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Siège du fort William Henry

En 1755, les Britanniques ont construit le fort William Henry sur les rives du lac George, dans le nord-est de la colonie de New York. Il était situé à quelques lieues de la frontière de la Nouvelle-France et menaçait le fort Carillon. En août 1757, l’armée française, dirigée par le marquis de Montcalm, l’a assiégé. Après un siège de quelques jours, le commandant britannique George Monro a fini par capituler. Dans les heures qui suivent la reddition, les alliés autochtones des Français s’en sont pris à la garnison britannique. L’histoire retiendra ces événements sous le terme de « massacre du fort William Henry ».

Map representing the siege of Fort William Henry

Contexte historique

Dans le contexte de la guerre de Sept Ans, qui oppose de nouveau la France et la Grande-Bretagne, la campagne de 1757 s’annonce favorable pour les Français en Amérique. Tout d’abord, des renforts ainsi que des vivres sont arrivés de France au printemps. De plus, les années 1755 (victoire de la bataille de Monongahela) et 1756 (prise du fort Oswego) donnent une position avantageuse à la France. En 1757, le gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud de Vaudreuil, a pour objectif d’assiéger le fort William Henry, sur les bords du lac George (lac Saint-Sacrement pour les Français), qui menace fort Carillon.

En juillet 1757, le marquis Louis-Joseph de Montcalm prend le commandement des troupes françaises en direction du lac George. C’est plus de 8 000 hommes qui convergent vers le fort Carillon pour prendre part à cette campagne. De ce nombre, on compte environ 1 800 alliés autochtones « domiciliés » de la vallée du Saint-Laurent ou originaires des Pays d’en Haut. (Voir Sept Nations.) C’est un des plus importants contingents de guerriers autochtones à participer à une expédition militaire durant ce conflit. (Voir aussi Relations entre les Autochtones et les Français.) Le reste des effectifs est composé de soldats et d’officiers des troupes de terre et de la Marine, ainsi que de miliciens canadiens. (Voir aussi Capitaine de milice.)

Siège à l’européenne

Le départ du fort Carillon a lieu le 29 juillet pour le détachement de François-Gaston de Lévis, commandant de l’avant-garde, qui emprunte la voie terrestre. Les troupes du marquis de Montcalm partent le 1er août et suivent la voie navigable du lac George. On se donne rendez-vous le 2 août, à proximité du fort. Le déploiement de l’armée et la mise en place du siège commencent dès le lendemain.

La garnison du fort, dirigée par le lieutenant-colonel George Monro du 35e Régiment d’infanterie, s’élève à environ 2 300 hommes, sans compter les femmes, enfants, alliés autochtones des Britanniques et domestiques. Une partie de la garnison se trouve à l’intérieur des murs du fort, l’autre est retranchée dans un campement à proximité.

Le 3 août, le marquis de Montcalm envoie à son homologue britannique une proposition de capitulation. Rendu confiant à la suite de l’arrivée de renforts, le lieutenant-colonel George Monro répond qu’il ne craint pas l’armée française. Commence alors un siège à l’européenne. Bien que les canons du fort les bombardent, les Français entament l’excavation de tranchées dès le 4 août. Deux jours plus tard, une première batterie de canons pilonne le fort, puis le lendemain, une seconde s’ajoute.

Capitulation de la garnison britannique

Le 7 août, le marquis de Montcalm dépêche son aide de camp Louis-Antoine de Bougainville auprès du lieutenant-colonel George Monro pour lui remettre une lettre de son supérieur Daniel Webb interceptée quelques jours plus tôt par les alliés autochtones. Il lui conseille de capituler.

C’est le matin du 9 août que le fort demande à capituler en abordant un étendard blanc. Les termes de la reddition sont discutés puis signés vers la fin de l’avant-midi. Parmi les articles de la capitulation, on retrouve des garanties qu’un détachement de l’armée française escortera les Britanniques, avec leurs bagages, jusqu’au fort Edward, à quelques lieues. De plus, les militaires ne pourront servir contre la France et ses alliés pendant 18 mois. Tous les prisonniers français, canadiens et autochtones capturés depuis le début de la guerre devront également être rendus avant trois mois. Ces termes sont avantageux pour les vainqueurs et généreux pour les vaincus.

Guerre autochtone parallèle

Bien que les Autochtones soient alliés avec les Français, leur guerre est une guerre parallèle à celle des Européens. Elle ne va pas à l’encontre des visées françaises, mais elle privilégie l’atteinte d’objectifs autochtones. (Voir Relations entre les Autochtones et les Français.) La victoire autochtone doit réunir quatre conditions : faire des captifs, prendre des chevelures ou « scalps » et acquérir du matériel ― trois pratiques qui sont des symboles de leur participation à la campagne militaire ― tout en ayant le moins de morts possible.

Au courant de l’après-midi du 9 août, quelques alliés autochtones pillent et importunent des Britanniques blessés et malades dans le fort.

Tôt le matin du 10 août, une poignée d’alliés autochtones se rendent à l’hôpital de fortune du fort. Ils s’en prennent aux blessés et malades britanniques. Au même moment, dans le cimetière avoisinant, d’autres alliés déterrent les corps des personnes mortes de la variole ou de blessures de guerre. Ils s’emparent surtout de chevelures.

Quelques instants plus tard, plusieurs alliés assistent au retrait de la garnison défaite. L’escorte française, promise par les termes de la capitulation, n’est pas suffisamment nombreuse pour contenir la curiosité des alliés. Ces derniers essaient de saisir les bagages et vêtements des soldats. Les officiers britanniques leur donnent l’ordre d’abandonner leurs effets aux Autochtones. Le peu d’opposition encourage les alliés qui attaquent la garnison en déroute. Les officiers français et canadiens, les interprètes et les missionnaires, alertés par des Britanniques en fuite, tentent de maîtriser leurs alliés sans succès.

On dénombre une cinquantaine de morts et plus de 500 captifs. Le marquis de Montcalm en rachète une partie sur place et le gouverneur Vaudreuil fera de même, à Montréal, quelques jours plus tard. On estime que moins d’une centaine de Britanniques seront adoptés, torturés ou mis en esclavage par les alliés autochtones.

Avant la fin de la journée du 10 août, les alliés quittent les rives du lac George pour retourner à Montréal ou dans les Pays d’en Haut. La campagne militaire est terminée pour eux. Ils possèdent de prestigieuses preuves de leur bravoure.

L’armée française détruit les murs du fort William Henry pour éviter que l’ennemi britannique puisse s’en servir pour lancer une attaque contre la Nouvelle-France. À leur départ, le 15 août, les Français laissent derrière eux les ruines du fort construit à peine deux ans auparavant.

Conséquences

Les conséquences des événements des 9 et 10 août 1757 sont diplomatique et géopolitique, mais surtout démographique. Dans les mois suivants, les Britanniques refuseront d’honorer les termes de la capitulation puisque, d’entrée de jeu, les Français ne les ont pas respectés. De plus, la destruction du fort retarde momentanément la marche de l’armée britannique vers le Canada. Toutefois, dès 1758, James Abercromby y fait halte en route vers le fort Carillon. Finalement, les captifs d’origine britannique, ramenés dans les nations alliées, vont concourir à la propagation du contagieux virus de la variole. Affaiblies, ces nations ne seront pas en mesure de fournir des guerriers pour les campagnes de 1758 et 1759. Cela contribuera à l’avantage décisif que prendront les Britanniques à partir de 1758 dans la guerre de Sept Ans. (Voir Conquête.)

La construction de la mémoire des événements du fort William Henry débute dans les jours suivants l’attaque de la garnison. Les autorités britanniques ordonnent la publication d’un récit sensationnaliste dans les journaux coloniaux, récit qui alimente la crainte des alliés autochtones et le désir de vengeance. Il inspirera également James Fenimore Cooper pour son roman The Last of the Mohicans (Le dernier des Mohicans) publié en 1826. Plusieurs adaptations cinématographiques de cette œuvre voient également le jour.