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Suerie

Les sueries sont des huttes chauffées, en forme de dôme, utilisées par les Autochtones durant certains rites de purification et pour promouvoir une vie saine.

Qu’est-ce qu’une suerie?

Les sueries sont des huttes chauffées, en forme de dôme, utilisées par les Autochtones durant certains rites de purification et pour promouvoir une vie saine. La chaleur intense qui y règne – générée le plus souvent en vaporisant de l’eau sur des roches préchauffées – a pour but de favoriser la transpiration pour se débarrasser des toxines et de l’énergie négative associées au désordre et au déséquilibre. La cérémonie de la suerie a ainsi pour vocation de purifier le corps, l’esprit et l’âme.

Les sueries diffèrent légèrement entre elles, suivant les communautés ou les personnes qui s’en servent, et les fins pour lesquelles elles sont utilisées. Certaines cérémonies de suerie sont par exemple réservées aux hommes, aux femmes, aux enfants ou aux membres de certains clans. La suerie peut aussi, à l’occasion, être ouverte à tous. Il existe aussi des séances de suerie particulières pour les rituels de jeûne, ou pour la célébration de la danse du soleil ou d’autres événements culturels.

Malgré ces différences, les cérémonies de suerie partagent toutes d’importantes caractéristiques. En premier lieu, les sueries sont des lieux sacrés, assimilés au ventre de la Terre-Mère. Les cérémonies de suerie donnent donc lieu à des expériences profondément spirituelles et culturelles pour nombre de leurs pratiquants. C’est pourquoi elles sont dirigées par des opérateurs spécialisés – quelques fois appelées gardiens, souvent un aîné ou un guérisseur –, qui connaissent bien les pratiques traditionnelles de guérison et de suerie. L’opérateur sait comment effectuer une séance de suerie de manière sécuritaire et efficace et à des fins spécifiques. La grande majorité des opérateurs ne font pas payer les participants à la suerie, mais il est d’usage de leur offrir des vêtements ou du tabac en reconnaissance de leurs services. L’objectif de la suerie n’est pas de générer des revenus, mais de guérir et de purifier. Les aînés mettent fortement en garde contre ceux qui se présentent comme des guérisseurs, mais qui n’ont pas suivi l’enseignement sacré. Les sueries non traditionnelles peuvent être dangereuses. Le 8 octobre 2009, par exemple, trois participants à une suerie sont décédés lors d’une retraite communautaire de style nouvel âge, « Spiritual Warrior », près de Sedona, en Arizona. (Voir aussi Autochtones : religion et spiritualité.)

Comment les sueries sont-elles construites?

Construction d'une suerie

On a répertorié deux techniques traditionnelles de suerie, chacune étant associée à un type particulier de construction. Les Autochtones d’Alaska, de Californie et de plusieurs régions d’Amérique centrale utilisent un système d’exposition direct au feu à l’intérieur d’un petit abri souvent semi-souterrain. Le système plus commun, utilisé par la plupart des Autochtones au Canada, consiste à chauffer des pierres dans un feu, à les placer à l’intérieur d’une petite structure en forme de dôme drapée de peaux de bison ou de cerf, et à verser de l’eau dessus pour produire de la vapeur. Les sueries à exposition directe au feu servaient aussi de lieu de réunion pour les hommes, tandis que les huttes à vapeur n’étaient le plus souvent utilisées que par une seule personne.

Aujourd’hui, les sueries chauffées par la vaporisation d’eau sur des roches chaudes sont les plus communes. La majorité des structures modernes sont faites en bois et sont recouvertes de bâches et de couvertures. Du tabac est généralement placé quelque part sous la base de la structure. À l’extérieur de la structure se trouvent des autels et le lieu sacré où sont gardées les roches chauffées qui serviront à la cérémonie. L’entrée de la hutte fait souvent face à l’Est, mais cette orientation diffère suivant l’opérateur. Certains enseignements préconisent en effet une autre orientation, ou une orientation variable tout au long de l’année.

Comment les sueries sont-elles utilisées?

Les opérateurs indiquent aux participants la meilleure manière de se préparer à la suerie. Habituellement, il leur conseille de s’abstenir d’absorber de l’alcool ou des drogues avant la suerie. Après avoir offert un cadeau à l’opérateur et avant d’entrer dans la suerie, les participants offrent également des offrandes à l’autel installé à l’extérieur de la hutte, ainsi qu’aux Grands-Mères et aux Grands-Pères – les roches chauffées. Le gardien du feu est chargé de chauffer les pierres et de les placer à l’intérieur du foyer installé au centre de la hutte. D’autres articles sont introduits à l’intérieur de la hutte, tels que de l’eau (qui sera versée sur les pierres pour produire la vapeur), du tabac (une offrande sacrée), des plantes médicinales ainsi que des hochets et des tambours (utilisés durant les prières).

Une fois à l’intérieur, les participants s’assoient en cercle autour du foyer et y restent un certain temps, le plus souvent quelques heures, durée qui dépend de l’objet de la suerie et que l’opérateur détermine lui-même. Le gardien du feu ferme la porte avant le début de la cérémonie. De la musique est jouée et des prières sont récitées durant toute la cérémonie, afin d’inviter les esprits guérisseurs à l’intérieur de la hutte. Chacun à leur tour, les participants sont ensuite invités à se présenter et à expliquer les raisons de leur présence dans la suerie. C’est pour eux l’occasion de s’adresser au Créateur, de partager certaines anecdotes personnelles et de méditer sur la vie. À la fin de la cérémonie, l’opérateur récite quelques prières pour remercier le Créateur et les esprits. À ce moment, les aînés peuvent également fumer du tabac à l’aide de pipes sacrées. Le gardien du feu ouvre alors la porte de la hutte.

Considérée comme éclairante et purifiante, l’expérience de la suerie a également été décrite comme une épreuve difficile sur les plans physique et mental. La chaleur et la noirceur à l’intérieur de la hutte peuvent être intenses pour certains participants. La température, combinée à l’expérience spirituelle, a parfois engendré des hallucinations. La suerie pousse également les participants à l’introspection, à la prise de conscience des conflits qui les travaillent, une expérience qui peut être aussi difficile qu’enrichissante. Certains participants ont également décrit la suerie comme étant un moyen d’entrer en contact avec la Terre-Mère en utilisant les éléments naturels que sont le feu, la terre, l’air et l’eau pour soigner et purifier.

Pourquoi les sueries sont-elles importantes?

Pour les Autochtones, la suerie sert plusieurs objectifs : spirituel, culturel et pratique. C’est un lieu qui permet d’entrer en contact avec le Créateur et la nature, et de restaurer ordre et équilibre dans la vie de chacun. La suerie est également un endroit où l’on peut établir un lien intime avec le patrimoine et la culture autochtone. Jusqu’en 1951, la Loi sur les Indiens interdit l’usage des sueries au Canada. La hutte utilisée pour la suerie est donc un symbole de résilience et de résurgence culturelles. Les sueries sont également utilisées à des fins de guérison et pour certaines personnes, elles ont été des vecteurs importants pour leur rétablissement et leur bonne santé générale. Les non-Autochtones participent aussi parfois aux cérémonies des sueries et peuvent également en bénéficier. Les aînés demandent cependant de prendre garde à ne pas traiter les sueries comme des attractions touristiques. Ils se disent néanmoins ouverts, pour la plupart, à tous ceux qui comprennent et respectent en quoi consiste le rituel.

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