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Attaques de 2020 en Nouvelle-Écosse

Tard dans la soirée du samedi 18 avril 2020, un homme de 51 ans a attaqué sa conjointe de fait à Portapique, en Nouvelle-Écosse. Il a alors commencé un carnage qui a duré 13 heures lors duquel il a tiré plusieurs coups de feu et a incendié de nombreuses maisons dans 16 endroits. Alors qu’il utilisait un véhicule imitant une voiture de patrouille de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et qu’il était vêtu, la majeure partie du temps, d’un vieil uniforme de la GRC, le meurtrier a tué 22 personnes et en a blessé 6 autres. Il a été abattu par deux policiers de la GRC à une station-service au sud de Enfield en Nouvelle-Écosse, à 100 km de l’endroit où le carnage a commencé. Il s’agit du pire massacre de l’histoire moderne canadienne.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

Mémorial des attaques de la Nouvelle-Écosse

Portapique, le 18 avril 2020

Le massacre commence à Portapique, une communauté d’environ 100 personnes dans la baie de Fundy en Nouvelle-Écosse, le samedi 18 avril 2020. Lors d’une fête qui a lieu ce soir-là, le denturologiste Gabriel Wortman (ci-après nommé le tireur ou le tueur) et sa conjointe de fait depuis 19 ans, Lisa Banfield, se livrent à une bruyante et longue dispute. Ils quittent la fête pour retourner à leur chalet situé tout près, où Lisa Banfield se couche. Peu après 22 h, le tireur la réveille. Et, comme il l’a fait maintes fois auparavant, il l’agresse. Il est, à ce moment-là, vêtu d’un uniforme de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), qu’il a probablement acheté en ligne.        

Le tireur ordonne à Lisa Banfield de sortir du chalet en faisant attention de ne pas glisser dans l’essence qu’il a versée sur le sol. Il tire ensuite des coups de feu près de ses pieds. Il lui enlève ses souliers, la traîne en la tirant par les cheveux, et la pousse à l’arrière d’une voiture de la GRC qui est hors service. C’est l’une de quatre voitures qu’il a achetées sur le site d’enchères du gouvernement fédéral, GC Surplus. Il a donné un air plus authentique au véhicule en ajoutant des accessoires et des reproductions en autocollants. Il est armé de quatre armes à feu : une carabine Colt de grade policier, un fusil Ruger Mini 14, un pistolet semi-automatique Glock 23 avec chargeur à surcapacité, et un pistolet semi-automatique Ruger P89. 

Lisa Banfield se retourne et constate que le chalet est en feu. Alors que le tireur verse de l’essence sur le garage et sur son camion pour les incendier, elle s’échappe de la voiture et se cache dans les bois. Une voisine, Lisa McCully, voit les incendies et appelle le 911. Elle laisse ensuite ses deux jeunes enfants qui dorment dans la maison, et traverse la route pour aller s’informer de l’état de ses voisins. Le tueur lui tire dessus et la tue.         

Le tueur quitte ensuite sa propriété dans sa fausse voiture de police et conduit jusqu’à la maison de Greg et Jamie Blair, qui vivent sur la route voisine. Il tire et tue Greg, et donne ensuite chasse à Jamie dans la maison. Elle se cache avec ses fils dans une chambre en bloquant la porte, et elle appelle le 911. Le tueur crible la chambre de balles, tuant ainsi Jamie alors que ses enfants sont cachés sous le lit. Les garçons courent jusqu’à la maison des McCully où ils se cachent avec leurs amis, les enfants McCully.    

Pendant ce temps, le tireur se rend à la maison de Frank et Dawn Gulenchyn. Il les abat tous les deux et met le feu à leur maison. Un couple qui vit non loin voit le feu, ils appellent le 911, montent dans leur voiture et se précipitent pour aider leurs voisins. Ils ralentissent lorsqu’ils voient le véhicule de la GRC, mais ils reconnaissent le conducteur, qu’ils connaissent. Celui-ci tire deux coups de feu dans leur direction; une balle déchire l’épaule de l’homme, et l’autre lui effleure le front avant qu’il ne réussisse à redémarrer et s’enfuir en vitesse.

Le tueur continue son carnage. Il tue Peter et Joy Bond, un couple à la retraite. Corrie Ellison et son frère Clint viennent voir ce qui se passe; Corrie est abattue, ce qui pousse Clint à s’enfuir et se cacher dans les bois. Le tireur se rend ensuite à la maison de Jolene Oliver, de Aaron Tuck, et de leur fille adolescente, Emily Tuck. (Le tueur avait auparavant tenté d’acheter leur propriété, mais avait été rabroué.) Il les tue tous les trois avant de continuer son carnage, et tue ensuite Elizabeth Joanne Thomas et John Zahl. 

Intervention policière initiale

Les agents de la GRC arrivent à Portapique à 22 : 26 h. Ils trouvent des cadavres et des bâtiments en feu. Les témoins blessés, que le tueur a tirés en passant en voiture, donnent l’identité du tireur aux policiers, et les avertissent qu’il est déguisé en agent de la GRC et conduit un faux véhicule de la GRC. D’autres policiers du programme des incidents critiques arrivent. Leurs opérations se déroulent selon l’hypothèse que le tireur est susceptible de se suicider, mais ils établissent également des périmètres, fouillent les maisons, et utilisent des chiens policiers pour chercher le tueur. Ils placent un barrage routier sur ce qu’ils croient être la seule route sortant de la communauté, mais ils ignorent l’existence d’un chemin de terre situé près d’un champ de bleuets que le meurtrier utilise pour sortir du village.

La GRC communique avec le public par Twitter. Le premier message, à 23 : 32 h, déclare qu’ils ont affaire à une « plainte relative à des armes à feu. » La police ne fait pas mention de l’uniforme de la GRC ou de la fausse voiture de police, des incendies, des meurtres, ou de l’identité du tireur. Les gens de la région de Portapique sont avisés de rester dans leurs maisons.

Debert et Wentworth, le 19 avril 2020

Peu après 23 h, le tueur arrive à Debert, un petit village à 24 km au nord-est de Portapique. Il cache son véhicule derrière un atelier de soudage et y demeure pendant plus de six heures. À 5 : 32 h le matin suivant, il repart, conduisant vers le nord.

À 6 : 29 h, le tueur arrive dans la région de Wentworth, à environ 40 km de Debert. Il s’arrête sur Hunter Road, au domicile d’un couple qu’il connaît. Il abat Alanna Jenkins et Sean McLeod et met le feu à leur maison. Il tue ensuite leur voisin, Tom Bagley.

À peu près en même temps à Portapique, la conjointe de fait du meurtrier, Lisa Banfield, émerge des bois où elle s’est cachée. Elle se rend à la maison d’un voisin et appelle le 911. Elle rapporte ce que la GRC a appris plusieurs heures auparavant; l’identité du tireur, le fait qu’il porte un uniforme de la GRC et qu’il conduit un faux véhicule. À 8 : 02 h, la GRC écrit un message sur Twitter indiquant la présence d’un tireur actif dans Portapique, ignorant qu’à ce moment-là, il est à plus de 50 km de là. À 8 : 54 h, la GRC publie une photo du tueur sur Twitter ainsi qu’un avertissement qu’il est armé et dangereux.

Le tueur quitte Wentworth, et se dirige vers le sud sur la route 4. À 9 : 43 h, près du Wentworth Provincial Park, il ralentit, ouvre sa fenêtre et abat Lillian Hyslop, qui marchait alors le long de la route. À 10 : 08 h, le tueur arrête une voiture. Il tire sur le conducteur de la voiture, et tire ensuite sur une autre personne qui passait par là en voiture, tuant ainsi Kristen Beaton, qui est enceinte de son deuxième enfant, et Heather O’Brien. Il reprend ensuite la route vers le sud, en passant par Truro

À 10 : 17 h, sur Twitter, la GRC alerte le public pour la première fois que le tireur est déguisé en agent de la GRC et qu’il conduit une voiture imitant leurs véhicules. À 10 : 25 h, le tueur s’arrête brièvement à l’extérieur d’une station-service à Millbrook, avant de continuer vers le sud sur la route 2.

Shubenacadie et Enfield, le 19 avril 2020

Des agents de la GRC, Chad Morrinson et Heidi Stevenson, communiquent par radio et planifient de se rencontrer à l’intersection de la route 2 et de la route 224. Chad Morrison arrive en premier et croit que Heidi Stevenson arrive peu après lui; mais de l’intérieur de sa fausse voiture, le tueur tire Chad Morrison à plusieurs reprises. Celui-ci est gravement blessé, mais il arrive à s’échapper et à appeler des renforts. Pendant ce temps, le tireur s’enfuit. Alors qu’il se dirige vers le sud sur la route 2, il entre en collision avec le véhicule de l’agente Heidi Stevenson qui se dirige vers le nord pour rencontrer Chad Morrinson. Lorsque Heidi Stevenson sort de sa voiture sérieusement endommagée, Gabriel Wortman tire sur elle et la tue; il abat également Joey Webber, un passant qui arrive sur la scène à ce moment. Le tueur vole ensuite l’arme de Heidi Stevenson ainsi que la Ford Escape 2007 de couleur argent de Joey Webber (identifiée à tort comme une Chevrolet Tracker dans certains rapports préliminaires) et il continue son chemin vers le sud.

À 11 : 06, le tueur arrive au domicile d’une collègue de travail, Gina Goulet. Il l’abat. Il se change ensuite, enlevant son uniforme de la GRC, il vole la Mazda 3 de Gina Goulet, et continue vers le sud sur l’autoroute 102. Il conduit vers Enfield, s’arrêtant à une station-service au sud de la ville. Par pure coïncidence, des agents du groupe tactique d’intervention de la GRC s’arrêtent à la même station-service et commencent à faire le plein de leur voiture. Ils remarquent du sang sur la tête de l’homme assis dans une voiture adjacente à la pompe, et le reconnaissent alors comme étant le meurtrier. Au moment où les agents s’approchent de la voiture, le tueur lève et pointe l’arme qu’il a volée à l’agente Stevenson. Les agents tirent plusieurs coups de feu, et le tueur meurt sur les lieux.


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Le tueur

Le tueur était connu des policiers avant la tuerie d’avril 2020. Les gens qui le connaissaient l’ont souvent décrit comme étant un homme intelligent, paranoïaque et abusif, et ayant une tendance à la violence quand il était intoxiqué. En 2002, il a plaidé coupable d’avoir attaqué un adolescent. En 2010, il a menacé de tuer ses parents après qu’un de ses jeunes frères, qui avait été donné en adoption, soit revenu dans leurs vies. Le tueur s’est éloigné de ses parents et a refusé tout contact avec ce jeune frère. En 2011, la police de Truro reçoit un avis selon lequel le tueur est en colère contre la police et veut « tuer un policier ». Un bulletin de sécurité est diffusé à tous les départements de la police de la province; il inclut des détails sur les propriétés du tueur, sur ses armes à feu et sur son état mental. En 2013, la GRC avoue avoir éliminé ce bulletin lors d’une mise à jour de routine des dossiers. Également en 2013, un voisin rapporte à la police que le tueur le harcèle, qu’il est abusif et qu’il est violent envers sa conjointe de fait, et qu’il possède illégalement des armes à feu (il n’a pas de permis, et l’un de ses fusils est à autorisation restreinte).

Le tueur est également décrit comme étant un survivaliste. Il croit que le déclenchement de la pandémie de COVID-19 en mars 2020 prouve que sa conviction de longue date qui affirme qu’il est impossible de faire confiance aux autorités est vraie, et que les institutions de la société sont en train de s’effondrer. Lors des semaines précédant son carnage, il achète et stocke de la nourriture, de l’eau, des armes, des munitions et de l’essence. Il liquide également ses placements et retire toutes ses économies de plusieurs banques. Il place 475 000 $ en espèces dans des contenants ignifuges sur l’une des six propriétés rurales qu’il possède. 

Il achète aussi quatre voitures sur le site d’enchères du gouvernement fédéral, GC Surplus. (La vente de surplus de véhicules de la GRC a cessé en février 2021.) Il persuade un ami d’imprimer des autocollants de police, qu’il utilise pour donner un air plus authentique à ses véhicules. Il ajoute également des milliers de dollars d’accessoires, incluant une radio, une barre lumineuse, et un séparateur pour le siège arrière. Il dit à certains de ses amis qu’il rassemble et équipe les vieilles voitures pour faire hommage aux policiers morts en service. Il dit à d’autres que si la société s’effondre, sa fuite sera plus facile s’il est déguisé en policier.

Parmi les amis d’enfance du tueur, on trouve l’avocat disgracié Tom Evans, du Nouveau-Brunswick. Dans les années 1980 et 1990, les deux amis ont commis des délits mineurs tels que la contrebande de cigarettes au-delà de la frontière américaine. Lorsque Tom Evans meurt en 2009, le tueur hérite de sa succession, qui inclut un fusil Ruger Mini-14 semi-automatique; l’une des armes dont il se sert lors des attaques. Un ami commun qui vit au Maine lui fournit plusieurs autres armes qui sont passées en contrebande à la frontière des États-Unis. Ces armes incluent un pistolet Ruger P89 et deux armes à feu Glock semi-automatiques. Le tueur n’a pas de permis et il est donc illégal pour lui d’en posséder. (VoirContrôle des armes à feu.)

Conséquences

Les gens de partout au Canada et à travers le monde sont bouleversés par les événements survenus en Nouvelle-Écosse. Les familles des victimes sont en deuil. Les amis, les voisins et des étrangers au cœur brisé recueillent des fonds pour aider les familles. Les restrictions imposées par la pandémie de COVID-19 qui sévit rend les funérailles problématiques, mais les familles et les amis rendent hommage aux victimes du mieux qu’ils le peuvent, avec des fleurs, des chansons, des monuments commémoratifs en bordure de route et d’autres hommages de commémoration.

Le 1er mai, douze jours après la tuerie, le premier ministreJustin Trudeau annonce une interdiction fédérale de 1500 marques et modèles d’armes d’assaut de type militaire et de variants de fusils semi-automatiques, incluant le modèle Ruger Mini-14 utilisé par le tueur. (VoirContrôle des armes à feu.)       

Plus tard ce même mois, les familles des victimes lancent un recours collectif contre la succession du tueur, qui est évaluée à 2,1 millions de dollars. Le 4 décembre 2020, la police arrête la conjointe de fait du tueur, Lisa Banfield, ainsi que son frère James et son beau-frère Brian Brewster. Ils sont accusés d’avoir acheté et d’avoir transporté illégalement des munitions, que le tueur a utilisées lors de ses attaques. La police indique clairement que les personnes inculpées ne savaient aucunement que les attaques étaient planifiées. Le 5 février 2021, la poursuite est modifiée pour inclure ces trois personnes, affirmant qu’en fournissant des munitions au tueur de manière illégale, elles ont contribué à préparer les attaques. Un deuxième recours collectif est intenté par les familles des victimes en août 2020 contre la province et contre la GRC, alléguant que ceux-ci n’en ont pas fait assez pour arrêter le tueur.

Critiques de l’intervention de la GRC

Des préoccupations sont soulevées concernant l’intervention de la GRC lors des événements, et la façon dont celle-ci a géré la chasse à l’homme. Après les premiers meurtres et feux de Portapique, la police a supposé à tort que le tireur se suiciderait probablement. Les agents croyaient avoir bloqué la seule route vers l’extérieur de Portapique tard dans la nuit, mais ils ignoraient l’existence d’un chemin de terre près d’un champ de bleuets, que le tireur a utilisé pour quitter le village. Les forces de l’ordre sont également critiquées pour n’avoir utilisé que Twitter pour communiquer avec le public, et ne pas avoir utilisé le système d’urgence En Alerte (souvent utilisé dans les cas d’alertes Amber) pour envoyer une alerte générale au public; ainsi que pour les longs délais dans la communication d’informations souvent inexactes ou incomplètes.

La police défend son intervention, soutenant que la communication avec le public durant les 13 heures tragiques est due à des événements qui se déroulaient rapidement et de manière confuse. Les critiques de nombreux Néo-Écossais et des médias continuent néanmoins d’augmenter. En juillet, plus de 300 personnes tiennent une manifestation au détachement de la GRC de Bible Hill, près de Truro, demandant qu’une enquête sur le traitement de l’affaire par la GRC soit faite.    

Le 22 juillet, des responsables fédéraux et provinciaux annoncent un examen conjoint et indépendant des « causes, du contexte et des circonstances à l’origine de l’incident, de l’intervention de la police, et des mesures prises pour informer, soutenir et mobiliser les victimes, les familles et les citoyens affectés. » Le comité d’examen est constitué de l’ancienne ministre libérale fédérale de la Justice et de la Sécurité publique et procureure généraleAnne McLellan, et de l’ancienne cheffe de police de Fredericton Leane Fitch; elle est présidée par le juge en chef à la retraite de la Nouvelle-Écosse, J. Michael MacDonald.

Cependant, ce comité est immédiatement et largement critiqué parce que les audiences sont censées être tenues à huis clos, et que les preuves et informations recueillies sont confidentielles. Le mandat du comité n’oblige pas non plus les témoins à prendre parole sous serment. En moins d’une semaine, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse lancent plutôt une enquête publique. La Commission des pertes massives conserve deux des commissionnaires du comité; Anne McLellan est remplacée par l’avocate de Toronto, Dr Kim Stanton. L’enquête publique doit faire un rapport au ministre fédéral de la Sécurité publique et au ministre provincial de la Justice en novembre 2022.