Services publics
Les services publics sont considérés comme des organismes si « étroitement liés à l'intérêt public » qu'il faut absolument les soumettre à une réglementation gouvernementale quant à l'entrée sur le marché, à la sortie du marché, aux tarifs à la clientèle, au taux de rendement accordé aux propriétaires et à la nécessité de bien desservir toute la clientèle du secteur d'exploitation (voir PROCESSUS RÉGLEMENTAIRE). Les entreprises responsables de la production et de la distribution de l'électricité, de la distribution du gaz naturel et de l'eau, des télécommunications (en particulier le service téléphonique), et des gazoducs (gaz, huile, biens et services) sont des entreprises de services publics. Certains considèrent que la câblodistribution fait aussi partie des services publics. À une autre époque, les chemins de fer, les silos à céréales, les traversiers et les ponts privés étaient aussi considérés comme des services publics.
Ce genre de services peut être la propriété d'investisseurs privés ou appartenir à des gouvernements par l'intermédiaire de SOCIÉTÉS DE LA COURONNE. Dans la plupart des provinces, ce sont des sociétés de la Couronne provinciales qui fournissent l'électricité à la population, tandis que le gaz destiné aux entreprises, aux particuliers et aux gazoducs relève, en grande partie, du secteur privé. Dans les trois provinces des Prairies, les services téléphoniques relèvent des sociétés de la Couronne. Cependant, dans le reste du Canada, ce sont des entreprises privées qui en assument la responsabilité (bien qu'elles soient soumises aux règlements édictés par le gouvernement).
Les motifs de l'intervention gouvernementale
L'argument qui revient le plus souvent pour justifier la réglementation des services publics est lié aux économies d'échelle importantes réalisées par ces entreprises. Le principe est de faire baisser le coût unitaire des produits et services lorsque la demande est forte. Puisqu'une grande entreprise peut facilement fournir des services à une population plus importante et à un coût moindre, des monopoles naturels s'ensuivent. Bien qu'un monopole soit, somme toute, plus efficace, le manque de concurrence peut parfois engendrer un certain abus envers les consommateurs (autant entreprises que particuliers), et ce, sur deux plans. Premièrement, les prix établis peuvent être bien supérieurs au coût de production, ce qui entraîne des profits excessifs pour les actionnaires de ces services.
Deuxièmement, le service peut occasionner le recours à des pratiques discriminatoires en ce qui concerne la fixation des prix, comme exiger des tarifs différents de deux groupes différents, alors que le coût pour les desservir est le même. Afin de prévenir ces problèmes, les organismes de réglementation gouvernementaux tentent d'exercer un contrôle lorsqu'une entreprise détient le monopole d'un marché donné, veillant ainsi à l'application de tarifs « justes et raisonnables ». Ils doivent s'assurer que ces tarifs ne sont pas « discriminatoires ou inéquitables » envers certaines catégories de clients.
On prétend par ailleurs que, puisque les services publics fournissent des services essentiels aux industries et à la population, tous ceux qui sont prêts à payer le prix devraient y avoir accès. La réglementation serait donc nécessaire pour maintenir les services essentiels.
En outre, les services publics exigent énormément de capitaux, puisque la valeur de leurs biens dépasse plusieurs fois leurs revenus annuels. De plus, les dépenses marginales nécessaires pour desservir une plus grande population (jusqu'à un certain seuil limite) sont minimes une fois le réseau en place. Les trois entreprises publiques de production d'électricité les plus importantes au Canada (qui font aussi partie des cinq plus importantes sociétés non financières du pays en termes d'actif) gèrent un actif qui représente de cinq à six fois leurs revenus annuels. Le coefficient des compagnies de téléphone est beaucoup plus bas (trois fois le revenu), tandis que celui des distributeurs de gaz naturel et des sociétés de gazoducs n'est que le double du revenu.
Dans la majorité des cas, les services publics n'offrent pas de produits qui peuvent être stockés, mais plutôt des services qui doivent être accessibles en tout temps. Par exemple, on doit pouvoir allumer les lumières à tout moment, sous peine de diminuer de beaucoup la valeur du service. Les consommateurs ne peuvent donc pas entreposer le produit pour l'utiliser plus tard. Par ailleurs, il n'existe pas souvent d'autres fournisseurs de services. Bien que les acheteurs industriels de grande envergure soient en mesure de trouver d'autres sources d'approvisionnement, les particuliers, eux, n'ont habituellement aucun recours lorsque les prix sont trop élevés ou que le service laisse à désirer.
Les raisons invoquées pour réglementer les services publics évoluent avec le temps, tout comme le statut des différents services. Par exemple, le transport ferroviaire, avant la croissance du transport par camion et par avion à l'aube de la Deuxième Guerre mondiale, était considéré comme un service public. L'évolution technologique rapide a remis sérieusement en question le caractère monopolistique d'un autre service public : les services de télécommunications interurbaines. Bien que la concurrence sur le marché canadien se limite aux services non vocaux, les organismes réglementaires fédéraux des États-Unis ont permis la concurrence dans l'ensemble des services interurbains. Même le service d'appels locaux, longtemps considéré comme un monopole naturel, est menacé par les sans fil et par la transmission directe par satellite qui arrive à contourner le central téléphonique.
Les autres mécanismes d'intervention
L'intervention gouvernementale se présente sous deux formes. Premièrement, les gouvernements peuvent nationaliser les moyens de production par la création de sociétés de la Couronne. En tant que propriétaires, les gouvernements peuvent fixer les tarifs et déterminer les conditions de service, bien qu'étatisation ne soit pas nécessairement synonyme de contrôle des prix. Deuxièmement, les gouvernements peuvent décider de laisser les services publics sous propriété privée, tout en instaurant un organisme de réglementation (commission ou office) qui veillera au bon fonctionnement des services. La régie publique relève plus de considérations pratiques qu'idéologiques. Normalement, on l'adopte après une longue expérience du secteur privé. Entre autres, le fait que les sociétés de la Couronne provinciales ne payent aucun impôt fédéral sur le revenu a été un facteur déterminant pour la nationalisation de l'électricité en Colombie-Britannique et au Québec dans les années 60.
Signalons que les entreprises publiques ne sont pas soustraites à la réglementation gouvernementale. À quelques exceptions près (Saskatchewan Telephone, HYDRO-QUÉBEC), la réglementation gouvernementale est imposée aux services tant publics que privés.
La réglementation des services publics
Les gouvernements réglementent les services publics par l'entremise d'organismes spécialisés (p. ex., le CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES, l'Office national de l'énergie et les diverses commissions provinciales de services publics) qui obtiennent leurs mandats directement du gouvernement au moyen de lois prévoyant un grand nombre des règles qui les régissent. Puisque leur fonction première est de prendre des décisions impartiales sur des points comme les tarifs, le rendement permis pour les propriétaires et l'entrée sur les marchés pertinents, la plupart des organismes de réglementation fonctionnent de façon quasi judiciaire (voir TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS).
Les décisions prises par ces organismes peuvent faire l'objet d'un appel auprès du Cabinet. Les organismes canadiens ont moins d'autonomie que leurs homologues américains. De plus, leur rôle en ce qui concerne l'élaboration des politiques est beaucoup plus restreint.
Premièrement, un organisme décide qui a le droit de prendre part à tel ou tel marché, comme dans le cas du prolongement d'un gazoduc dans un nouveau territoire. Prenons l'exemple de celui devant être construit entre Montréal et Halifax. C'est l'Office national de l'énergie (ONE) qui a présélectionné Gazoduc Trans Québec & Maritimes Inc. parmi plusieurs autres candidats. Deuxièmement, l'organisme doit juger à qui le service sur demande sera offert, puisqu'il est sous-entendu qu'on ne peut retirer le service une fois établi, du moins pas sans l'accord de l'organisme de réglementation. Toutefois, le travail de ces organismes consiste surtout à déterminer les tarifs des services publics. Pour établir des tarifs « raisonnables et équitables », l'organisme doit tenir compte de l'ensemble des revenus de l'entreprise et du tarif à payer par les différentes catégories de clients. Grâce à la tenue d'audiences publiques, l'organisme tente d'établir quels sont les frais engagés par le service public pour fournir le niveau de service approprié. Plus particulièrement, il s'agit de déterminer quel niveau de dépenses en capital est acceptable et quel devrait être le taux de rendement de l'entreprise sur sa « base tarifaire » (normalement la valeur après amortissement des installations et de l'équipement qui servent à fournir le service). Dans ce sens, l'organisme doit réglementer les profits monopolistiques, tout en s'assurant que le taux de rendement est suffisant pour attirer et conserver des capitaux dans l'entreprise. Une fois que l'organisme a établi une prévision des recettes de l'entreprise, il doit s'assurer que toutes les catégories de clients sont traitées de façon juste et équitable. Dans le cas de la téléphonie, c'est la sempiternelle question de savoir combien les entreprises (par rapport aux particuliers) doivent payer mensuellement pour le service téléphonique local.
Problèmes relatifs aux services publics et à leur réglementation
La réglementation des services publics par des organismes bénéficiant d'une indépendance presque totale est un processus long et sujet à de nombreuses critiques. Premièrement, parce que les services publics semblent pouvoir transmettre des coûts plus élevés à leur clientèle, ils n'ont pas à être aussi efficaces que des entreprises qui doivent faire face à des concurrents. Deuxièmement, certaines catégories de clients paient moins cher que le coût réel les services qu'elles reçoivent, alors que d'autres paient la différence. Par exemple, lorsqu'on compare les tarifs interurbains aux tarifs locaux, on constate que ce financement du local par l'interurbain semble faire partie de la réglementation téléphonique canadienne.
Troisièmement, on dit souvent que l'intérêt de la population n'est pas bien représenté auprès des organismes de réglementation et que ceux-ci n'en tiennent pas compte dans leurs décisions. Quatrièmement, les changements technologiques offrent l'occasion de remplacer la réglementation des services publics par la discipline d'un marché concurrentiel ou encore de faire une plus grande utilisation de la concurrence pour que les services offerts par les entreprises soient aussi efficaces que possible tout en s'adaptant aux changements des conditions économiques. Toutefois, les organismes de réglementation hésitent toujours à encourager une plus grande utilisation de la concurrence.
Cinquièmement, on accuse les organismes de réglementation de passer trop de temps à établir le taux de rendement permis au lieu de s'attarder au coût de production, afin de savoir s'il n'est pas trop élevé (la tâche difficile étant de juger si le service a choisi d'innover en utilisant la technologie la plus appropriée). Sixièmement, en établissant les tarifs que les services publics sont en droit de facturer, les organismes de réglementation se fondent sur le coût moyen historique du « capital enchâssé » (p. ex., les barrages électriques construits il y a 30 ans), au lieu d'évaluer la valeur actuelle des coûts marginaux. Voir aussi ÉLECTRICITÉ, SERVICES PUBLICS D'.