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Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA)

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) est un instrument international relatif aux droits de la personne adopté par les Nations Unies (ONU). Elle fournit des informations détaillées sur la nature et le contenu des droits des Autochtones. Elle énonce les obligations des pays à l’égard de ces droits. En 2021, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNU). Selon la Cour suprême du Canada, cette loi signifie que la DNUDPA est désormais « intégrée dans le droit positif interne du pays ». La DNUDPA a donc une incidence sur le droit canadien, même si la Cour suprême du Canada n’a pas encore précisé de quelle manière.

Le chef national Perry Bellegarde parle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Création de la DNUDPA

La création de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) est l’une des principales recommandations d’un important rapport des Nations Unies (ONU). Ce rapport se penche sur la situation critique des peuples autochtones dans le monde. Il s’appuie sur la prise de conscience croissante du fait que le droit international n’a pas su protéger les droits fondamentaux de ces peuples. En particulier, en refusant de reconnaître le droit des Autochtones à l’autodétermination.

La DNUDPA est le fruit de plus de vingt ans de travail. Il s’agit d’un des premiers instruments juridiques de l’ONU élaborés en collaboration avec les titulaires mêmes de ces droits. Le 13 septembre 2007, la DNUDPA est intégrée au droit international après avoir obtenu le soutien de 144 pays. Cependant, quatre nations, dont le Canada, votent contre, tandis que 11 autres s’abstiennent. Finalement, les quatre pays ayant voté contre la DNUDPA, ainsi que plusieurs des États s’étant abstenus, changent de position et l’approuvent.

Contenu de la DNUDPA

La DNUDPA contient un préambule de 24 dispositions et 46 articles qui couvrent l’ensemble des droits des Autochtones. Elle traite d’un vaste éventail de questions touchant la vie des peuples autochtones, tant sur le plan individuel qu’en ce qui concerne leur collectivité. Elle aborde des sujets tels que les terres, les ressources, l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale, la consultation, les droits sociaux et économiques, l’éducation, l’emploi, la santé, la culture, la spiritualité, la langue, la non-discrimination et plusieurs autres. La DNUDPA reconnaît explicitement les droits des peuples autochtones. Elle indique également les mesures que les gouvernements doivent prendre, ou éviter de prendre, pour garantir la protection et la promotion des droits des Autochtones partout dans le monde. L’article 43 souligne que « les droits reconnus dans la présente Déclaration constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde ».

En tant que déclaration, la DNUDPA s’avère techniquement non contraignante. Toutefois, les spécialistes du droit international mettent en garde contre la simplification excessive et inutile de cette distinction entre ce qui est contraignant et ce qui ne l’est pas. Comme le mentionne la juriste Brenda Gunn, les déclarations constituent un type d’instrument international que l’ONU utilise lorsqu’elle cherche à se prononcer sur des sujets importants. Une commission de l’ONU sur les droits de la personne indique que ces instruments reconnaissent « des principes ayant une grande importance et une valeur durable, où l’on attend des Membres qu’ils respectent au maximum les principes énoncés ».

Il faut aussi comprendre que la DNUDPA n’établit pas de nouveaux droits. Elle précise les droits existants qui sont inscrits dans différents traités et instruments internationaux relatifs aux droits de la personne. Parmi ceux-ci figurent des conventions contraignantes ratifiées par le Canada. Plusieurs articles de la DNUDPA reflètent le caractère contraignant du droit international coutumier.

La DNUDPA au Canada

Le Canada joue un rôle important dans la rédaction de la DNUDPA pendant de nombreuses années. Cependant, le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper vote contre en 2007. Le gouvernement commence à modifier sa position en 2010, manifestant son appui pour la DNUDPA, mais avec certaines réserves. Le changement se poursuit à la suite de l’élection fédérale de 2015. Le gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau s’engage à mettre en œuvre les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Parmi ces appels à l’action figure notamment celui lancé à tous les gouvernements « d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation ».

En 2016, la ministre fédérale des Affaires autochtones et du Nord (maintenant Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada), Carolyn Bennett, déclare devant l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones que le Canada mettrait fin à son statut d’objecteur permanent et s’engagerait à adopter et à mettre en œuvre sans réserve la DNUDPA sur son territoire.

Au Canada, comme pour d’autres instruments du droit international, la DNUDPA n’est pas automatiquement intégrée au droit interne. Toutefois, les tribunaux ont souvent recours à cet instrument dans diverses affaires pour éclairer l’interprétation du droit canadien. Ils se fondent sur le principe général selon lequel le droit interne doit être interprété de manière compatible avec les obligations internationales du pays, sauf indication contraire de la loi. Cependant, certains juges refusent d’appliquer la DNUDPA parce que c’est un instrument « non contraignant », « non ratifié » ou « ambitieux ». Selon Brenda Gunn, cela témoigne d’une grande confusion au sein de la profession juridique canadienne quant au statut juridique de la DNUDPA.

Lois de mise en œuvre et plans d’action de la DNUDPA

Les Territoires du Nord-Ouest adoptent la Loi de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNU) reçoit la sanction royale et entre en vigueur le 21 juin 2012. Cette loi contient un long préambule qui, entre autres, décrit la DNUDPA comme un cadre pour la réconciliation. Elle stipule que la DNUDPA établit les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde. Elle confirme que la DNUDPA est une source importante d’interprétation du droit canadien.

Les dispositions de fond de la LDNU visent deux objectifs. Premièrement, elles confirment que la DNUDPA constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien. Deuxièmement, elles encadrent la mise en œuvre de la DNUDPA par le gouvernement canadien, y compris l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action national en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones.

Les dispositions de la Loi énoncent en outre le contenu précis qui devra figurer dans le plan d’action du Canada. Celui-ci doit comporter des mesures visant à lutter contre les injustices et à éliminer toute forme de violence, de racisme et de discrimination auxquels se heurtent les peuples autochtones dans la société canadienne. Il doit promouvoir le respect et la compréhension mutuels. Enfin, il doit comporter des mesures précises de contrôle, de surveillance ou d’autres mesures de reddition de comptes nécessaires à la mise en œuvre efficace de la DNUDPA.

Le Canada publie son Plan d’action 2023-2028 en juin 2023 après de vastes consultations auprès des peuples autochtones. Ce plan énonce les mesures que doivent prendre certains ministères fédéraux. De plus, il décrit les résultats généraux que tous les ministères doivent atteindre pour s’acquitter de leurs obligations. Il précise les différentes priorités des Premières Nations, des Inuits et des Métis en ce qui concerne la DNUDPA et les mesures à prendre pour y répondre.

De façon générale, le Canada adopte une approche décentralisée pour la mise en œuvre de la DNUDPA. Bien que la LDNU confirme l’application générale de la Déclaration en droit canadien, les articles sur la mise en œuvre ne s’appliquent qu’au gouvernement fédéral. Elles n’obligent pas les provinces et les territoires à mettre en œuvre la DNUDPA. En 2019, la Colombie-Britannique est la première administration canadienne à adopter une loi pour mettre en œuvre la DNUDPA. Elle publie son plan d’action en 2022. Les Territoires du Nord-Ouest adoptent une loi de mise en œuvre en 2023. Un plan d’action suivra. Mises à part certaines variations mineures, les lois des provinces et territoires ressemblent à la LDNU.

La DNUDPA au Canada après les lois de mise en œuvre

Certaines parties des lois de mise en œuvre dépendent manifestement des mesures prises par les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement. Par conséquent, l’impact de la DNUDPA sur les lois fédérales, celles de la Colombie-Britannique ou celles des Territoires du Nord-Ouest ne se fera sentir que lorsque le gouvernement aura pris des mesures en ce sens.

Cependant, certaines dispositions des lois de mise en œuvre confirment l’intégration de la DNUDPA dans ces administrations, comme le paragraphe 4a) de la LDNU. Dans le Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (2024), la Cour suprême du Canada déclare que, en vertu de l’alinéa 4a), « la Déclaration est intégrée dans le droit positif interne du pays », mais sans toutefois donner plus de détails. Par conséquent, une certaine ambiguïté plane quant à l’impact de la DNUDPA sur le droit dans ces administrations. Les interprétations des juristes et des tribunaux inférieurs diffèrent à cet égard. Certains soutiennent que les dispositions de confirmation reconnaissent uniquement que la DNUDPA aide le gouvernement à se conformer à ses exigences. À l’opposé, certains juristes font valoir que les dispositions et la décision de la Cour suprême pourraient directement intégrer la DNUDPA dans le droit canadien.

Entre ces deux arguments se trouvent ceux qui soutiennent que les dispositions indiquent que la DNUDPA peut servir à interpréter le droit. La Cour suprême semble valider cet argument dans l’affaire Dickson c. Vuntut Gwitchin First Nation (2024), où six des sept juges s’appuient sur la DNUDPA pour interpréter l’article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, les motifs majoritaires dans cette affaire ne précisent pas s’ils s’appuient sur le principe général de présomption de conformité au droit international, sur l’alinéa 4a) de la LDNU, ou sur une combinaison des deux. Deux juges dissidents laissent entendre que leur approche est un mélange des deux.

Conclusion

Il subsiste des incertitudes quant à la portée de l’application de la LDNU au Canada. Toutefois, il ne fait aucun doute que cet instrument international fondamental relatif aux droits fondamentaux des peuples autochtones a un impact sur le Canada. Ne serait-ce qu’en tant que base d’interprétation du droit canadien, la DNUDPA a un potentiel de transformation considérable. En 1982, le Canada inclut la protection des « droits ancestraux ou issus de traités » dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (voir aussi Droits des Autochtones au Canada). Certains ont même qualifié cet article de la Constitution de « boîte vide », car il ne précise pas quels droits inhérents sont protégés ni les obligations des gouvernements à leur égard.

Les décisions de la Cour suprême du Canada ont tenté de corriger cette situation au cours des dernières décennies. Toutefois, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) et des juristes ont soulevé d’importantes lacunes dans cette jurisprudence. C’est pourquoi la CVR préconise l’adoption de la DNUDPA pour que celle-ci serve de cadre à la réconciliation et contribue à la modification de la législation existante. Selon la ministre Carolyn Bennett, « En adoptant et en mettant en œuvre la [DNUDPA], nous donnons vie à l’article 35 que nous reconnaissons comme un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones du Canada. »

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