Catherine Sutton (née Sonego ou Sunegoo ; parfois appelée Nahnee ou Nahneebahwequa, qui signifie « femme honnête »), écrivaine, missionnaire méthodisteet militante politique anishinaabe des Mississaugas (née en 1824 dans les plaines de la rivière Credit, dans le Haut Canada ; décédée le 26 septembre 1865 dans le canton de Sarawak du comté de Grey, dans le Canada Ouest). Catherine Sutton a milité pour son peuple à une époque où des politiques assimilatrices officielles détérioraient les droits culturels, politiques et économiques des Autochtones au Canada.
Jeunesse
À sa naissance, Catherine Sonego s’appelle Nahneebahwequa (ou Nahnebahnwequay), nom donné par un aîné ojibwé qui y a rêvé. D’ailleurs, les coutumes et traditions ojibwées occupent une place importante dans son éducation. Jeune fille, elle aide sa mère Molly Cran (aussi appelée Polly ou Mary) du clan de la Loutre à préparer des remèdes à base de plantes. Elle entretient aussi une étroite relation avec sa grand‑mère maternelle, qui lui transmet un savoir des droits et des traditions ojibwés.
Vie à la mission de la rivière Credit
Dès l’âge de deux ans, Catherine Sonogo habite à la mission de la rivière Credit, une colonie d’environ 200 Ojibwés convertis au christianisme (méthodisme) comptant aussi des missionnaires, des interprètes et des enseignants.
Le père de Catherine Sonego, Bunch Sonego, est converti très tôt au christianisme. Né en 1804, il est alors membre du clan de l’Aigle, le plus grand clan des Mississaugas de la mission de la rivière Credit.
Alors que Catherine n’est qu’une enfant, la majorité de la fratrie Sonego est emportée par la maladie, tandis qu’un autre meurt de noyade. La seule autre survivante, sa sœur Mary, naît alors que Catherine a 18 ans, en 1842. Avant l’ère de la vaccination, les maladies et les épidémies sont courantes dans la population de la mission. De plus, les maladies contagieuses venues d’Europe, contre lesquelles les Autochtones n’ont aucune résistance, déciment les populations autochtones en Amérique du Nord après leurs premiers contacts avec les Européens. Désillusionné par la mort de ses enfants et déplorant les fausses promesses du christianisme, Bunch Sonego sombre dans l’alcoolisme. Toutefois, sa femme demeure fortement dévouée à sa famille, à sa communauté et à sa mission méthodiste.
Vie à l’école de mission
À son école et son église méthodistes, Catherine Sonego, surnommée Nahnee par ses amies, est renommée Catherine Brown en l’honneur de l’un des premiers Cherokee convertis au christianisme. Son éducation à l’école de mission est eurocentrique et suit une politique d’assimilation. Bien que quelques familles conservent leurs visions ancestrales, les élèves, eux, n’ont pas le droit de pratiquer leurs coutumes ancestrales (voir aussi Pensionnats indiens).
Premier voyage missionnaire
Catherine Sonego est très proche de son oncle Peter Jones (aussi connu sous le nom ojibwé Kahkewaquonaby), qui est le premier ministre méthodiste chez les Ojibwés. Tout comme sa nièce, Peter Jones habite à la mission de la rivière Credit avec sa femme britannique, Eliza Jones, après leur mariage en 1833. Ne pouvant pas enfanter, Eliza Jones tisse des liens maternels avec les jeunes filles du village, y compris avec la jeune Catherine.
À l’âge de 13 ans, avec la permission de ses parents, Catherine Sonego accompagne le couple Jones en mission transatlantique. Le trio réside un an à Lambeth, en Angleterre, où son oncle milite et amasse des fonds pour les missions chrétiennes. Durant cette période, Peter Jones soumet aussi une pétition à la Couronne britannique pour que les terres occupées par la mission soient transférées à celle‑ci. Cependant, même après une rencontre avec la reine Victoria en septembre 1838, la pétition ne mène à rien.
N’aimant pas le climat en Angleterre, Catherine Sonego rentre au Haut‑Canada en 1839, avant le couple Jones. Ce premier voyage contribue sans doute à forger le rôle de militante qu’elle s’apprête à jouer. D’ailleurs, grâce à son immersion dans la culture et la société anglaise, Catherine Sonego acquiert des connaissances qui lui donneront une confiance stratégique dans sa lutte pour les droits des Autochtones.
Vie familiale et matrimoniale
À son retour à la mission de la rivière Credit, Catherine Sonego marie William Sutton, un cordonnier et méthodiste anglais originaire de Lincolnshire, en Angleterre. Rallié à la cause de Peter Jones, William Sutton n’est peut‑être pas autochtone, mais il manifeste néanmoins un grand intérêt pour le bien‑être des peuples autochtones. De ce mariage naissent huit enfants : Joseph, Catherine, Sophia, Wesley, Margaret, Alsop, Ainsley et Christine.
Initiative méthodiste
À d’environ 20 ans, Catherine Sutton devient responsable d’une initiative d’enseignement méthodiste, dans le cadre de laquelle elle accompagne un groupe de femmes dans leur prière hebdomadaire et leur vie chrétienne. Elle prononce également un discours lors d’une fête cérémoniale qui clôt une réunion de camp près de la mission de la Credit en 1844.
Relocalisation de la mission
Après que la Couronne refuse d’accorder les titres fonciers des terres qu’elle occupe, la mission de la rivière Credit décide de déménager. La famille Sutton, y compris Polly Crane, la mère désormais veuve de Catherine, et sa sœur de trois ans, Mary, s’installe sur la péninsule Saugeen à l’hiver 1846.
Malgré la difficulté qu’elle éprouve à partir, la famille Sutton est animée par l’espoir d’acquérir de nouvelles terres dont jouiront les générations futures. Pour accroître leur population, les Ojibwés de Nawash promettent aux Ojibwés de la mission Credit et à leurs héritiers légaux une terre près de la baie Georgienne. La famille Sutton est l’une des trois familles à accepter l’offre, tandis que d’autres membres de la mission choisissent de se joindre aux Haudenosaunee de la rivière Grand, qui sont installés plus près de l’ancienne mission dans une colonie appelée New Mission.
Vie à la péninsule Saugeen
En juin 1847, la famille Sutton s’installe sur la péninsule Saugeen. Catherine et William Sutton entreprennent alors des travaux intensifs sur leur terre de 200 acres, où ils construisent également une maison, pour la préparer à la culture et l’élevage. À cette époque, la mère de Catherine, Polly, se remarie et donne naissance à deux autres enfants. Avec son mari, Joseph Kaikaike, elle s’installe sur une parcelle de la terre des Sutton.
À l’hiver 1848, Catherine Sutton tombe malade. Bien qu’elle se remette de la maladie, la rudesse et l’isolement de la vie sur la péninsule ont raison de sa famille, qui déménage plus près du village de Nawash en 1852. La famille est acceptée par les Ojibwés de Nawash et perçoit des pensions de la bande.
Déménagements à Sault Ste. Marie et Shawville
En 1852, on demande à la famille Sutton d’accompagner une mission méthodiste dans le Nord. La famille s’installe donc dans une colonie près de Sault Ste. Marie. Le séjour ne dure qu’un temps, puisque William Sutton éprouve des difficultés à décrocher un emploi fiable.
Deux ans plus tard, la famille s’installe dans une mission méthodiste à Shawville, au Michigan, où Catherine Sutton travaille comme interprète pour les missionnaires.
Violation des titres et droits ancestraux
Lorsque la famille Sutton revient dans la région d’Owen Sound en 1857, elle se retrouve en situation de crise : leur terre a été vendue par le gouvernement fédéral après que certains Ojibwés de leur clan ont signé un traité cédant leurs titres ancestraux ( voir aussi Traités autochtones au Canada). Les autres ojibwés, quant à eux, affirment que les signataires du traité n’avaient pas l’autorité de prendre une telle décision.
Catherine Sutton et sa famille ne détiennent donc plus les droits à la terre sur lesquelles elles ont vécu autrefois. Bien que le ministère des Affaires indiennes s’engage à faire des concessions à certains Ojibwés qui souhaitent garder leurs fermes, y compris les Sutton, en leur proposant de racheter leurs lots à prix réduit, le gouvernement revient sur sa décision et retient les certificats de vente en affirmant que les Ojibwés sont des mineurs au sens de la loi et qu’ils n’ont aucun droit légal pour racheter leurs propres terres.
Les représentants du ministère des Affaires indiennes tentent ensuite de conclure un nouveau marché avec les Sutton : ils suspendront la reprise de possession de leur ferme à condition que Catherine Sutton la rachète à prix réduit et reconnaisse que ses 200 acres de terrain lui ont été octroyés illégalement par les Nawash. Avec l’appui des membres de sa famille et de la communauté, Catherine Sutton refuse l’offre du ministère.
Atteinte à l’identité indienne
Le ministère des Affaires indiennes décide que, puisque Catherine Sutton est marié à un Blanc, elle et ses enfants ne peuvent être considérés comme Indiensau point de vue légal. Une lettre du ministère datant de 1859 informe en effet la famille Sutton qu’on lui refusera toute réclamation financière liée à son affiliation à la bande Nawash et qu’elle sera, dorénavant, une famille « blanche » aux yeux du gouvernement.
Usant de ses talents d’écrivaine, Catherine Sutton répond au gouvernement en mars 1861 en déplorant passionnément ce qu’elle perçoit comme une violation de ses droits : « […] le ministère a inventé cette excuse pour nous dépouiller, moi et mes enfants, des droits que j’ai hérités de mes ancêtres bien avant que l’homme blanc foule notre sol. » Dans sa lettre, Catherine Sutton souligne aussi le fait que la nouvelle loi du ministère des Affaires indiennes est à l’époque appliquée de façon incohérente auprès des diverses femmes autochtones qui ont marié un Blanc et elle accuse les représentants gouvernementaux de tenter injustement et arbitrairement de la disqualifier d’une pension.
Contrariée par le traitement qu’elle et son peuple reçoivent du gouvernement fédéral, Catherine Sutton porte sa cause devant une autorité supérieure : la Couronne britannique.
Pétitions à la Couronne britannique
Lorsque Catherine Sutton rencontre la reine Victoria le 19 juin 1860, elle s’assure de mettre de l’avant la dignité de son peuple qui, affirme-t-elle, devrait avoir le droit de posséder légalement ses propres terres et de pratiquer ses traditions culturelles.
Bien qu’elle attire l’attention de la reine sur les droits des Autochtones, Catherine Sutton ne réussit pas à retrouver ses annuités découlant des traités ni à racheter légalement sa ferme. Deux ans plus tard, elle déplore le mauvais traitement subi par son peuple et écrit que les Britanniques ont une « notion de la justice basée sur la loi du plus fort ».
Défense des droits des Autochtones
Face à l’adversité, Catherine Sutton ne cesse de militer pour les Autochtones en informant les autres bandes de leurs droits politiques et légaux, et en documentant les peines et les misères que subit son peuple aux mains du gouvernement.
Destin de la ferme Sutton
En 1861, le ministère des Affaires indiennes autorise le mari de Catherine Sutton, William Sutton, à acheter la ferme familiale, qui se trouve sur une terre qui a été donnée à sa femme en 1845. Alors qu’une certaine justice est rendue à la famille Sutton, d’autres familles autochtones doivent continuer de se battre pour que leurs titres traditionnels soient reconnus.
Décès
La santé de Catherine Sutton connaît un déclin après la naissance de son dernier enfant, en 1864. Elle meurt d’une crise d’asthme en septembre 1865. Sa vie n’a peut-être pas dépassé les 41 ans, mais sa mémoire lui survit et anime la communauté pendant de nombreuses années.
Son mari habite sur la ferme pendant plusieurs décennies après la mort de Catherine et ne se remarie jamais. Il sert plutôt la communauté en tant que prédicateur laïc méthodiste jusqu’à sa mort.
Héritage
Catherine Sutton a défendu les droits des Autochtones à une époque où les politiques et les programmes assimilateurs privent les peuples autochtones de leurs terres et de leurs coutumes traditionnelles. Fière membre des Ojibwés et de son héritage culturel, cette « femme honnête » a légué un héritage qui perdure auprès de son peuple.