Serinette
Serinette. « Opéra de festival », en deux actes, musique de Harry Somers, livret de James Reaney, commandé avec l'appui du CAC et du CAO à l'occasion du 10e anniversaire (1990) du festival Music at Sharon et spécialement conçu pour être présenté dans le temple des Enfants de la paix. Après la tenue d'un atelier de deux semaines qui culmina en une exécution en concert le 25 juin 1989, l'oeuvre reçut sa première représentation officielle au temple le 7 juillet 1990 et tint l'affiche pour neuf représentations. Elle fut radiodiffusée le 6 octobre1990 à l'émission « Saturday Afternoon at the Opera » sur les ondes de la SRC. Placée sous la direction musicale de Victor Feldbrill dans une mise en scène de Keith Turnbull, et des décors de Sue LePage, l'oeuvre attira un auditoire dépassant 80 p. cent de la capacité du temple (selon le Globe and Mail, Toronto, 17 août 1990), un record exceptionnel pour une oeuvre nouvelle.
Le livret de Reaney (Toronto 1990) s'inspire de personnages et d'événements survenus au début des années 1800 dans le Haut-Canada. Les conflits du Family Compact (politiques et religieux), le duel Ridout-Jarvis et l'établissement d'une communauté agricole utopique à Sharon par David Willson sont authentiques, mais le personnage central, Colin Jarvis, « frère cadet » de Samuel Jarvis, est un personnage fictif. L'oiseau mécanique importé d'Europe par la famille Jarvis de Toronto devient un symbole des désirs culturels d'une société coloniale qui apprend graduellement à « chanter sa propre chanson » comme dit Reaney. L'oeuvre demande 14 comédiens-chanteurs, dont la plupart tiennent plus d'un rôle, et un orchestre de chambre de 12 exécutants. La mise en scène originale utilisait l'extérieur comme l'intérieur du temple : chaque acte était précédé d'un défilé auquel participaient les interprètes et le public, alors que le finale était joué et chanté à l'intérieur du temple éclairé aux chandelles, le public observant la scène de la terrasse extérieure.
La partition de Somers évoque des airs d'hymnes, des chants favoris de l'époque et des numéros de fanfares typiques du Haut-Canada au XIXe siècle, parfois sous forme de citations. Quant à la forme, elle alterne entre les scènes qui font avancer l'action et les séquences plus cérémonielles. L'air récurrent de la « femme-oiseau » (la serinette du titre), particulièrement réussi, est un morceau de haute virtuosité atteignant le fa suraigu. Le tableau final, un choral original chanté sur un texte de Willson, est caractérisé par un trait typique chez Somers : un crescendo-decrescendo sur une note finale tenue à chaque partie, suivie d'accords séparés de long silences, dans le but de faire résonner les plafonds de bois du temple.