Anna Greenup | l'Encyclopédie Canadienne

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Anna Greenup

Anna Greenup (Anne ou Annie, née Hurd), cofondatrice et première présidente du Coloured Women’s Club of Montreal, institutrice (née le 5 mai 1874 à Harveysburg, en Ohio; décédée le 15 mars 1952 à Vernon, en Colombie-Britannique). En 1902, elle participe à la création de la première organisation de femmes noires au Canada, dont elle a assuré la présidence. (Voir aussi Communautés noires au Canada.)

Jeunesse aux États-Unis

Anna Hurd est née en mai 1874 à Harveysburg, un petit village abolitionniste qui accueille la première école gratuite destinée aux enfants noirs en Ohio. Elle est la plus jeune fille de Mahala Jackson et de Charles Hurd, un instituteur, pasteur et ancien combattant de la guerre de Sécession. (Voir La guerre de Sécession et le Canada.) Anna Hurd fréquente l’école jusqu’à ses 14 ans puis travaille quelques années comme institutrice. Quatre de ses frères et sœurs (Robert, Caroline, Florence et Granville) ont exercé la même profession. La famille Hurd déménage dans différentes villes en Ohio, puis à Knoxville au Tennessee.

Engagement à Montréal

En décembre 1900, Anna Greenup se marie avec Charles Harvey Greenup à Essex en Ontario. Comme beaucoup d’hommes noirs à l’époque qui font face à un marché du travail ségrégué, ce dernier occupe différents emplois dans l’industrie ferroviaire : cuisinier, préposé et porteur de wagons-lits. Plusieurs années plus tard, Anna Greenup explique qu’« il faisait un peu de tout sur les chemins de fer quand je l’ai connu ».

Le couple s’installe à Montréal dans le Faubourg Saint-Antoine, aujourd’hui connu sous le nom de Petite-Bourgogne. (Voir La Petite-Bourgogne et la communauté noire d’expression anglaise de Montréal.) C’est dans ce quartier que de nombreuses familles noires anglophones s’établissent, notamment en raison de la proximité avec les gares ferroviaires où travaillent les porteurs de wagons-lits. (Voir aussi L’histoire des Noirs au Canada : de 1900 à 1960.)

À l’époque, les personnes noires subissent de nombreuses discriminations à l’emploi, au logement, dans les commerces, dans les lieux de culte et dans l’accès aux services. Les femmes noires ne peuvent pas non plus s’impliquer dans les organisations gérées par des femmes blanches. Face aux besoins importants de leur communauté, sept femmes afro-américaines se rassemblent en 1902 pour créer le Women’s Club of Montreal qui prend le nom de Coloured Women’s Club of Montreal (CWCM) en 1904. Bien qu’il s’agisse de la première organisation de femmes noires au Canada, elle s’inscrit en continuité avec la National Association of Colored Women créée aux États-Unis en 1896.

Anna Greenup est choisie comme première présidente du CWCM et sous son leadership, l’association offre diverses formes de soutien communautaire. Dès ses premières années d’activité, le CWCM organise l’accueil et l’hébergement des vétérans de la guerre des Boers, met sur pied des soupes populaires et distribue des vêtements et des couvertures aux immigrants et immigrantes d’origine caribéenne et afro-américaine. (Voir Immigration au Canada.)

À partir de 1907, plusieurs membres du CWCM contribuent à fonder la Union Congregational Church (aujourd’hui la Union United Church), la première grande église destinée à la communauté noire montréalaise.

La United Union Church dans la Petite-Bourgogne à Montréal

Les femmes jouent un rôle de premier plan au sein de cette action communautaire, alors que leurs conjoints s’absentent pour travailler dans les trains durant de longues périodes.

Selon l’historienne Dorothy W. Williams,
le CWCM et l’église Union Congregational « constituent des institutions noires uniques, ayant posé les jalons du développement de la conscience communautaire tout en servant de modèle pour naviguer le courant dominant de ségrégation et de discrimination raciales traversant la société du début du 20e siècle ».


Déménagement à Vancouver et fin de vie

Vers 1910, Anna Greenup quitte Montréal pour Vancouver où son mari obtient un emploi d’inspecteur pour le Canadian Pacific Railway. Cependant, ce dernier décède en 1920. Le couple n’aura eu qu’un seul enfant, emporté par la maladie à environ six mois.

De 1911 à 1931, Anna Greenup réside dans le quartier West End. Bien que ce secteur ne soit pas aussi central pour la communauté noire que Hogan’s Alley, plusieurs organisations importantes s’y établissent. On y retrouve un chapitre de l’Universal Negro Improvement Association et le Endeavor Club, une section vancouvéroise de la Washington State Federation of Colored Women’s Clubs.

Dans sa nouvelle ville, Anna Greenup poursuit son engagement communautaire. Elle est une membre active de la First Baptist Church et prend part à plusieurs événements de la Women’s Mizpah Bible class. En 1927, elle y est élue responsable des activités sociales.

Au cours des années suivantes, elle rencontre toutefois des problèmes de santé physique et des pertes cognitives, puis commence à s’isoler. Sans famille à Vancouver pour prendre soin d’elle, Anna Greenup est admise à l’hôpital psychiatrique Essondale en décembre 1931 à la demande de son frère Granville Hurd. Elle y reçoit quelques visiteurs et visiteuses dont Rosa Pryor, restauratrice et première femme noire à être propriétaire d’un commerce à Vancouver.

En juillet 1948, Anna Greenup est accueillie dans une résidence provinciale pour personnes âgées à Vernon en Colombie-Britannique. Elle y demeure jusqu’à son décès, le 15 mars 1952, où elle succombe à un cancer. Elle est inhumée au Pleasant Valley Cemetery à Vernon.

Héritage

Le Coloured Women’s Club of Montreal, qui existe encore à ce jour, joue un rôle important pour faire reconnaître et honorer la contribution d’Anna Greenup à la communauté noire montréalaise.

Bien qu’Anna Greenup n’ait pas de descendants directs, sa nièce Elsie Lam (née Elsie Hurd) poursuit son œuvre en devenant présidente du Coloured Women’s Club of Montreal à la fin des années 1950.

En 1985, la maison d’Anna Greenup à Vancouver, où elle a habité entre 1920 et 1931, est intégrée dans un projet de coopérative d’habitation.

En 1997, le ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration du Québec crée le Prix Anne-Greenup pour la solidarité. Celui-ci était remis annuellement à une personne et à un organisme s’étant illustré dans la lutte contre le racisme et la promotion de la participation citoyenne.

En 2004, les Habitations Anne-Greenup, qui offrent 26 nouveaux logements sociaux, sont inaugurées dans l’arrondissement du Sud-Ouest à Montréal.