Yvonne Madelaine Brill (nom de naissance Claeys), fuséologue (née le 30 décembre 1924 à Saint-Vital, au Manitoba; décédée le 27 mars 2013 à Princeton, au New Jersey). Yvonne Brill est connue pour sa contribution à l’avancement de la science des fusées. Elle a notamment travaillé sur les systèmes de propulsion, la conception de fusées pour les missions spatiales vers la lune et le maintien de satellites modernes en orbite. Bien qu’on l’ait empêchée de faire des études en ingénierie parce qu’elle était une femme, ses inventions révolutionnaires sont connues partout dans le monde.
Jeunesse et éducation
Yvonne Brill (nom de naissance Claeys) naît le 30 décembre 1924 à Saint-Vital, au Manitoba (qui fait maintenant partie de Winnipeg). Ses parents sont des immigrants de la Belgique. Les aventures d’Amelia Earhart, la première femme à traverser l’Atlantique en avion, inspirent Yvonne Brill à poursuivre des études. À l’âge de 18 ans, elle essaie donc de s’inscrire en ingénierie à l’Université du Manitoba, mais sa demande est refusée : le camp d’été obligatoire pour tous les futurs étudiants ne possède aucune installation pour les femmes, et le recteur refuse d’adapter les lieux pour l’accueillir.
Yvonne Brill décide alors de poursuivre ses études en mathématiques et en chimie et est première de classe à l’âge de 20 ans. Toutefois, ce premier refus la marque. Il alimente tout au long de sa vie une passion pour encourager les femmes à se lancer dans les domaines scientifiques, et lui apprend à composer avec la discrimination fondée sur le sexe, ce à quoi elle est confrontée régulièrement tout au long de sa carrière. « Il faut seulement prendre la situation avec un grain de sel et surtout ne pas se fâcher lorsque les insultes sont lancées », affirme-t-elle.
Début de carrière et fuséologie
Après avoir décroché son diplôme de l’Université du Manitoba, Yvonne Brill déménage à Los Angeles pour travailler chez Douglas Aircraft. Son premier emploi implique de calculer la trajectoire d’un satellite potentiel. Yvonne Brill est considérée comme la seule femme ayant travaillé sur les fusées aux États-Unis pendant les années 1940, ce qui constitue une des raisons qui l’ont poussée vers ce domaine. « J’ai estimé qu’ils ne créeraient pas de nouvelles règles pour discriminer une seule personne », confie-t-elle. La jeune femme n’est toutefois pas satisfaite de ses tâches entièrement théoriques et préfère travailler sur des concepts concrets.
Pendant ses études de maîtrise en chimie à l’Université de Californie du Sud, Yvonne Brill décroche un emploi à la Marquardt Corporation. Elle y perfectionne un type de système de carburant pour fusées qui permet la première réussite d’un test de statoréacteur, une technologie servant à propulser des missiles. (Voir aussi Industrie canadienne de l’aérospatiale.)
Après l’obtention de sa maîtrise, elle épouse William Brill, chercheur en chimie, en 1951. En 1952, le couple déménage sur la côte est des États-Unis pour le travail.
Création du propulseur à décomposition thermique de l’hydrazine
Peu après son déménagement, Yvonne Brill commence à travailler pour la RAND Corporation, où elle travaille en recherche et développement sur un mélange de carburant pour fusées qui deviendra plus tard la norme aux États-Unis pendant plusieurs décennies. En 1958, elle démissionne pour élever ses enfants. Elle demeure toutefois conseillère à temps partiel et recommence à travailler à temps plein en 1966, pour RCA Astro cette fois-ci. Elle est alors appelée à travailler sur les fusées NOVA, utilisées pour les missions lunaires du programme Apollo de la NASA. (Voir aussi Astronautes canadiens.)
Pendant qu’elle occupe ce poste, Yvonne Brill termine un projet personnel sur lequel elle travaille depuis plusieurs années. Elle réussit ainsi à créer un nouveau type de moteur, appelé à devenir sa plus grande contribution au domaine de la fuséologie : le résistojet électrothermique à l’hydrazine, aussi appelé propulseur à décomposition thermique de l’hydrazine. Utilisé principalement pour les satellites géosynchrones, soit les satellites qui doivent rester au même endroit par rapport à la Terre, comme les satellites de télécommunications, le propulseur utilise de l’électricité pour chauffer l’hydrazine du carburant pour fusées. L’innovation d’Yvonne Brill permet donc aux satellites d’utiliser le carburant de manière plus efficace, pour ainsi fonctionner plus longtemps. Le propulseur est utilisé pour maintenir les satellites en orbite depuis 1983 et est encore aujourd’hui la norme dans l’industrie. (Voir aussi Technologie spatiale.)
Yvonne Brill termine sa carrière à la NASA. Elle y dirige le Programme de fusée à poudre de la navette spatiale et fait partie du Comité consultatif sur la sécurité aérospatiale. Elle s’implique également auprès de nombreux conseils nationaux de recherche se penchant sur l’exploration et le vol spatial.
Importance et héritage
En plus de son invention du propulseur à décomposition thermique de l’hydrazine, Yvonne Brill a contribué aux systèmes de fusée qui ont alimenté le premier satellite météorologique, connu sous le nom de TIROS, les fusées NOVA utilisées pour les missions lunaires de la NASA, le premier satellite en haute atmosphère, le Mars Observer et la navette spatiale.
Yvonne Brill n’étudie jamais officiellement l’ingénierie ni ne reçoit de permis d’ingénieure, ce qui ne l’empêche toutefois pas d’être nommée membre et d’être reconnue par de nombreuses associations d’ingénieurs, y compris la National Academy of Engineering (NAE), l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) et la Society of Women Engineers (SWE).
Yvonne Brill s’éteint le 27 mars 2013 à Princeton, au New Jersey. Michael Griffin, président de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, la décrit comme une personne ayant « une vision claire de ce que doivent devenir les systèmes ainsi que l’ingéniosité et le génie nécessaires pour en faire une réalité ». Des organisations professionnelles et des connaissances personnelles ont applaudi non seulement son travail, mais aussi son dévouement envers l’intégration des femmes dans les domaines scientifiques. Certains soulignent qu’elle a continué d’écrire des lettres de recommandation et de proposer des candidatures pour des prix jusqu’à la fin de sa vie. En reconnaissance de son travail, la NAE crée un poste de maître de conférence en son honneur.
L’avis de décès officiel d’Yvonne Brill, paru dans le New York Times, suscite la controverse. La première version souligne d’abord ses compétences de mère et de cuisinière, en nommant spécifiquement son bœuf stroganoff, et ce, avant de mentionner sa carrière de fuséologue. Devant la vive indignation du public, l’avis est modifié pour que sa carrière et ses réalisations soient énoncées en premier.
Prix et distinctions
- Intronisation au Temple de la renommée international des femmes en technologie (1999)
- Médaille de service public, NASA (2001)
- Intronisation au Temple de la renommée national des inventeurs (2010)
- Médaille nationale de la technologie et de l’innovation (2011)