Cinéma d'animation
Le cinéma d'animation canadien est reconnu à l'échelle internationale. Établie au cours des 40 dernières années, cette réputation repose en grande partie sur les travaux de Norman McLaren et de l'Office national du film (ONF).
Parmi les pionniers du cinéma d'animation canadien, citons Walter Swaffield, Harold Peberdy et Bert Cob. Cependant, les premiers films d'animation, réalisés avant 1920, sont aujourd'hui introuvables. Dans les années 20, un peintre et dessinateur torontois, Bryant Fryer, entreprend la création d'une série de 12 dessins animés, intitulée Shadow Laughs. Il n'en termine que deux en 1927. Six ans plus tard, il s'attaque à une nouvelle série, Shadowettes, et réalise trois films dans lesquels il utilise la technique du silhouettage, connue en Allemagne grâce à Lotte Reiniger. Peu de temps après, il est contraint d'abandonner ses activités et se tourne vers la production commerciale.
Ces premières tentatives sont irrégulières et n'ont aucun lien les unes avec les autres. En 1939, la création de l'ONF permet la mise en place des conditions nécessaires à une production suivie, indépendante des contraintes commerciales. Peu de temps après sa nomination à la tête de l'ONF, John Grierson demande à son ancien collaborateur et ami, l'Écossais Norman McLaren, de venir le rejoindre au Canada. McLaren est nommé responsable de la nouvelle section d'animation, dont le mandat consiste à produire de courts messages de propagande pour l'effort de guerre. McLaren s'applique à cette tâche avec une imagination débordante. Il recrute de jeunes talents un peu partout au Canada et jette les bases sur lesquelles reposera le succès du cinéma d'animation canadien. Avec des moyens très limités, des cinéastes animateurs comme George Dunning, Grant Munro et René Jodoin réalisent des films pleins de charme et de vitalité.
Après la Deuxième Guerre mondiale, McLaren s'intéresse à des projets plus personnels et laisse à la postérité des oeuvres remarquables. Hen Hop (1942) et Begone Dull Care (1949; v.f. Caprice en couleur) en sont deux excellents exemples. Ses innovations techniques, notamment le procédé qui consiste à dessiner directement sur la pellicule et qui élimine le besoin d'une caméra, sont révolutionnaires. La pixillation, quant à elle, permet l'animation de véritables acteurs et atteste de l'ingéniosité exceptionnelle de McLaren. Il utilise ce procédé dans Neighbours (1952; v.f. Voisins) et dans A Chairy Tale (1957; v.f. Il était une chaise). Neighbours lui vaudra un Oscar. Avec ses films pleins de fougue et d'originalité, McLaren éblouit des millions de spectateurs dans le monde entier. Dans les années 60, il se passionne pour la danse et explore un nouveau terrain avec le merveilleux Pas de deux (1967), poème visuel en noir et blanc dans lequel il utilise l'exposition multiple.
La percée du cinéma d'animation canadien
Au cours des années 50, alors que McLaren se concentre sur son oeuvre, une nouvelle génération d'animateurs développe ses propres techniques. The Romance of Transportation in Canada (1952; v.f. Sports et Transports), de Colin Low, est un signe avant-coureur de la naissance d'un cinéma d'animation canadien. À cette époque, Robert Verrall, Wolf Koenig et Sidney Goldsmith se joignent à l'équipe d'animation de l'ONF qu'ils marquent de leur originalité. L'installation de l'ONF à Montréal (1956) stimule les animateurs francophones Bernard Longpré, Yvon Mallette, Pierre Moretti et Pierre Hébert. On retrouve autant de styles que d'animateurs. Certains s'intéressent à l'informatique, d'autres utilisent le charbon, l'aquarelle, la photographie ou l'épinglage.
Vers la fin des années 60, les productions francophone et anglophone se distinguent l'une de l'autre, mais la qualité demeure constante et la diversité domine. Don Arioli utilise son esprit caustique pour amuser. Peter Foldès se sert de l'animation par ordinateur pour critiquer la société de consommation dans La Faim (1973). Co Hoedeman crée des êtres fantastiques avec du sable dans The Sand Castle (1977; v.f. Le château de sable). Caroline Leaf applique aquarelle et encre sur de la vitre dans The Street (1976). Ishu Patel fait évoluer des milliers de perles dans Bead Game (1977; v.f. Histoire de perles). Laurent Coderre procède à un minutieux travail assemblant des particules de linoléom dans Zikkaron (1971). Bernard Longpré et André Leduc reviennent à la pixillation avec Monsieur Pointu (1975). Jacques Drouin utilise, quant à lui, lécran d'épingles d'Alexeieff-Parker pour des films comme Le Paysagiste (1976).
Au cours des années 70, l'ONF met l'accent sur la production régionale, ce qui permet à de nouveaux talents de se faire connaître à Vancouver, à Winnipeg et à Halifax. La production de Winnipeg retient surtout l'attention avec les films humoristiques de Richard Condie (Getting Started, 1979; v.f. Faut se grouiller; The Big Snit, 1987; v.f. Le P'tit chaos) et de Cordell Barker (The Cat Came Back, 1989; v.f. Le chat colla...), qui ont été très bien accueillis par le public. Les films d'animation de l'Office remportent de nombreux prix dans le monde entier, dont cinq Oscars pour Neighbours, The Sand Castle, Special Delivery (1977; v.f. Livraison spéciale) Every Child (1979; v.f. Chaque enfant) et Bob's Birthday (1993; v.f. L'Anniversaire de Bob).
Des auteurs importants s'imposent à l'ONF apràs 1980, comme Suzanne Gervais (L'Atelier, 1988; L'Attente, 1993), Michèle Cournoyer (La Basse-cour, 1992; Le Chapeau, 1999), Claude Cloutier (Le Colporteur, 1988; Du big bang à mardi matin, 2000) et Craig Welsh (How Wings are Attached to the Back of Angels, 1996; Welcome to Kentucky, 2001).
En 1968, la Société Radio-Canada fonde un studio d'animation. Dirigé par Hubert Tison, ce studio se spécialise d'abord dans les titres, les génériques et les indicatifs musicaux, mais il ne tarde pas à se tailler une excellente réputation dans le domaine du film scénarisé. En effet, grâce au remarquable talent de Frédéric Back, les productions de la Société Radio-Canada remportent des prix à divers festivals, dont deux Oscars pour Crac! (1981) et L'Homme qui plantait des arbres (1987). En plus des films de Back, le studio de Radio-Canada réalise des oeuvres de Graeme Ross (The Hare and the Tortoise/Le Lièvre et la tortue, 1978) et de Paul Driessen (Jeu de coudes, 1979). D'importantes compressions budgétaires contraignent la SRC à abandonner la production de films d'animation au début des années 90.
Les films du secteur privé
L'industrie privée produit elle aussi des oeuvres fascinantes. Peu après sa création, Crawley Films met sur pied son studio d'animation, et The Loon's Necklace (1948), oeuvre primée qui relate une vieille légende amérindienne, continue d'être diffusé régulièrement. Dans les années 60, Crawley commence à réaliser des films d'animation pour la télévision américaine, parmi lesquels The Tales of the Wizard of Oz (1962) et Return to Oz (1963), deux films remarquables.
Dans les années 50, Jim McKay et George Dunning quittent l'ONF et fondent Graphic Associates. Après le départ de Dunning en 1955, Graphic Associates devient Film Design Ltd., dont les activités se poursuivent aujourd'hui. La même année, Al Guest constitue sa propre compagnie, qui sera pendant plusieurs années la troisième plus grande compagnie au monde dans le domaine de l'animation. Guest dirige maintenant la Rainbow Animation. Sur la côte ouest, l'autodidacte Al Sens a ouvert son propre studio, où il travaille toujours. Une de ses plus belles réalisations, The See Hear Talk Think Dream and Act Film (1965) conjugue animation et action réelle. Gerald Potterton, un autre ancien animateur de l'ONF, crée, en 1968 à Montréal, sa propre compagnie et réalise divers films dignes de mention, tel le long métrage Tiki Tiki (1970-1971), avant de cesser ses activités vers 1975. En 1975, Marv Newland fonde International Rocketship, une entreprise très dynamique de Vancouver qui réalise des films de commande et des films indépendants. Parmi les réussites de ce studio figurent Anijam (1984) et Pink Komkommer (1991). En 1969, Newland réalise à Los Angeles le film culte Bambi meets Godzilla.
Potterton réapparaît et réalise le dessin animé le plus coûteux au Canada, Heavy Metal (1981; v.f. Métal hurlant), un grand succès public auquel plusieurs animateurs et différentes maisons de productions ont participé. Parmi les animateurs indépendants figure aussi John Straiton, un directeur de publicité qui fait des films d'animation pendant ses temps libres. Son Portrait of Lydia (1964) recourt à une suite d'images et de symboles sexuels, et Eurynome (1970) est une merveille technique réalisée à partir de pâte à modeler. Les films de Straiton ont remporté de nombreux prix.
Depuis le milieu des années 70, de nouveaux talents sont sortis des collèges spécialisés en animation. Barry Greenwald, un Torontois de 21 ans, obtient son diplôme avec son film de fin d'études, Metamorphosis, en 1975. Contre toute attente, cette comédie originale remporte la Palme d'or du court métrage au Festival du film de Cannes l'année suivante. La plus originale est sans conteste Wendy Tilby, formée au Emily Carr College, en Colombie-Britannique. Son film de fin d'études, Tables of Content (1986), est reçu avec enthousiasme tandis que When the Day Breaks (1999), qu'elle coréalise avec Amanda Forbis, est un chef-d'oeuvre couronné de nombreux prix internationaux. D'autres cinéastes sortent du Sheridan College, en Ontario, et de l'U. Concordia, au Québec.
Enfin, on ne peut passer sous silence l'abondante production canadienne destinée à la télévisées. De nombreux studios, dont Cinar et Cinégroupe, à Montréal, et Nelvana, à Toronto, se spécialisent dans ce genre. Au cours de la décennie 1990, on voit apparaître des compagnies se spécialisant dans la réalisation de publicités et de courtes animation pour la télévision. Les Productions Pascal Blais, à Montréal, et Cuppa Coffee, à Toronto, se distinguent dans ces domaines. Les Productions Pascals Blais produisent aussi exceptionellement des courts métrages d'auteur, comme le remarquable Vieil Homme et la mer (Alexandre Petrov, 1999) couronné d'un Oscar.
Le cinéma d'animation canadien, unique et novateur, continue de s'attirer la faveur des critiques et du public du monde entier. Il est intéressant de noter que les premiers films d'animation canadiens ont toujours la faveur du public.