Tenney, James
James Tenney. Compositeur, professeur, pianiste, chef d'orchestre (Silver City, Nouveau-Mexique, 10 août 1934 - Valencia, Californie, 24 août 2006). B.A. (Bennington College) 1958, M.A. (Illinois) 1961. Enfant, Tenney étudie le piano et, en 1952-1953, il étudie le génie à l'Université de Denver. Il déménage ensuite à New York pour étudier le piano à la Juilliard School of Music auprès d'Eduard Steuermann, puis au Bennington College, au Vermont, auprès de Lionel Nowak. Tenney suit aussi des cours privés de composition avec Chou Wen-Chung (1955-1956), Carl Ruggles (1956-1958), Edgard Varèse (1961-1965), et de piano avec Dorothy Taubman (1968-1970). À l'Université de l'Illinois, à Urbana-Champaign, il étudie la composition auprès de Kenneth Gaburo; il est un étudiant et adjoint de Harry Partch et Lejaren Hiller, élaborant des programmes de modèles de composition sur ordinateur. De 1961 à 1964, il participe à une recherche de pointe en électroacoustique aux Bell Telephone Laboratories, où il travaille aussi avec Max Mathews à mettre au point des programmes de synthèse sonore et de composition sur ordinateur.
Dès l'âge de 16 ans, Tenney est initié à la nouvelle musique avec Sonatas and Interlu des pour piano préparé de John Cage. S'intéressant à la musique d'avant-garde, il est cofondateur, chef d'orchestre et pianiste du Tone Roads Chamber Ensemble (New York, 1963-1970) et fondateur et directeur musical de Tone Roads West, à Los Angeles (1973-1975). Il joue aussi avec les ensembles de Harry Partch (Gate 5 Ensemble, 1959-1960), Steve Reich (New York, 1967-1970) et Philip Glass (New York, 1969-1970) et est interprète ou chef d'orchestre de la musique d'artistes tels que Charles Ives, John Cage, Morton Feldman, Erik Satie, Arnold Schoenberg.
Ses œuvres
Les œuvres de Tenney reflètent le désir insatiable de comprendre les propriétés du son et la manière dont nous le percevons. For Ann (rising) (1969, Absolut CD-3), l'une de ses œuvres de musique électroacoustique les plus connues repose sur un intervalle (apparenté à une sixte mineure) dont la fréquence semble croître de façon continue. À l'écoute, on éprouve une curieuse sensation, celle d'un son indéfiniment ascendant. Une fois accoutumé, l'auditeur, sur cette trame désormais sans surprise, peut tisser comme il l'entend ses propres images sonores, en brodant sur les infimes variations qui s'opèrent à l'intérieur même du glissando.
Une idée banale, un point de départ très simple suffisent souvent à Tenney pour élaborer toute une composition. Ainsi, les partitions de ses 10 Postal Pieces (1965-1971) ont la taille d'une carte postale, et la plupart sont écrites sous forme graphique. Dans Quiet Fan for Erik Satie (1970, rév. 1971), œuvre pour 13 instruments, un intervalle se dilate et se contracte lentement autour d'une seconde mineure (si-do, au-dessus du do central), sans dépasser la dixième majeure; peu à peu, le mouvement s'accélère, tandis que la trame constituée par la dynamique d'ensemble (piano-forte -piano) vient former, par superposition, deux autres « ondes » - ou davantage.
Quant à la série des Harmonium (no 1 pour grand orchestre, 1976; no 2 pour ensemble variable, 1976; no 3 pour trois harpes, 1980; no 4 pour 10 instruments et bande avec délai, 1978;no 5 pour trio à cordes, 1978), elle repose sur un cycle lent d'élaboration-déconstruction d'un accord, basé sur les harmoniques dont le rang correspond à un nombre premier (Harmonium no 5 a été enregistrée par Arraymusic - Artifact 002). Là encore, Tenney évite les effets dramatiques et la série dénote un intérêt accru pour les rapports entre sons fondamentaux et harmoniques. À la même époque, Tenney écrit aussi Spectral Canon for Colon Nancarrow (1974) pour « pianiste harmonique » (enregistrée en 1976 - Cold Blue L-10), Three Pieces for Drum Quartet (1974-1975) et Three Indigenous Songs (1979) pour vents et percussion.
Avec Bridge (1984), œuvre pour deux pianos à huit mains, Tenney étudie les points communs qui unissent les différentes catégories d'organisation musicale; en outre, il tente de synthétiser certains aspects, négligés avant lui, du problème des harmoniques. L'œuvre se compose de deux grandes parties de 21 minutes chacune, la première étant formée de deux sections de huit et 13 minutes. Bridge utilise un système d'accords microtonaux qui donne 22 hauteurs par octave, un réseau qui comprend aussi certains aspects de la tonalité traditionnelle.
De son côté, Rune (1988) - pour ensemble percussif - est le fruit d'une réflexion sur l'espace harmonique créé par les instruments à tonalité non définie : les interprètes forment cinq groupes, en fonction du timbre de leurs instruments respectifs - du grave à l'aigu. La partition graphique leur permet d'interagir : non contraignante, elle ne fait qu'indiquer le cadre dans lequel les deux flux sonores doivent s'inscrire.
Si, dans sa première période, Tenney se concentre sur la musique électronique, il se consacre, des décennies plus tard, à des œuvres instrumentales en direct.
Œuvres publiées; enregistrements
De nombreuses œuvres de Tenney paraissent chez Sonic Arts Editions (Smith Publications), dont Stochastic String Quartet (1963, publiée en 1988 et figurant sur Voice of the Computer, Decca DL-710180) et « Hey When I Sing These 4 Songs Hey Look What Happens » (1971, publiée en 1986 et figurant sur la cassette Aurora Borealis : The Chorus at Bennington, Bennington SC5-003). Kerby fait paraître Three Rags for Pianoforte (1969, publiée en 1982) et Three Pieces for Drum Quartet (1975, publiée en 1982). Plusieurs œuvres paraissent dans Soundings et Musicworks, ou font partie des collections éditées par Byron, Cage et Johnson (voir BIBLIOGRAPHIE). Des enregistrements de ses compositions paraissent aussi dans Musicworks (nos 27 et 34) et Tellus (no 14, 1986). Écrite pour Don MacMillan, Saxony (1978), pour un ou plusieurs saxophonistes et délai de bande, est enregistrée par David Mott (1984, CRI SD-528). Sur l'album 31 Songs by Charles Ives (1966, Folk. FM-3344-45), Tenney joue au piano et écrit les notices.
Interprétations, commandes, prix, enseignement
Un programme complet de ses œuvres est présenté à New York, le 4 mai 1991 et, en 1992, New Music Across America consacre un concert rétrospectif de sa musique à Toronto. Transcriptions for Orchestra (Conlon Nancarrow) de Tenney est créée par l'orchestre de la CBC de Vancouver en 2000. Diverses fondations et organisations des États-Unis l'aident dans son travail et il reçoit de nombreuses commandes de la Vancouver New Music Society, du Nexus Percussion Ensemble, de Sound Pressure (avec le Conseil des Arts du Canada) et du Conseil des arts de l'Ontario. Les autres commandes comprennent Three Indigenous Songs pour New Music Concerts (1979), Glissade pour Arraymusic (1982) et Voice(s) pour la New Music Co-operative (1982-1983). Plusieurs de ses œuvres sont présentées en Europe. Bridge vaut au compositeur un prix pour ses réalisations techniques exceptionnelles au New Music Composers' Competition (1989-1990) et il reçoit un prix Jean A. Chalmers pour Critical Band en 1993.
Tenney contribue aussi à la théorie dans les domaines de la forme musicale, de l'acoustique et de la perception et écrit des articles pour Electronic Music Reports, Gravesaner Blätter, Journal of the Acoustical Society of America, Journal of Experimental Aesthetics et Journal of Music Theory.
Il enseigne au Polytechnic Institute of Brooklyn (1965-1970), au California Institute for the Arts (1970-1975) et à l'Université de la Californie (1975-1976). De 1976 à 2000, Tenney enseigne la composition, les matières théoriques et l'histoire de la musique du XXe siècle à l'Université York (où il est nommé professeur distingué émérite en 1994). En 2000, il retourne au California Institute of the Arts, où il occupe la Roy E. Disney Family Chair et continue à se produire au piano. Jon Siddall est l'un de ses étudiants.
Voir aussi Minimalisme; Microtonalité.
Une sélection de ses œuvres
Monody :1959; solo de clarinette.
Ergodos I and II : 1963-1964 ; musique informatique.
For Ann (Rising) : 1969; ruban électronique.
Three Rags for Pianoforte : 1969; piano.
Having Never Written a Note for Percussion (de Postal Pieces) : 1971; solo percussion.
Hey When I Sing These 4 Songs, Hey Look What Happens : 1971; chœur Satb.
Koan (from Postal Pieces) : 1971 ; solo violon. non sequitur.
Quiet Fan for Erik Satie : 1971; 13 musiciens.
Quintext: Five Textures for String Quartet and Bass : 1972; quatuor à cordes et contrebasse.
Clang : 1972; orch.
Spectral Canon for Conlon Nancarrow : 1974; piano mécanique, Cold Blue.
Harmonium No 1 : 1976; grand orch.
Saxony : 1978; saxophone(s) et système en différé.
Three Indigenous Songs : 1978; textes de Walt Whitman, Jaybird Colemen et chant iroquois, orch. de chambre.
Glissade : 1982; alto, violoncelle et contrebasse amplifiés.
Chromatic Canon (for Steve Reich) : 1983; 2 pianos (créé par les pianistes américains Nurit Tilles et Edmund Niemann, New York 1991).
Bridge : 1984; deux pianos, huit mains.
Koan : 1984; quatuor à cordes.
Changes : 1985 ; six harpes.
Rune : 1988 ; ensemble percussif.
Tableaux vivants : 1990 ; ensemble instrumental.
Critical Band : 1991; mode.
Pika-Don : 1992 ; ensemble percussif.
Cognate Canons : 1993; quatuor à cordes, percussion.
Flocking : 1993; deux pianos.
Forms 1-4 : 1993; ensemble instrumental.
Spectrum 4-5 : 1995; ensemble instrumental.
Diapason : 1996; orch. de chambre.
Écrits
Meta + Hodos: A Phenomenology of 20th Century Music and an Approach to the Study of Form (La Nouvelle-Orléans 1964; Berkeley 1986; éd. rév. Hanover, New Hampshire 1992).
« Edgard Varèse », East Side Review, janv. 1966; réimpression dans Ives, Ruggles, Varèse, éd. Peter Garland (Santa Fe 1974).
« The chronological development of Carl Ruggles' melodic style », Perspectives of New Music, XVI (aut.-hiver 1977).
« Conlon Nancarrow's Studies for Player Piano », Conlon Nancarrow : Selected Studies for Player Piano, éd. Peter Garland (Berkeley 1977).
« John Cage and the theory of harmony », Soundings, 13, 1984 et Musicworks, 27, printemps 1984.
« About Changes: Sixty-four Studies for Six Harps », Perspectives of New Music, XXV (hiver-print. 1987).
A History of Consonance and Dissonance (New York 1988).
« John Cage and the Theory of Harmony », Writings about John Cage (Ann Arbor 1993).
Aussi des articles pour le Dictionary of Contemporary Music et la McGraw-Hill Encyclopedia of Science and Technology.
Discographie
James Tenney Selected Works 1961-1969 : 1992; Artifact Recordings FP001/ART1007.
Bibliographie
John Cage. Notations (New York 1969).
Peter Garland, dir., Soundings, I (1971), III et IV (1972), XI (1973).
Michael Byron, Pieces : An Anthology (Vancouver 1975). Pieces : A Second Anthology (Vancouver 1976).
Roger Johnson, dir., Scores : An Anthology of New Music (New York 1981).
Peter Garland, dir., « The Music of James Tenney », Soundings, XIII (Santa Fe 1984).
« The Music of James Tenney », Musicworks, 27 (print.1984); version revue par Joseph Paul Taylor dans Computer Music J, IX, no 4 (1985).
Larry Polansky et David Rosenboom dir., « A tribute to James Tenney », Perspectives of New Music, XXV (hiver-été 1987).
Brian Belet, « An examination of the theories and compositions of James Tenney, 1982-1985 », thèse de D.M.A. (Université de l'Illinois à Urbana-Champaign, 1990).
James Tenney issue. Festschrift. Musiktexte (Cologne, déc. 1990).
Peter Garland, « James Tenney: American maverick », Ear, XV (mars 1991).
Gayle Young, « James Tenney: Transparent to the sounds of the environment », MusicWorks (print. 1996).
Elissa Poole, « A cowboy composer roams the musical frontier », Globe and Mail (2000).
Gayle Young, « James Tenney's cultural and compositional diversity », MusicWorks (été 2000).
Ciaran Maher, « A different view of the larger picture », MusicWorks (été 2000).
Larry Polansky, « James Tenney », Grove Music Online, éd. L. Macy (5 sept. 2006).