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Programmes canadiens d’art militaire

Depuis la Première Guerre mondiale, quatre initiatives ont été déployées pour permettre aux artistes canadiens d’illustrer les forces armées en temps de guerre. Le premier programme officiel d’art militaire, le Fonds des souvenirs de guerre canadiens (1916-1919) est l’un des premiers programmes commandités par un gouvernement. Vient ensuite le Programme canadien d’art militaire (1943-1946), qui est mis sur pied pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils (1968-1995) et le Programme d’arts des Forces canadiennes (depuis 2001) sont quant à eux créés dans le but d’envoyer des artistes civils dans les zones de combat et de maintien de la paix. Parmi les artistes de guerre canadiens notoires, on retrouve A.Y. Jackson, F.H. Varley, Lawren Harris, Alex Colville et Molly Lamb Bobak.

Première Guerre mondiale : Fonds des souvenirs de guerre canadiens

Le Fonds des souvenirs de guerre canadiens est le premier programme d’art militaire officiel du Canada. Mis sur pied par lord Beaverbrook, il est géré par le Bureau canadien des archives de guerre (BCAG) pendant la Première Guerre mondiale. De ses débuts en 1916 à sa fin en 1919, le Fonds embauche plus de 100 artistes de nationalité britannique, australienne, yougoslave, belge et canadienne, qui sont appelés à produire des toiles, des œuvres sur papier et des sculptures illustrant la participation du Canada à la guerre. Aucune des quelque 1 000 œuvres montrant les travailleurs agricoles et manufacturiers au front intérieur, ou les paysages ravagés par la guerre en France et en Flandres, n’est exposée pendant les hostilités. À la fin de la guerre, cependant, bon nombre d’entre elles sont présentées à Londres, New York, Ottawa, Toronto et Montréal. (Voir aussi La documentation de la Grande Guerre au Canada; L’art et la Grande Guerre; Représentations du front intérieur : les femmes du Fonds des souvenirs de guerre canadiens.)

A. Y. Jackson, Maisons d’Ypres, 1917

Le Canada est l’un des premiers pays à mettre sur pied un programme d’art militaire. Il réussit ainsi à produire des archives visuelles inégalées à propos de la guerre. Le tableau For What? (Pour quoi?) de F.H. Varley illustre le côté sombre des hostilités qu’ont pu constater les artistes de guerre. La Route « A » camouflée d’A.Y. Jackson montre quant à elle que le paysage ravagé par les combats et rempli de cratères est désormais un sujet légitime pour l’artiste de guerre.

La valeur du Fonds des souvenirs de guerre canadiens ne réside toutefois pas seulement dans la collecte d’œuvres. La participation aux expositions du Fonds organisées immédiatement après la guerre offre aux artistes l’occasion de voir leurs œuvres étudiées par d’importants critiques et responsables de galeries. La peinture de paysages de France et de Flandres, la vision des scènes de guerre des modernistes britanniques ainsi que l’implication de critiques, de mécènes et de responsables de galeries d’importance contribuent à conférer un statut national aux œuvres du Groupe des Sept et de ceux qui l’ont suivi. Le Fonds offre aux Canadiens un souvenir de leur participation à la guerre, mais il donne également à l’art et aux artistes canadiens une place importante dans l’univers culturel de l’entre-deux-guerres du pays.

Fredrick Varley, Pour quoi?, 1917-1919.

Deuxième Guerre mondiale : Programme canadien d’art militaire

La Deuxième Guerre mondiale éclate à l’automne 1939. Ce n’est toutefois que quatre ans plus tard que le Canada adopte un programme officiel d’art militaire. Le Programme canadien d’art militaire est mis sur pied principalement grâce aux efforts de Vincent Massey et du directeur du Musée des beaux-arts du Canada, H.O. McCurry. Le programme, sous la tutelle du ministère de la Défense nationale, n’emploie cette fois-ci que des artistes canadiens faisant partie des forces armées. (Voir aussi Documenter la Deuxième Guerre mondiale.)

Le Programme canadien d’art militaire est de plus petite envergure que le Fonds des souvenirs de guerre canadiens. Seuls 32 artistes de guerre reçoivent des mandats, mais leurs œuvres illustrent les activités menées par le Canada en Afrique du Nord, au large de l’Alaska sur l’île de Kiska, dans l’Atlantique Nord et le Pacifique ainsi qu’au Canada, en Grande-Bretagne et en Europe. Les peintures sont exposées pendant la guerre, parfois même directement derrière les missions de combat.

La collection du Programme canadien d’art militaire compte environ 5 000 œuvres. En général, celles-ci sont plus axées sur les hommes et les machines que sur les paysages. La peinture Tank Advance (1944; Avancée des tanks) de Lawren Harris évoque magnifiquement l’ambiance, le ton et la domination des machines sur le paysage. Charles Comfort illustre quant à lui l’issue dévastatrice de la guerre sur sa toile Dead German on the Hitler Line (Allemand mort dans les rangs d’Hitler). Enfin, le tableau Tragic Landscape (Paysage tragique) d’Alex Colville juxtapose l’effroi de la guerre et le calme de la nature. Le contraste qui en résulte confère à l’œuvre un certain sentiment d’angoisse et d’incertitude qui en viendra à caractériser le style de l’artiste.


Conflits et programmes subséquents

Le Canada ne demande à aucun artiste de guerre de documenter les activités militaires pendant la guerre de Corée. Cela n’empêche toutefois pas des soldats comme Ted Zuber d’illustrer leur expérience au front une fois revenus au pays.

Le Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils est créé en 1968 par le ministère de la Défense nationale. Des artistes civils sont ainsi envoyés au Vietnam, en Europe, au Moyen-Orient et à d’autres endroits pour assurer une représentation continue des forces armées canadiennes. Le programme, suspendu en 1995 en raison de restrictions budgétaires, est réinstauré en 2001 sous le nom de Programme d’arts des Forces canadiennes. Cette nouvelle initiative comprend désormais des musiciens, des acteurs et des auteurs, en plus de peintres, de cinéastes et de sculpteurs. En avril 2020, on compte plus de 60 artistes ayant participé au programme, notamment Mini Onodera, qui était en Afghanistan en 2006, et Louie Palu, qui a documenté des conflits en Afghanistan, au Pakistan, au Mexique et en Ukraine.

Voir aussi : Les monuments des deux grandes guerres; Commémorations et hommages; Musée canadien de la guerre.