution de Boris Hambourg. Un enregistrement sur bande de cette manifestation est déposé à la Bibliothèque nationale du Canada.
Dès les débuts du quatuor, la qualité de son jeu fut hautement reconnue. Un critique du Herald Tribune (New York, 29 novembre 1925) écrivit : « ... les quatre instrumentistes semblaient avoir atteint une profonde unité de pensée aussi bien que d'exécution, et leur jeu était sensible, expressif et compétent. » Le groupe s'affirma comme l'un des quelque 12 meilleurs sur la scène internationale. Malgré les changements dans son personnel, il sut maintenir le degré d'excellence de ses premières années. Un compte rendu du Globe and Mail (Toronto, 24 octobre 1938) fait état de sa « perfection quasi absolue dans le fondu, l'équilibre, la précision, le style, le fini de l'exécution, l'interprétation magistrale... la texture soyeuse et la ravissante beaucé sonore », et, en 1944, les membres furent encore qualifiés de « grands artistes, individuellement et collectivement... » (The Telegram, Toronto, 27 novembre 1944).