La Branche aérienne de la Marine royale canadienne a été créée en 1945 et dissoute lors de l’unification des Forces armées canadiennes en 1968. Au cours de cette période, la Marine royale canadienne (MRC) a exploité successivement trois porte-avions, soit les navires NCSM Warrior, Magnificent et Bonaventure. Il était essentiel que la MRC puisse employer une puissance aérienne en mer afin d’exercer son rôle essentiel de lutte anti-sous-marine pendant la Guerre froide en détectant les activités soviétiques sous-marines. La nature de cette menace évoluant, la Branche aérienne de la MRC a subi un processus quasi continu d’adaptation visant à intégrer du nouveau matériel et de nouvelles tactiques, grâce à des aéronefs et à de l’équipement de soutien de plus en plus performants.
Origines
L’aviation en est encore à ses débuts lorsque la Marine royale canadienne (MRC) est créée en 1910. De plus, elle n’est pas d’emblée adaptée aux besoins de la petite force. Pendant la Première Guerre mondiale, plus de 900 Canadiens servent dans le Royal Naval Air Service (RNAS) britannique, dont Red Mulock, Raymond Collishaw et Wilfred Curtis. Mais la guerre progressant, les sous-marins allemands ennemis deviennent une grave menace dans les eaux territoriales. Le 5 septembre 1918, le gouvernement Borden crée donc le Service aéronaval de la Marine royale du Canada (RCNAS), première force aérienne canadienne, chargée d’effectuer des patrouilles en hydravion au large de la côte est. La guerre prend toutefois fin avant que les aviateurs de la MRC aient terminé leur formation et l’organisation est dissoute en décembre 1918.
L’aéronavale suscite un regain d’intérêt au cours de la Deuxième Guerre mondiale, bien que le Canada ne dispose toujours pas de sa propre branche aéronavale. Comme lors de la Première Guerre mondiale, de nombreuses recrues de la Réserve des volontaires de la Marine royale canadienne (RVMRC) sont détachées auprès de l’aéronavale de la Marine royale britannique (la FAA, le RNAS ayant été rebaptisé). Parmi ces recrues figurent le lieutenant Robert Hampton « Hammy » Gray qui reçoit la Croix de Victoria (V.C.) à titre posthume pour son acte d’héroïsme à bord du porte-avions britannique NSM Formidable le 9 août 1945.
Le saviez-vous?
La Croix de Victoria décernée à Hammy Gray est unique à bien des égards. Il s’agit de la seule V.C. décernée à un membre de la Marine royale canadienne et de la dernière décernée à un Canadien. Hammy Gray est également la dernière personne rattachée à des forces d’autres pays du Commonwealth à recevoir cet honneur pour la Deuxième Guerre mondiale.
Au début de l’année 1944, la MRC habite elle-même deux porte-avions d’escorte britanniques, les NSM Nabob et Puncher, avec à leur bord des escadrons britanniques de la FAA. (Le Nabob est torpillé en août 1944 alors qu’il attaque le cuirassé allemand Tirpitz, puis il est désarmé.) Fait important, le Comité de guerre du Cabinet canadien approuve la création d’une « Branche aérienne de la Marine royale canadienne » en octobre 1943. Les plans pour le théâtre du Pacifique prévoient deux porte-avions et dix escadrons aéronavals, soit un total de près de 2 000 personnes.
Branche aérienne de la MRC
Le 19 décembre 1945, le Cabinet confirme la création de la Branche aérienne de la Marine royale canadienne, mais avec un seul porte-avions. Le premier porte-avions canadien, le NCSM Warrior (un plus grand porte-avions de type « flotte » prêté par la Royal Navy), est mis en service en janvier 1946. Il est servi par les 803e et 825e escadrons de l’aéronavale canadienne, pilotant respectivement des chasseurs Supermarine Seafire et des appareils de lutte anti-sous-marine Fairey Firefly. En décembre 1948, la marine reprend la station Dartmouth de l’ARC, en Nouvelle-Écosse, pour en faire sa base terrestre, qu’elle rebaptise NCSM Shearwater. La même année, le Warrior est renvoyé à la Royal Navy en échange du porte-avions modernisé NCSM Magnificent.
En 1949, la Branche aérienne de la MRC utilise les chasseurs Hawker Sea Fury et les bombardiers torpilleurs Grumman Avenger, plus perfectionnés, mais toujours équipés de moteurs à pistons. Elle introduit les hélicoptères avec trois appareils Bell en 1951 et, un an plus tard, les hélicoptères Sikorsky HO4S Sea Horse, des modèles pour la recherche et le sauvetage (SAR) et pour la lutte anti-sous-marine (ASM).
En 1957, le NCSM Magnificent (« Maggie ») est renvoyé à la RN en échange du porte-avions modernisé, le NSM Powerful (rebaptisé NCSM Bonaventure pour le service de la MRC), qui est acheté plutôt que loué auprès de la RN. Le « Bonnie » est équipé d’un pont d’atterrissage incliné, d’un miroir d’appontage, d’une catapulte à vapeur de dernière technologie et d’un radar d’approche pour porte-avions. Il transporte des chasseurs à réaction McDonnell F2H-3 Banshee et l’avion anti-sous-marin Grumman S-2F Tracker.
Après le retrait des Banshee en 1962, le Bonaventure devient un porte-avions dédié à la lutte anti-sous-marine et transporte des hélicoptères Sikorsky CHSS-2 / CH-124 Sea King pour compléter les Tracker. Au même moment, la MRC propulse le développement du concept de destroyer porte-hélicoptères (DDH), les sept destroyers d’escorte de la classe Saint‑Laurent originaux étant tous convertis à cette configuration. Le DDH devient par la suite le principe d’organisation des marines du monde entier, y compris la Royal Navy et la United States Navy.
Les exigences opérationnelles entraînent également d’autres développements technologiques. Dans les années 1960, l’escadron aérien expérimental de la branche aérienne, le VX10, développe le dispositif d’appontage et d’arrimage rapide d’hélicoptère, connu sous le nom de « Beartrap ». Ce système permet à l’équipage d’arrimer rapidement les hélicoptères sur le pont, même par mer agitée. La MRC a également inventé le système de navigation tactique de lutte anti-sous-marine (ASWTNS) qui, lors d’essais en juillet 1959, permet à un Tracker du VX10 de la MRC de suivre en continu et pendant une période prolongée le tout nouveau sous-marin nucléaire américain, le USS Skipjack — une tâche jugée « impossible ».
Dissolution
La Branche aérienne de la Marine royale canadienne est dissoute lors de l’unification des Forces armées canadiennes en 1968. Dès lors, elle s’intègre au Groupe aérien maritime, une sous-unité du Commandement maritime intégré. En 1970, le Bonaventure est mis hors service sans être remplacé, et la flotte de Tracker est basée à terre, bien que les hélicoptères Sea King continuent de voler en tant que détachements aériens depuis les ponts des destroyers. La branche aéronavale est véritablement reléguée à l’histoire en 1975, lorsque le Commandement maritime prend le contrôle du Groupe aérien maritime.
Malgré la fin de l’ère de la Branche aérienne de la Marine royale canadienne, le service aérien demeure une composante essentielle de la marine canadienne et se poursuit encore aujourd’hui sous la forme de ressources embarquées de l’Aviation royale canadienne reconstituée.