Walter E. Harris, O.C., artiste et chef héréditaire gitksan (né le 10juin1931 à Kispiox, en Colombie-Britannique; décédé le 12janvier2009). Walter Harris développe le «style ‘ksan de l’
art de la côte nord-ouest», basé sur la culture et l’histoire gitksanes.
Jeunesse
Walter Harris, fils de Chris et de Clara Harris, naît dans le village gitksan de Kispiox, en Colombie-Britannique, en 1931. Il fait alors partie du clan Fireweed (épilobe à feuilles étroites) des Gitksans, un peuple autochtone formé de quatre clans principaux (les autres étant nommés Frog, Eagle et Wolf, soit grenouille, aigle et loup). En 1956, il épouse Sadie, avec qui il a plus tard cinq enfants. L’année suivante, à 26ans, il adopte le nom de Chef Geel, un nom traditionnel de chef héréditaire Gitksan.
Travaillant comme charpentier et leader dans une scierie communautaire dans les années1960, Walter Harris participe à la reconstruction de Gitanmaax, un ancien village gitksan. Il y bâtit notamment des ateliers de sculpture et des maisons en planche. Connu sous le nom de ‘Ksan (le nom gitksan de la rivière Skeena), le village reconstruit entre 1968 et 1970 se situe au confluent des rivières Skeena et Bulkley, près de la communauté de Hazelton, en Colombie-Britannique. Le village historique ‘Ksan témoigne aujourd’hui de la culture et des traditions gitksanes. Il comporte notamment un musée accueillant plus de 600artéfacts, d’anciens et de nouveaux mâts totémiques et une maquette de l’ancien village de Gitanmaax.
Formation et début de carrière
À la fin des années1960, Walter Harris commence sa transformation en tant qu’artiste autochtone important. Formé et influencé par des artistes de l’école Gitanmaax d’art autochtone de la côte nord-ouest, à ‘Ksan, il met à profit ses apprentissages et ses talents de charpentier et commence à créer des œuvres gitksanes complexes telles que des masques, des coiffes, des bijoux et, plus tard, des mâts totémiques. Inspiré de la culture gitksane traditionnelle, Walter Harris exploite les thèmes de l’ épilobe à feuilles étroites (une magnifique fleur mauve), des épaulards et des aigles (l’épilobe, l’épaulard et l’aigle sont des noms de clans gitksans). Il tire également parti de l’iconographie gitksane pour créer de magnifiques œuvres d’art traditionnel autochtone.
Engagement communautaire
En 1972, Walter Harris est nommé au conseil d’administration du village ‘Ksan et devient rapidement formateur de sculpture sur bois à l’école Gitanmaax, poste qu’il occupe jusqu’en 1985. Connaissant bien la culture du peuple de la rivière Skeena, il aide également à ériger le bâtiment de sculpture sur bois de l’école, fait selon le modèle traditionnel de planches et de poutres. Dans les années1970, Walter Harris et d’autres artistes gitksans procèdent à la restauration, à ‘Ksan, d’un mât totémique du village de Kispiox. Peu de temps après, l’artiste construit le premier mât totémique traditionnel moderne à ‘Ksan avec l’aide d’autres sculpteurs gitksans. Il utilise ses armoiries familiales, «nez d’obsidienne», comme figure principale pour la base du mât totémique.
Le mât totémique, un monument artistique et spirituel ainsi qu’un registre généalogique d’un peuple, devient une passion tout au long de la vie de Walter Harris. Ses restaurations et ses œuvres originales perdurent à Kispiox et à ‘Ksan. L’artiste crée également des mâts totémiques à l’extérieur des terres traditionnelles de son peuple. Par exemple, en 1985, il fabrique un mât totémique sur l’île Victoria, sur la rivière des Outaouais, au bas de la colline du Parlement. L’inauguration du mât fait alors l’objet d’une cérémonie traditionnelle. Walter Harris considère que les mâts totémiques sont au cœur de la culture de son peuple: «Ils sont ce que nous offrons à la terre. Ils sont les témoins de la rencontre de nos ancêtres avec les êtres surnaturels qui contrôlent le poisson, le gibier et les plantes de notre monde. Ils sont notre charte de droits depuis la nuit des temps.»
En 1984, Walter Harris ouvre son propre studio d’art dans son village natal de Kispiox, «The Hiding Place Gallery and Studio» (Galerie et studio de l’endroit caché), où il continue de créer des bijoux, des sculptures sur bois et des œuvres d’art graphiques complexes. Trois ans plus tard, il est atteint d’un AVC et, en 1990, subit une chirurgie cardiaque. Il continue toutefois de produire des œuvres d’art et complète en 1998 un imposant panneau de cèdre rouge pour l’école primaire Kispiox/Anspayaxw (un mot gitksan signifiant «le peuple de l’endroit caché»), aujourd’hui nommée École communautaire de Kispiox.
Héritage
Bien qu’il soit talentueux et reconnu comme graveur, Walter Harris est surtout renommé pour ses sculptures. Son impressionnant mât totémique Mother of Grouse, érigé à Kispiox, commémore ses armoiries familiales et reproduit un mât ayant disparu de son village il y a très longtemps. Au cours de sa vie, Walter Harris développe un style artistique unique nommé «style ‘Ksan de l’art de la côte nord-ouest», inspiré de la culture et de l’histoire gitksanes. Les sculptures et les masques traditionnels de l’artiste sont aujourd’hui exposés dans plusieurs endroits importants du Canada, comme le Musée canadien de l’histoire et le Musée d’anthropologie de l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, pour lesquels il a créé des façades et des portes. En 1980, Walter Harris reçoit une commande du gouvernement fédéral, qui consiste à créer des sculptures pour les édifices du Parlement, à Ottawa, ce qui s’insère dans un programme de promotion d’artistes autochtones. Sa sculpture de calcaire d’un épaulard est maintenant présentée de manière permanente au-dessus de la porte de la Salle du Commonwealth (dans l’édifice du Centre). Au cours de sa vie, Walter Harris transmet les traditions artistiques de son peuple à une nouvelle génération d’étudiants, y compris à Michael Blackstock, artiste gitksan auteur de Faces in the Forest: First Nations Art Created on Living Trees (Presses de l’Université McGill et de l’Université Queen’s, 2001).
En 2003, Walter Harris reçoit le prestigieux Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques pour ses réalisations dans le domaine de la sculpture. Deux ans plus tard, il devient Officier de l’Ordre du Canada, un prix offert «en reconnaissance de réalisations et du mérite remarquables, en particulier dans le cadre de services rendus au pays ou à l’humanité».
Le «maître sculpteur gitksan» décède en 2009. Plus de 1000personnes se réunissent à Hazelton, en Colombie-Britannique, une semaine après son décès pour célébrer sa vie et son œuvre.
Prix et distinctions
Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques, 2003
Officier de l’Ordre du Canada, 2005