Sandra Marie Perron, officière dans l’armée, femme d’affaires, défenseure des droits des femmes (née le 2 9décembre 1965, à Portage la Prairie, au Manitoba). Sandra Perron est entrée dans l’histoire en devenant la première officière d’infanterie de la Force régulière de l’Armée canadienne. Elle a ensuite rédigé un récit autobiographique sur les obstacles qu’elle a dû surmonter pour atteindre ses objectifs.
Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.
La Cadette Sandra Perron lors d’un exercice avec le Corps aéroporté de cadets royaux de l’Armée canadienne 2551, 1983.
Jeunesse
Sandra Perron est originaire d’une famille de militaires, ce qui l’amène à vivre dans différentes villes et villages du Canada, du Québec à la Colombie‑Britannique. De 1979 à 1984, elle fait partie des Cadets royaux de l’Armée canadienne à Edmonton, en Alberta, où elle atteint le grade de lieutenant. Elle est l’une des rares, parmi les cadets, à décrocher un insigne ailé de parachutiste du niveau élémentaire. Elle atteint également le niveau or du prestigieux Prix du Duc d’Édimbourg, un programme d’autoperfectionnement.
La Cadette Sandra Perron reçoit le trophée de la meilleure grimpeuse au camp des cadets royaux de l’Armée canadienne, Vernon, Colombie‑Britannique, été 1982.
Officière de la logistique
Sandra Perron intègre les Forces canadiennes en 1984, dans le cadre du Programme de formation des officiers de la Force régulière. Après une formation de base à la BFC Chilliwack, en Colombie‑Britannique, elle commence ses études à l’Université de Winnipeg. En été, elle suit des cours de logistique à la BFC Borden, en Ontario.
Au cours de son premier été à Borden, Sandra Perron est violée, dans sa chambre, par un étudiant plus âgé qu’elle; elle tombe enceinte et subit un avortement. Craignant d’être tenue pour responsable, elle ne signale pas ce qui lui est arrivé. En 1988, elle obtient un baccalauréat en économie. Elle est alors affectée au 5e Bataillon des services, à la BFC Valcartier, au Québec, en tant que lieutenant et officière des transports. Dès 1989, elle est promue au grade de capitaine.
Le Capitaine Sandra Perron pendant la phase 4 de la formation d’infanterie, à la BFC Gagetown, avec des condisciples qui la soutiennent, été 1991.
Formation d’officière d’infanterie
Lorsque les femmes sont acceptées en tant que combattantes, en 1989, Sandra Perron est transférée dans l’infanterie. En 1991, elle débute une formation en plusieurs phases à l’École d’infanterie à la BFC Gagetown, au Nouveau‑Brunswick. Dans ses mémoires, elle explique y avoir été harcelée et intimidée par d’autres étudiants suivant la même formation.
Sandra Perron subit des commentaires vulgaires, proférés à son encontre par plusieurs de ses camarades, et un certain nombre de brimades, comme le sabotage de son équipement et la rétention de renseignements essentiels. Dans son récit autobiographique, elle raconte avoir été faite « prisonnière » lors d’un exercice, à l’hiver 1992, attachée à un arbre, frappée et laissée étendue dans la neige pendant quatre heures, une partie du temps pieds nus.
Selon elle, ses pires bourreaux étaient les élèves‑officiers du Collège militaire royal du Canada, dont plusieurs seraient ensuite promus officiers supérieurs. À l’École d’infanterie, elle reçoit un soutien variable de la part du personnel et des instructeurs. D’une manière générale, elle estime que les adjudants et les sous‑officiers supérieurs lui ont offert plus d’assistance que les officiers.
Le Capitaine Sandra Perron a été attachée à un arbre lors d’un exercice de « prisonnier de guerre », au cours d’un entraînement de la phase 3 de la formation d’infanterie, à la BFC Gagetown, printemps 1991. Lorsque des photographies de cet incident ont été publiées en première page de plusieurs journaux, quelques années plus tard, elles ont provoqué une vague d’indignation universelle.
Service régimentaire
À la fin de sa formation d’infanterie, en 1992, Sandra Perron réalise le rêve de toute une vie en étant affectée au Royal 22e Régiment, le seul régiment d’infanterie francophone de la Force régulière au Canada, familièrement surnommé en anglais « Van Doos » (déformation de « vingt‑deux »). Elle prend part, à deux reprises, à des missions de maintien de la paix en ex‑Yougoslavie, de six mois, avec le 2e Bataillon du R 22e R. En Bosnie, en 1993, elle est officière adjointe aux opérations au quartier général du Bataillon. Ce poste, à sa plus grande frustration, la tient éloignée de la ligne de front.
Le Capitaine Sandra Perron à l’hôpital pour enfants de Fojnica, Bosnie, été 1993.
Après la Bosnie, Sandra Perron termine première parmi les élèves du cours sur les missiles antichars filoguidés à poursuite optique lancés par tube (TOW). On lui confie alors le commandement du peloton « TOW sous blindage » (TUA), une unité du Bataillon, montée dans des transports de troupes blindés, composée de 42 hommes. La période durant laquelle elle commande le peloton TUA, en Croatie, en 1995, représente le point culminant de sa carrière militaire. Elle reçoit des éloges pour la mise en place et la gestion efficaces d’un camp destiné à accueillir 800 réfugiés serbes.
Sandra Perron quitte l’Armée en 1996, après avoir été affectée à l’École d’infanterie, dans un poste qu’elle considère comme beaucoup trop mineur eu égard à son grade et à ses qualifications. S’il est vrai que son amour pour l’institution militaire ne s’est jamais démenti et qu’elle n’a jamais dénigré les Forces armées canadiennes, il n’en demeure pas moins que les microagressions subies au quotidien ont fini par avoir raison de sa fidélité.
Capitaine Sandra Perron dans la tourelle de commandement d’un TTB lors d’une patrouille, à l’occasion de son cours antiblindé, BFC Gagetown, automne 1994.
Instructrice des cadets
Sandra Perron fait un retour à ses racines, en 1996, lorsqu’elle intègre le Cadre des instructeurs de cadets (CIC), l’organisation qui forme les cadets. Elle est promue major en 1998 et quitte le CIC en 2003.
Autres carrières
Après sa libération de l’armée, Sandra Perron lance une société de conseil, puis travaille pour General Motors et pour le secteur aéronautique de Bombardier. Elle construit et exploite également une station‑service Petro‑Canada à Montréal. Elle obtient une maîtrise en relations internationales de l’University College de Dublin, en Irlande.
En 2000, Sandra Perron fonde Imagine, une organisation à but non lucratif ayant pour mission de soutenir une école d’orphelins en Tanzanie. En 2013, elle devient associée principale chez A New Dynamic Enterprise, une société de conseil d’Edmonton. Elle anime également des ateliers sur le leadership, la diversité et la gestion du stress après un incident grave.
Livre
En 2017, Sandra Perron publie Out Standing in the Field: A Memoir by Canada’s First Female Infantry Officer. Elle y décrit sa carrière militaire et les nombreuses difficultés qu’elle a rencontrées, ainsi que les barrières sexistes institutionnelles auxquelles elle a dû faire face, pendant sa formation à l’École d’infanterie et pendant son service régimentaire. Selon elle, la majorité des officiers ne pouvait pas accepter l’idée de la présence d’une femme au sein de ce bastion jusque‑là exclusivement masculin.
Le livre de Sandra Perron reçoit un excellent accueil, remportant, en 2017, le Mavis Gallant Prize for Non‑Fiction de la Quebec Writers’ Federation. La militante des droits de la personne et journaliste Sally Armstrong considère l’ouvrage comme « une lecture incontournable ». Le Globe and Mail en parle comme de « mémoires révélateurs et émouvants », tandis que Maclean’s estime qu’il s’agit d’un livre « remarquable ». L’ouvrage fait partie des 15 livres de la première sélection 2018 de l’émission Canada Reads de la CBC.
En 2018, le livre est publié en français sous le titre Seule au front: Un témoignage de la première officière de l’infanterie canadienne, la société québécoise de production GPA Films acquérant les droits cinématographiques.
Importance
Sandra Perron a ouvert la voie à un nombre considérable de femmes. Après elle, elles ont été nombreuses à servir dans l’infanterie en tant qu’officières, l’une d’entre elles, le Major Eleanor Taylor, ayant également commandé des troupes au combat (voir Femmes dans les forces armées).
Lors d’un dîner régimentaire des « Van Doo s», le Lieutenant‑général Maurice Baril, alors chef d’état‑major de l’Armée de terre et lui‑même ancien du R 22e R, déclare: « Le capitaine Perron était absolument unique! Elle aurait dû être reconnue comme l’un de nos meilleurs officiers et nous aurions dû faire tout ce qui était en notre pouvoir pour la garder avec nous. En fait, c’est pratiquement l’inverse que nous avons fait et nous devrions en avoir honte! »
Nominations
Présidente, Conseil consultatif du ministre de la Défense sur l’intégration des genres et l’équité en matière d’emploi, 1997‑2000
Membre, Conseil des gouverneurs du Collège militaire royal, Saint‑Jean, Québec, 2007‑2014
Membre, Conseil d’administration de la division du Québec du Corps canadien des commissionnaires, 2016 à ce jour
Lieutenant‑colonel honoraire, Le Régiment de Hull, 2019 à ce jour