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Henry Herbert Stevens

Henry « Harry » Herbert Stevens, homme d’affaires, politicien, ministre fédéral (né le 8 décembre 1878 à Bristol, en Angleterre; décédé le 14 juin 1973 à Vancouver, en Colombie-Britannique). Henry Herbert Stevens a été conseiller municipal de Vancouver et, pendant de nombreuses années, député puis ministre du Cabinet fédéral. Il a été un des principaux acteurs de l’affaire King-Byng et du refoulement du Komagata Maru. Fervent adversaire de l’immigration, de la communauté chinoise de Vancouver et des Premières Nations de la Colombie-Britannique, il souhaitait que le Canada demeure un « pays d’hommes blancs ». (Voir aussi Racisme; Préjugés et discrimination au Canada.) Il a aussi été le fondateur et le chef de l’éphémère Reconstruction Party.

Jeunesse et origines familiales

En 1887, alors que Henry Herbert Stevens est âgé de neuf ans, son père veuf quitte Bristol, en Angleterre, et l’amène avec ses deux sœurs et son grand frère à Peterborough, en Ontario. En 1894, souhaitant améliorer sa situation, son père installe sa famille à Vernon, en Colombie-Britannique.

Jeune homme, Henry Stevens occupe plusieurs emplois jusqu’à ce que le goût de l’aventure le pousse à s’engager dans la section de transport de l’armée américaine. Il sert en tant que volontaire aux Philippines, puis en Chine pendant la révolte des Boxeurs.

Henry Herbert Stevens revient en Colombie-Britannique en 1901. Quelques années plus tard, il achète une épicerie à Vancouver. Il devient ensuite comptable pour une société de fiducie et fonde une prospère société de courtage, Vancouver Holdings, qui se spécialise dans la comptabilité, les assurances et l’immobilier. Henry Stevens épouse Gertrude Glover en 1905. Ils ont cinq enfants ensemble.

Début de carrière politique

Henry Herbert Stevens se joint au Parti conservateur en 1903. Il remporte l’élection au conseil municipal de Vancouver en 1909 et lance un petit journal, le Western Call, en 1910. Celui-ci est souvent centré sur ce qu’il appelle le « problème du Chinatown », à savoir l’existence de commerces illégaux, administrés par des entrepreneurs chinois, qui offrent des jeux d’argent, de l’alcool et de l’opium.

Côté ouest de la rue Carrall dans le quartier chinois de Vancouver, 1906.

Politique fédérale

Lors de l’élection fédérale de 1911, Henry Herbert Stevens se porte candidat pour le Parti conservateur et remporte le siège de Vancouver. Dans son discours inaugural à la Chambre des communes, il en appelle à un resserrement des lois sur l’immigration. Son objectif reconnu est que le Canada demeure « un pays d’hommes blancs, et non un terrain à exploiter par les Asiatiques ». Il obtient également des fonds fédéraux pour améliorer le port de Vancouver et s’efforce d’attirer des contrats de défense pour les entreprises de Colombie-Britannique pendant la Première Guerre mondiale.

Affaire du Komagata Maru

Le 23 mai 1914, le SS Komagata Maru arrive à Vancouver. Les 376 passagers sont des sujets britanniques de l’Inde. Les lois d’immigration restrictives interdisent l’entrée du Canada à quiconque n’arrive pas directement de son pays natal. Toutes les personnes provenant de l’Asie du Sud sont de facto exclues car aucune compagnie maritime n’offre un trajet direct de l’Inde au Canada. Un homme d’affaires pendjabi, Gurdit Singh, a décidé d’affréter le Komagata Maru pour un voyage qui le conduira de l’Inde au Canada (avec des escales en Chine et au Japon), afin de défier directement la loi.

L’affrontement qui en résulte s’enlise pendant deux mois, au cours desquels le bateau demeure immobilisé dans la baie English. Les agents d’immigration de Vancouver refusent d’autoriser les passagers à débarquer. Un des principaux opposants au Komagata Maru, Henry Herbert Stevens préconise énergiquement l’expulsion des voyageurs. L’affaire est finalement réglée le 6 juillet par un jugement du tribunal qui ordonne aux passagers de quitter le Canada. Henry Herbert Stevens approuve le jugement et déclare que cela est nécessaire pour empêcher les immigrants de « submerger ce pays ainsi que la race blanche ». Le Komagata Maru est contraint de retourner en Inde, où 20 des passagers sont tués dans une altercation avec la police britannique indienne. (Voir aussi Vancouver en vedette : Des migrants sikhs bloqués dans le port.)

Affaire King-Byng

En septembre 1921, Henry Herbert Stevens est nommé ministre du Commerce, mais son passage dans le Cabinet est de courte durée. Tandis qu’il remporte son siège de Vancouver Centre dans l’élection de décembre 1921, les conservateurs d’Arthur Meighen sont battus par le Parti libéral, dirigé par William Lyon Mackenzie King.

Henry Herbert Stevens est réélu en 1925. Il joue un rôle important en révélant un scandale au ministère des Douanes du gouvernement King. Le comité formé à la suite de ses accusations est déchiré pendant des mois par des débats virulents, conduisant finalement Mackenzie King à demander au gouverneur général Julian Byng de déclencher une élection. Le gouverneur général refuse. Le 29 juin 1926, Julian Byng demande à Arthur Meighen de former un gouvernement. (Voir Affaire King-Byng.)

Arthur Meighen nomme Henry Herbert Stevens ministre par intérim des Douanes, de l’Intérieur, des Mines, du Commerce et de l’Agriculture. Il le nomme aussi surintendant général des Affaires indiennes. Mais Mackenzie King met en cause la constitutionnalité du nouveau gouvernement et impose un vote de non-confiance, puis une nouvelle élection. Le 14 septembre 1926, les électeurs reconduisent le gouvernement King au pouvoir. Henry Stevens est réélu dans l’opposition.

Vicomte Byng de Vimy

Revendications territoriales de Premières Nations, 1927

En 1927, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes est formé pour étudier une pétition de revendication territoriale déposée un an plus tôt par des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Manifestement, Henry Herbert Stevens domine le comité par son hostilité continuelle au Conseil des Premières Nations. Le comité conclut que le Conseil des Premières Nations n’a pas réussi à démontrer la valeur du titre juridique du territoire en cause. Il recommande que l’affaire soit classée et que les parties présentant des réclamations de titres autochtones ne puissent à l’avenir recevoir des fonds pour le faire. Il recommande l’octroi d’une allocation annuelle de 100 000 $ aux Premières Nations de la Colombie-Britannique devant servir à l’éducation, aux soins de santé et à l’agriculture.

Gouvernement Bennett

En 1930, le Parti conservateur dirigé par R.B. Bennett obtient un gouvernement majoritaire. Cependant, Henry Herbert Stevens perd son siège. Richard Bennett, qui a déjà partagé un bureau et un pupitre à la Chambre des communes avec Stevens, a été impressionné par ses aptitudes. Désireux d’avoir un vieil ami à ses côtés, il nomme Henry Herbert Stevens ministre du Commerce. Afin de libérer un siège pour lui, il offre au député conservateur de Kootenay East une nomination partisane et déclenche une élection partielle pour le siège vacant. Henry Herbert Stevens est élu par acclamation.

Richard Bedford Bennett

Affrontement avec Richard Bennett et la grande entreprise

En janvier 1934, dans un discours présenté à une réunion de l’Association nationale des détaillants de chaussures du Canada, Henry Herbert Stevens accuse les grands magasins à rayons d’utiliser leur pouvoir d’achat pour demander des concessions de prix aux manufacturiers. Le résultat est que les petits commerces indépendants sont incapables d’affronter cette concurrence et, dans beaucoup de cas, font faillite. Richard Bennett est mécontent que Henry Stevens ait présenté ce discours sans le faire approuver au préalable par le Cabinet. Henry Stevens offre sa démission, mais le départ d’un ministre du Cabinet aussi important serait politiquement dommageable pour un gouvernement de plus en plus impopulaire. Richard Bennett décide plutôt de créer un comité parlementaire pour enquêter sur la détermination des prix, et en confie la présidence à Henry Stevens.

Les audiences publiques du Comité sur l’écart des prix et l’achat en quantité s’étendent sur 18 semaines. Les conclusions du comité conduisent à la création de la Commission royale sur l’écart des prix et l’achat en quantité, aussi présidée par Henry Herbert Stevens. Cependant, les leaders de la grande entreprise, dont plusieurs sont d’importants partisans du Parti conservateur, se plaignent au premier ministre que Henry Stevens entache leur réputation. La situation devient intenable lorsque Henry Stevens publie un pamphlet résumant les conclusions de la Commission, avant même que ses travaux ne soient terminés. Apprenant l’existence du pamphlet, Richard Bennett tente de récupérer toutes les copies déjà distribuées. Quand le contenu du pamphlet est publié par le Winnipeg Free Press, Henry Herbert Stevens est durement critiqué dans le caucus du Parti conservateur. Richard Bennett demande à Henry Stevens de se rétracter quant aux points les plus incendiaires du pamphlet. Stevens refuse. Le premier ministre annonce alors que Henry Stevens a démissionné du Cabinet.

Reconstruction Party

Alors que les travaux d’Henry Herbert Stevens au sein de la Commission royale sur l’écart des prix et l’achat en quantité se poursuivent, sa relation avec Richard Bennett se détériore encore plus. Quand le gouvernement Bennett propose une législation pour répondre aux problèmes révélés par la Commission, Stevens juge que les propositions sont insuffisantes.

Beaucoup de Canadiens et Canadiennes croient que Henry Herbert Stevens défend leurs intérêts en affrontant la puissante grande entreprise. Le 7 juillet 1935, Stevens annonce la création du Reconstruction Party dont il est le chef. Le manifeste du parti propose de renforcer le rôle du gouvernement pour réglementer la grande entreprise et soutenir les travailleurs canadiens.

Henry Herbert Stevens quitte le Parti conservateur. Des candidats du Reconstruction Party sont choisis dans tout le pays en vue de l’élection fédérale du 14 octobre 1935. Mais les libéraux de Mackenzie King remportent l’élection et forment un gouvernement majoritaire. Le Reconstruction Party reçoit 8,9 % du vote populaire. Henry Herbert Stevens est le seul candidat du parti à remporter un siège.

Années ultérieures

Henry Herbert Stevens revient à la Chambre des communes en tant que député d’opposition, mais le Reconstruction Party s’effondre. Stevens retourne dans le caucus conservateur en janvier 1938 mais il perd son siège dans l’élection de 1940. Il est battu à nouveau en 1949. Henry Herbert Stevens travaille ensuite pour plusieurs groupes de services locaux, dont la Chambre de commerce de Vancouver, dont il assure la présidence. Il meurt le 14 juin 1973.

Postérité

En août 2019, la ministre des Services publics Carla Qualtrough et le ministre de la Défense Harjit Sajjan annoncent que l’édifice fédéral situé au 125, 10e Avenue Est, à Vancouver, ne s’appellera plus l’édifice Henry Herbert Stevens. Au cours d’une brève cérémonie, le retrait du nom de l’édifice est présenté comme un « geste symbolique de réconciliation pour les victimes de l’incident du Komagata Maru ». L’incident est aussi immortalisé par le musicien de jazz Michael Blake, arrière-petit-neveu de Henry Herbert Stevens, dans sa suite musicale de 2016 intitulée The Komagata Maru Blues.

Voir aussi Komagata Maru; Vancouver en vedette : Des migrants sikhs bloqués dans le port.