Bertha Clark-Jones (née Houle), O.C., militante crie-métisse pour les droits des femmes et enfants autochtones (née le 6 novembre 1922 à Clear Hills, en Alberta; décédée le 21 octobre 2014 à Bonnyville, Alberta). Ancienne combattante de la Deuxième Guerre mondiale, Bertha Clark-Jones s’est jointe à la Aboriginal Veterans Society et a plaidé en faveur d’un traitement équitable pour les anciens combattants autochtones. Elle était cofondatrice et a été première présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada. Bertha Clark-Jones a consacré sa vie à promouvoir l’égalité et un plus grand pouvoir pour les femmes du Canada.
Jeunesse et formation
Cinquième de 14 enfants d’une famille crie-métis, Bertha Clark-Jones grandit au nord-ouest de Peace River, dans la région d’Athabasca, en Alberta. Sa famille est une des premières à s’établir dans la petite communauté de Clear Hills. Ils ne sont pas très riches, surtout pendant la crise des années 1930, et Bertha Clark-Jones travaille à la ferme pour aider la famille à joindre les deux bouts.
Enfant, elle n’hésite jamais à s’exprimer si elle considère que quelqu’un est victime d’une injustice. « Ayant grandi dans une grande famille, dit-elle, j’ai appris à être une personne attentionnée, à toujours me soucier des gens avec qui je vivais ou travaillais. »
Athlétique et garçon manqué, elle excelle dans les sports. Ses parents et ses grands-parents lui enseignent la valeur de la détermination et une solide éthique de travail, qu’elle applique ensuite lors de ses campagnes de sensibilisation. Elle fréquente l’école jusqu’à la neuvième année, et commence ensuite à travailler dans un hôpital de la région, où elle s’occupe de tâches générales. Bien qu’elle espère devenir infirmière, Bertha Jones-Clark ne veut pas quitter la maison pour faire des études. Avant l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale en 1939, elle s’installe à Grande Prairie, en Alberta, où elle vit avec sa sœur et son beau-frère et travaille dans la région jusqu’à ce qu’elle se joigne à l’effort de guerre.
Carrière militaire
Profondément patriote, Bertha Clark-Jones se joint à l’Aviation royale canadienne en 1940, à l’âge de 18 ans. (Voir aussi Division féminine de l’Aviation royale canadienne.) Après avoir terminé son entraînement physique, elle obtient le rang de caporal et prend la charge d’un escadron en tant qu’instructrice militaire. Elle voyage dans tout le pays exerçant ce rôle, et travaille dans de nombreuses bases militaires. Toutefois, Bertha Clark-Jones demeure déçue de ne jamais être appelée à servir outre-mer. Après la guerre, elle utilise son expérience militaire pour plaider en faveur du traitement équitable des anciens combattants autochtones, et elle se joint à la Aboriginal Veterans Society. (Voir Les peuples autochtones et les guerres mondiales.)
Bien que certains Autochtones soient victimes de discrimination pendant la guerre et après, Bertha Clark-Jones se souvient, dans son mémoire de 2003, qu’il régnait une atmosphère de camaraderie dans les Forces armées : « Je n’ai jamais ressenti de discrimination dans l’armée de l’air. Le fait que je sois jeune, autochtone, ou une femme, ne semblait pas importer… Il n’y avait pas de temps ou de place pour des pratiques discriminatoires. »
Après avoir quitté l’Aviation royale, Bertha Clark-Jones a l’intention de s’installer près de sa famille à Paddle Prairie Métis Settlement, dans le nord de l’Alberta. Bien que le gouvernement canadien accorde des prêts aux anciens militaires pour acheter et cultiver des terres, conformément à la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, Bertha Clark-Jones n’a pas le droit de posséder de terre dans l’établissement métis parce qu’elle est une femme.
Bertha Clark-Jones est également consciente du fait que « les membres de Premières nations ont perdu leur statut lorsqu’ils ont quitté les réserves pour s’enrôler, ce qui signifie qu’ils n’ont ni terre ni maison quand ils reviennent. » Ceci est une conséquence d’une disposition de la Loi sur les Indiens, qui stipule que les soldats membres de Premières nations qui se sont absentés de leurs réserves pendant plus de quatre ans perdent leur statut d’Indien. Le constat de ce niveau de discrimination entraîne Bertha Clark-Jones à s’engager activement en faveur des droits de la personne et des droits des femmes autochtones.
Le saviez-vous?
En 2002, Bertha Clark-Jones faisait partie de 20 anciens combattants métis qui ont reçu la Médaille du jubilé d’or du Ralliement national des Métis à Edmonton. Cet honneur reconnaissait son rôle dans les Forces armées canadiennes, et son infatigable défense des droits des femmes et des enfants autochtones. Les médailles ont été fournies par le gouverneur général du Canada afin de célébrer le 50e anniversaire du règne de la reine Elizabeth II.
Vie familiale
Durant son service au sein des Forces armées, Bertha Clark-Jones tombe amoureuse d’un sergent australien qu’elle appelle affectueusement « Curly ». Après la fin de la guerre, ce dernier retourne en Australie, la laissant seule et enceinte au Canada, et sans la terre sur laquelle elle espérait vivre. N’étant pas en mesure de prendre soin de l’enfant seule, Bertha Clark donne sa fille en adoption. Dans les années 1990, 50 ans après l’adoption, cette fille, Linda Graham Jasper, recherche et rencontre éventuellement sa mère biologique.
Réduite à s’installer sur une terre à Hawk Hills, en Alberta, après la guerre, Bertha retrouve George Clark, un ancien combattant qu’elle connaît depuis son adolescence. Ils se marient et ont des enfants. Ils possèdent et exploitent une petite ferme dépourvue d’équipement moderne, y travaillant pendant des années. Lorsque leur ferme est détruite dans un incendie dans les années 1960, le couple perd tout. Malgré de telles épreuves, la fille de Bertha Jones-Clark, Lynn, raconte que ses parents ont fait preuve d’une grande résilience et ont maintenu un mariage heureux.
Défense de la communauté
Après l’incendie désastreux, la famille Clark-Jones déménage à Fort McMurray, où Bertha commence son travail de militante dans la communauté. Elle contribue à la création de Nistawoyou, un Centre d’amitié autochtone, qui devient une plaque tournante pour les hommes et femmes autochtones arrivant du nord du Canada à la recherche de travail. Elle travaille également sur les comités de logement du centre avant de travailler chez NewStart, un programme de perfectionnement des études.
Afin de réduire la marginalisation des femmes autochtones et de leur donner accès à plus de ressources en éducation, Bertha Clark-Jones cofonde la Voice of Alberta Native Women’s Society en 1968. Cette société représente les femmes autochtones avec ou sans statut d’Indien, et les aide à obtenir, entre autres choses, l’égalité des droits en vertu de la Loi sur les Indiens. (Voir aussi Les femmes autochtones et le droit de vote.) Au début des années 1970, Bertha Clark-Jones aide également cette société à lutter pour les droits des enfants autochtones placés en famille d’accueil. Le groupe reçoit des subventions du gouvernement de l’Alberta pour recruter des parents d’accueil parmi les communautés autochtones. (Voir aussi Rafle des années soixante.)
Bertha Clark-Jones poursuit son travail de plaidoyer alors que la société devient l’Association des femmes autochtones du Canada. Elle en est la première présidente en 1974, s’efforçant d’aider à surmonter un bon nombreux de barrières et d’obstacles auxquels les enfants autochtones sont confrontés dans le système de services sociaux du Canada.
Le saviez-vous?
Bertha Clark-Jones a siégé sur le Métis Judiciary Council, un organisme de la Nation métisse d’Alberta, qui examine des enjeux et prend des décisions concernant principalement ses membres.
Retraite
Après avoir pris sa retraite à la fin des années 1980, Bertha Clark-Jones continue à défendre et promouvoir les lois ancestrales, les croyances spirituelles, les langues et les traditions autochtones. Elle siège au comité directeur du Institute for the Advancement of Aboriginal Women pour produire le livre Our Women in Uniform : Honouring Aboriginal Women Veterans of Alberta, publié en 2003. Elle est également reconnue comme une aînée dans la communauté métisse de l’Alberta.
Décès et legs
Sur son lit de mort, Bertha Clark-Jones encourage son fils Georges à déposer des pétitions auprès du lieutenant-gouverneur de l’Alberta, demandant des référendums sur la proposition de tarification du carbone et sur le controversé projet de loi 6, qui appliquerait de nouvelles règles de sécurité en milieu de travail et d’indemnisation aux agriculteurs et travailleurs de ranch. George raconte que trois jours avant que sa mère ne meure d’un AVC à 91 ans, le 21 octobre 2014, Bertha Clark-Jones lui a dit : « Ils doivent entendre ce que tu as à dire. » Malgré une forte opposition, le projet de loi 6 est adopté en décembre 2015.
Bertha Clark-Jones est enterrée dans le champ d’honneur du cimetière d’Athabasca à Athabasca, en Alberta. Son nom est inscrit sur le monument national en mémoire des anciens combattants métis à Batoche, en Saskatchewan.
De nombreux membres de la communauté se souviennent d’elle comme étant une défenseure forte et pleine de compassion pour les femmes autochtones. La présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, Michèle Taïna Audette, se souvient : « Bertha Clark-Jones demeure un modèle pour les femmes autochtones autonomes, et sa vie est un témoignage des changements extraordinaires qu’on peut apporter à la société. » Thelma J. Chalifoux, la première sénatrice autochtone au Canada, fait écho au sentiment de Michèle Taïna Audette, ajoutant : « Elle a toujours eu énormément de classe, et elle été un exemple de gentillesse et de cœur généreux qui ont été une inspiration pour nous tous. »
Le 27 septembre 2022, l’Université Athabasca a ouvert la Bertha Clark-Jones O.C. Art Gallery et le Linda Bull Memorial Garden pour honorer l’héritage de ces femmes autochtones influentes.
Prix et distinctions
- Médaille du jubilé d’or (2002)
- Prix d’excellence pour l’œuvre d’une vie, Fondation nationale des réalisations autochtones (renommée plus tard Indspire) (2007)
- Officière de l’Ordre du Canada (2007)
- Médaille du jubilé de diamant (2012)